On voudrait retomber en enfance rien que pour venir se faire soigner les dents chez Jona Andersen… L’univers qu’elle a su créer donne envie aux enfants d’aller chez le dentiste. Tout a été mis en œuvre pour qu’à peine le seuil franchi, les petits patients pénètrent dans un monde merveilleux.
Dès l’entrée, c’est la fête. Geneviève, la secrétaire de Jona Andersen, accueille parents et enfants dans un grand espace où miroirs et baies vitrées intérieures jouent avec la transparence et les reflets. Les enfants sont tout de suite attirés par la salle de jeux, qui n’est rien d’autre que la salle d’attente, où des tabourets en forme de dents, des cubes fluo éclairés de l’intérieur, une télévision, des jouets et une Wii les attendent. Près de la porte d’entrée, une petite alcôve permet de se laver les dents, si nécessaire.
Espaces, couleurs, personnages de dessins animés sur les murs, écrans un peu partout diffusant des films, jouets…, chaque détail a été pensé pour que les petits patients se sentent accueillis dans un lieu qui leur ressemble. La mascotte de la praticienne, la Fée Clochette, veille à ce que l’atmosphère reste douce et pleine de surprises. Dessinée sur les murs, en fond d’écran sur les ordinateurs ou en figurine, elle est omniprésente.
Si la féerie opère entre les murs du cabinet, rien de l’exercice de la praticienne ne relève d’un conte de fées. Il faut dire que Jona Andersen allie sa passion de la dentisterie à une haute exigence en termes de qualité et de prise en charge de la douleur. Elle reçoit ses petits patients avec calme et bienveillance, sans oublier d’établir une relation particulière avec les parents, port d’attache de l’enfant. « Ce qui est important quand on soigne un enfant, c’est la psychologie », indique-t-elle.
Tout mettre en place pour que l’enfant n’ait pas mal et n’appréhende plus d’aller chez le dentiste : pour la praticienne, soigner un enfant relève d’une cohérence tant professionnelle qu’humaine. « J’essaie d’apporter une qualité et une spécificité à la pédodontie, avec l’idée de ne pas intervenir une seconde fois sur une dent soignée, tant qu’elle n’est pas tombée », assure-t-elle.
Cette Danoise énergique et déterminée a fait ses études de dentisterie à l’université de Copenhague : cinq années de cours et de pratique, suivies d’une année de thèse travaillée. Curieuse et voyageuse, en fin de cycle, elle décide de profiter du programme d’échange Erasmus et passe six mois à Garancière. Cupidon décoche sa flèche. Elle tombe amoureuse de la France. Pour s’y installer, elle s’arme de patience et jongle entre allers-retours, demandes de carte de séjour et d’équivalence… Le Danemark faisant partie de l’Union européenne, son diplôme, obtenu en 1997, lui permet d’exercer dans n’importe quel pays de la Communauté.
« Pour avancer, il faut avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Dès qu’il a fallu que je me batte pour que les choses aboutissent, il y a eu comme un déclenchement. Et puis, quand on arrive à s’énerver dans une langue, c’est qu’on la maîtrise ! », s’amuse-t-elle. En 2000, elle partage son temps entre deux collaborations à Paris, la première dans un cabinet quelques jours par semaine, la seconde aux côtés d’un compatriote, chirurgien-dentiste installé depuis vingt ans, prêt à partir à la retraite. Une aubaine.
« Ma première idée était de créer un cabinet destiné exclusivement à une patientèle scandinave. » Elle réalise vite que le projet n’est pas viable et reçoit alors la patientèle rachetée à son prédécesseur dans un cabinet de groupe où exercent kinésithérapeutes et médecins généralistes, jusqu’à la naissance de son premier enfant, en 2002. Il lui pousse de nouvelles ailes… Elle veut se consacrer aux enfants. « La pédodontie est très largement abordée pendant les études dentaires au Danemark, mais je redoutais de ne pouvoir en vivre ici. » Rappelons qu’au Danemark, les pédodontistes travaillent pour l’État directement avec les écoles et que les soins, jusqu’à 18 ans, sont gratuits. Une autre philosophie de la dentisterie…
De rencontres en réflexions, elle prend conseil, pèse le pour et le contre, et conclut : « Pour réaliser mon projet, il fallait que je m’installe dans un bon secteur et que j’offre un service de qualité. » En 2006, elle revend son cabinet, crée le service de dentisterie pédiatrique de l’Hôpital américain, à Neuilly-sur-Seine, et se lance dans l’aventure : formations sur la sédation consciente et l’anesthésie générale aux États-Unis, DU de sédation consciente à Paris V, stages, voyages pour prendre en compte ce qui se fait ailleurs.
« Il faut être déterminé sinon on ne trouve rien. J’ai passé deux ans à chercher le cabinet qu’il me fallait. » Jona Andersen ne fait pas les choses à moitié et sait ce qu’elle veut. Elle finit par trouver : 135 m2 au rez-de-chaussée d’un immeuble cossu du 16e arrondissement parisien, transformables en local professionnel, sans trop de couloirs, avec l’autorisation de la copropriété pour pouvoir exercer une activité libérale. « Tous ces éléments étaient indispensables et pas évidents à réunir pour une location », reconnaît-elle. C’est son ami, l’architecte-décorateur Miguel Cancio-Martins (restaurant Man Ray, Buddha Bar…) qui l’épaule avec ses idées branchées. « Je lui ai dit : on enlève les clichés, on se concentre sur l’essentiel. On est allé vers des formes rondes pour la douceur, des couleurs pour l’ambiance, une salle d’attente ludique et un objectif : toujours rappeler le monde des enfants. »
Le reste suit : matériel high-tech, système informatique performant, écrans de télévision un peu partout, plaques en verre au sol dévoilant des souris en peluche qui grignotent des morceaux de câble : « Les enfants adorent, ils pensent que des souris vivent sous le cabinet ! » L’ambiance est à la magie. Dans des bocaux des médailles, de petits jouets, ici et là une multitude de peluches et de surprises comme les certificats de courage ou le mur de miroirs ronds dans l’entrée que les enfants ouvrent en partant : derrière chaque petit miroir se cachent des cadeaux !
Depuis juin 2009, Jona Andersen reçoit sa petite patientèle accompagnée d’une assistante dentaire polyvalente, d’une secrétaire médicale et d’un chirurgien-dentiste qui se consacre à l’hygiène dentaire, Ilana Atlan. Elle ne travaille plus à l’Hôpital américain. Avec une file active de 4 000 patients, le cabinet abrite trois fauteuils américains, de la marque Boyd, du matériel signé Adec, une panoramique et une radio Kodak, des unités ambidextres avec le matériel pour les soins, entièrement conçues par la praticienne, gauchère : montées sur des planches coulissantes vissées, elles permettent aux droitiers et gauchers de s’en servir et se rangent sous le plan de travail. « C’est important que le petit patient ne voie ni l’aspiration ni les instruments », assure la praticienne.
La première salle de soins, très grande, dotée de deux fauteuils qui facilitent le travail d’Ilana Atlan et de la praticienne, notamment les mercredis, a été pensée pour abriter quatre fauteuils. Dans son prolongement se trouvent la salle de radiographie et la stérilisation. La seconde salle de soins, située à l’autre extrémité du cabinet, est plus intime. Entre les deux, le bureau de Jona Andersen permet de recevoir les parents ou de s’isoler.
Vêtue d’une blouse colorée, comme le reste de son équipe, la praticienne reçoit également les enfants en situation de handicap : autisme, trisomie 21… Pour effacer toute douleur et faciliter les soins destinés aux enfants craintifs, difficiles, lourdement handicapés, aux bébés souffrant du syndrome du biberon, elle pratique la sédation consciente et reçoit à la clinique Sainte-Isabelle à Neuilly-sur-Seine pour les anesthésies générales avec l’anesthésiste Bernard Alezra, notamment pour les autistes. Il arrive que ses petits patients viennent de l’autre bout du monde…, de Disneyland au cabinet de Jona Andersen, il n’y a qu’un battement d’ailes.
Le menu dentifrice proposé aux enfants avec des arômes différents pour le pack dentifrice et brosse à dents avec lequel ils repartent : pastèque, vanille, chewing-gum…
Son concept : travailler avec l’objectif que l’enfant soit volontaire et coopératif, dans un climat de confiance.
Son projet de tout classer via le logiciel Orthalis pour ne plus utiliser de papier, préserver la nature, gagner du temps et de l’espace.
« Ça va, Désirée ? », demande la praticienne à sa petite patiente de 4 ans. « Super », répond l’enfant, un petit masque posé sur sa frimousse. Tandis que l’effet du MEOPA se fait doucement sentir, Désirée regarde déjà le dessin animé sur l’écran au-dessus d’elle. Dans un coin de la salle de soins, sa maman, rassurée, tourne les pages d’un magazine.