Clinic n° 07 du 01/07/2015

 

OCCLUSION / PROTHÈSES

Hervé Némirovsky*   Amandine Para**   Bruno Tavernier***   Olivier Fromentin****  


*Docteur en chirurgie
**Université Paris Diderot-Paris 7
Diplôme universitaire clinique de prothèses
implanto-portées
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris
***Docteur en chirurgie dentaire Ancien interne et ancien AHU
****Université Paris Diderot-Paris 7
Diplôme universitaire clinique de prothèses
implanto-portées
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris
*****Docteur en chirurgie dentaire PU-PH, responsable du DU CPIP Paris 7
******Université Paris Diderot-Paris 7
Diplôme universitaire clinique de prothèses
implanto-portées
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris
*******Docteur en chirurgie dentaire PU-PH, responsable du DU CPIP Paris 7
********Université Paris Diderot-Paris 7
Diplôme universitaire clinique de prothèses
implanto-portées
Pôle odontologie, hôpital Rothschild
5, rue Santerre
75012 Paris

La prise en charge thérapeutique d’un patient présentant des altérations importantes de l’organisation des arcades dentaires liées aux édentements et à l’usure parafonctionnelle nécessite de valider le projet prothétique par une phase de temporisation.

À l’heure où la réduction de la durée de traitement semble être la règle, il apparaît important de souligner la nécessité de retrouver les conditions d’un équilibre fonctionnel avant d’envisager la réalisation de la prothèse d’usage.

En dehors de l’étiologie bactérienne, trois mécanismes aboutissant à une perte de substance dentaire ont été mis en évidence :

• l’érosion, qui est le résultat d’attaques acides endogènes (régurgitations, anorexie) ou exogènes (alimentation, médicaments, exposition à certains risques professionnels). Ainsi, selon Bartlett et al. [1], la prévalence des érosions dentaires serait d’environ 29 % dans un échantillon représentatif de 3 187 Européens âgés de 18 à 35 ans ;

• l’abrasion, qui est liée à des contraintes générées par des agents extérieurs (friction des aliments, brossages avec ou sans pâte dentifrice abrasive). D’après Kaleka [2], le diagnostic différentiel par rapport aux autres étiologies serait possible grâce à l’interrogatoire mettant en évidence une fréquence élevée du brossage parfois immédiatement après des expositions acides ;

• l’attrition, qui est entraînée par des contacts dento-dentaires intra-arcades et interarcades.

Dans une étude consacrée au bruxisme nocturne, Maluly et al. [3] rapportent une prévalence située entre 6 et 13 % parmi les patients examinés.

Les manifestations cliniques, différentes en fonction de ces trois étiologies, sont reconnaissables mais le diagnostic différentiel est parfois difficile à déterminer car les formes cliniques mixtes sont fréquentes [4, 5].

Concernant le bruxisme, sa définition la plus récente [6] précise qu’il est lié à une activité répétitive des muscles manducateurs caractérisée par le serrement ou le grincement des dents et/ou par des mouvements mandibulaires. Il présente deux manifestations circadiennes, c’est-à-dire qu’il peut se produire soit pendant le sommeil, soit à l’état de veille.

Un consensus semble se dégager pour attribuer une origine centrale au bruxisme, notamment en cas de manifestation nocturne, le rôle de l’occlusion dentaire étant considéré comme secondaire [7]. Cela explique qu’aucun traitement étiologique efficace ne soit disponible et que seule une thérapeutique symptomatique soit envisageable.

Chez ces patients, les formes sévères entraînent une désintégration progressive des organes dentaires, voire leur disparition après fracture ou mobilité excessive. L’altération plus ou moins rapide de l’intégrité coronaire de la dent ou de sa situation sur l’arcade se traduit par des modifications importantes des relations intermaxillaires dans les différents plans de l’espace [8].

Le traitement de la perte des tissus dentaires ou de l’édentement associé doit nécessairement passer par un rétablissement d’une stabilité occlusale dans une relation intermaxillaire reproductible et dans le cadre d’une dimension verticale d’occlusion réévaluée.

Pour Orthlieb [9], le choix de la dimension verticale d’occlusion thérapeutique est largement dépendant de la relation des dents antérieures (recouvrement, surplomb) et des hauteurs prothétiques antérieure et postérieure.

La phase initiale du traitement des patients partiellement édentés présentant une instabilité occlusale majeure nécessite de mettre en place des prothèses transitoires fixes et/ou amovibles qui doivent rétablir toutes les fonctions orales (déglutition, phonation, incision, mastication). Ces dispositifs prothétiques transitoires doivent être stables (absence de descellement ou de fracture), ne générer ni blessures ni pathologies à distance (articulaires ou musculaires) et être acceptés par le patient sur le plan esthétique.

La fonction, la résistance mécanique de l’élément prothétique et de son ancrage ainsi que l’esthétique représentent les trois objectifs des traitements prothétiques définis par Orthlieb [9]. Après temporisation, s’ils sont atteints, ils pourront être pérennisés grâce aux prothèses d’usage.

Cette phase dite de temporisation, qui est souvent la plus longue de la prise en charge thérapeutique, permet de :

• tester la compliance du patient et son degré de motivation ;

• valider le plan de traitement ;

• le faire évoluer si nécessaire ;

• réaliser ou de faire réaliser les actes associés (endodontie, chirurgie préprothétique ou pré-implantaire…) ;

• donner le temps au patient de réduire, voire d’éliminer certains facteurs de risque (tabagisme, mauvaise hygiène orale, tic ou habitude vicieuse, alimentation déséquilibrée…).

L’objectif de cet article, au travers de la présentation d’un cas clinique, est de montrer l’importance de la temporisation prothétique et de l’obtention d’une stabilité occlusale avant de réaliser une prothèse d’usage. Cette démarche thérapeutique est essentielle face à des situations cliniques où un déséquilibre des relations intermaxillaires s’est progressivement installé.

Présentation du cas clinique

Motif de la consultation

Monsieur P., 64 ans, agent immobilier, se présente à la consultation en raison de l’usure extrême de ses dents. Il souhaite trouver une solution à cette situation, responsable de difficultés lors de la mastication.

Il évoque également un déficit esthétique par manque de visibilité de ses dents lors du sourire. Il constate que ses lèvres sont trop « pincées » en occlusion, ce qui le handicape dans sa vie professionnelle.

Par ailleurs, une de ses prothèses fixées se descelle fréquemment et un abcès se manifeste régulièrement dans le secteur inférieur droit.

Anamnèse

Le questionnaire médical révèle une maladie virale traitée. Depuis 15 ans, le patient suit un traitement antidépresseur (Prozac®).

À l’interrogatoire, le patient déclare fumer 10 à 15 cigarettes par jour depuis qu’il a une vingtaine d’années, soit une consommation effectuée d’environ 30 paquets-année. Il rapporte mâcher du chewing-gum très régulièrement.

Il est conscient de « serrer les dents » pendant la journée à cause d’un stress professionnel permanent. Il pense se comporter de manière identique pendant la nuit car il se réveille avec une sensation de « tension » au niveau de ses muscles masticateurs.

Il dit avoir été régulièrement suivi par différents praticiens ayant réalisé des soins conservateurs et prothétiques « au fil du temps » sans prise en charge de l’usure progressive de l’ensemble de sa denture. Il insiste sur le fait que la dégradation de son état bucco-dentaire perturbe sa vie privée ainsi que professionnelle, en entretenant son état dépressif.

Examen exobuccal et endobuccal

L’examen exobuccal montre un visage plutôt carré (fig. 1 à 3). En occlusion, l’étage inférieur semble diminué avec une différence de 7 mm environ entre la dimension verticale d’occlusion et la dimension verticale de repos (fig. 4 à 7). La visibilité des lèvres diminue en occlusion de convenance. De profil, le menton apparaît projeté vers l’avant. Le sourire, même forcé, n’amène pas d’exposition du bord libre des incisives. Les masséters gauches et droits sont très toniques à la palpation, mais non douloureux. La prononciation de certains mots est laborieuse. L’examen des articulations temporo-mandibulaires ne révèle aucun bruit ou douleur, l’ouverture buccale se fait de façon rectiligne et les mouvements latéraux et de protrusion se font très librement.

L’examen endobuccal met en évidence une hygiène satisfaisante, un biotype parodontal épais, aucun signe d’inflammation parodontale ni aucune poche parodontale de plus de 3 mm, pas de mobilité sauf au niveau de 45 (mobilité 2). Les 14 et 15 sont remplacées par les éléments intermédiaires d’une prothèse plurale fixée de 13 à 17. Le matériau cosmétique de la 13 est fracturé en disto-vestibulaire. Les 24 et 26 sont absentes au maxillaire ainsi que l’ensemble des molaires mandibulaires des secteurs 3 et 4.

Une prothèse fixée plurale de 24 à 27, descellée récemment, est absente, laissant apparaître les entrées canalaires apparemment obturées de 25, ainsi qu’une reconstitution corono-radiculaire coulée sur 27 (fig. 8).

À l’arcade mandibulaire, seules les premières prémolaires sont restaurées par des couronnes unitaires. Un pilier supra-implantaire pour suprastructure transvissée est visible en situation de 35 (fig. 9). La majorité des faces occlusales (naturelles ou prothétiques) montrent une usure sévère ayant abouti, pour le secteur de 34 à 44, à la disparition quasi totale de la couronne clinique ; quelques plages dentinaires de dents mandibulaires montrent des concavités ne correspondant pas à des contacts occlusaux et évoquent des lésions d’usure du type érosion. Les cavités d’accès endodontiques sont obturées par des résines composites ou de l’amalgame, sauf au niveau de 33 et de 42 où le matériau d’obturation endodontique est apparent.

L’examen clinique interarcade en occlusion montre des rapports en bout à bout de canine à canine, une courbe d’occlusion très perturbée dans le sens sagittal avec une égression du secteur 1 et de la 27 aboutissant à la réduction de l’espace prothétique [10] (fig. 10 à 12).

Les mouvements en latéralité et protrusion montrent un guidage anarchique, les morphologies des prothèses fixées antéro-supérieures et les tables occlusales de 34 à 44 étant trop dégradées pour générer des informations proprioceptives exploitables [11, 12]. Cependant, les structures occlusales antagonistes usées s’affrontent parfaitement en occlusion de convenance et dans les mouvements d’excursion mandibulaires (fig. 13 et 14).

Les tests fonctionnels de déglutition et de phonation ainsi que la comparaison des dimensions verticales d’occlusion et de repos suggèrent une augmentation de l’espace libre évalué à environ 4 ou 5 mm.

Examens complémentaires

Un orthopantomogramme réalisé lors de la consultation initiale est complété par un bilan rétroalvéolaire long cône (ou téléradiographie intrabuccale) (fig. 15 et 16). L’examen des clichés révèle :

• une résorption osseuse modérée en rapport avec l’âge civil du patient. Les trabécules osseuses sont bien visibles ;

• un traitement endodontique de toutes les dents, hormis la 31, au maxillaire et à la mandibule, dont les images radiographiques ne se projettent pas à l’apex mais sans image radio-claire suspecte ;

• des ancrages radiculaires profonds de 13 à 23 ;

• une suspicion de fracture des racines de 25 et 45 ;

• une densité osseuse moindre dans la région 36-37 correspondant à la dépose récente d’un implant dans ce secteur. L’implant présent en 35 ne présente aucune lésion osseuse péri-implantaire.

L’examen des moulages montés sur articulateur en relation centrée, ainsi que les cires de diagnostic réalisées permettent de rétablir une dimension verticale d’occlusion et d’obtenir un guidage antérieur avec un faible recouvrement (1 mm) ainsi que des rapports de classe I molaire bilatéraux relativement harmonieux (fig. 17 à 19).

L’utilisation « d’orthèses de simulation » [13] (fig. 20) permet de pratiquer des tests de validation clinique de la dimension verticale d’occlusion. Des duplicatas en résine chémopolymérisable des cires de diagnostic sont réalisés puis stabilisés sur les dents naturelles à l’aide de résine pour prothèse provisoire (fig. 21). La visibilité des dents reconstituées lors de l’animation labiale ainsi que l’espace libre phonétique sont contrôlés (fig. 22).

Diagnostic

Le diagnostic d’attrition dentaire généralisée est posé. Ce phénomène a entraîné une perte de dimension verticale d’occlusion, vraisemblablement aggravée par des phénomènes d’abrasion et d’érosion exogène.

L’étiologie responsable principale est un bruxisme diurne et nocturne, compliqué par une absence de calage postérieur amenant une instabilité occlusale. La situation clinique actuelle apparaît comme le résultat d’une dégradation lente et progressive du contexte occlusal, sans brutale rupture de l’équilibre fonctionnel ni égression alvéolaire compensatrice. Sur le plan étiologique, le patient examiné est l’illustration fidèle de l’aspect multifactoriel du bruxisme :

• un facteur stress et anxiété majeur lié à son activité professionnelle (agent immobilier) compliqué par la dégradation de son état bucco-dentaire avec des conséquences esthétiques et fonctionnelles perturbant sa vie relationnelle ;

• un comportement addictif compensateur (tabac et usage excessif de gommes à mâcher) ;

• une absence de prise en charge globale du traitement contribuant à pérenniser l’instabilité occlusale lente mais progressive ayant abouti à une « perte de chance » sur le plan thérapeutique.

Pour ce qui concerne le diagnostic différentiel, l’aspect des faces occlusales pourrait évoquer une érosion chimique associée à l’abrasion due à la mastication accentuée par les contacts dento-dentaires parafonctionnels sur des surfaces antagonistes de qualité et d’état de surface différents [2, 4, 5].

Propositions thérapeutiques envisageables

Les objectifs de traitement de ce patient peuvent se résumer de la façon suivante :

• rétablir les fonctions orales et répondre à sa demande esthétique en évitant si possible la prothèse amovible ;

• conserver et protéger les derniers organes dentaires pour permettre le maintien du capital proprioceptif ;

• prévoir la gestion des incidents mécaniques (fracture des cosmétiques, dévissage, fracture des ancrages dentaires…) liés aux parafonctions ;

• concevoir des prothèses permettant de prévoir la perte des dents dont le pronostic est le moins bon, notamment en reconstruisant les arcades par secteurs [14].

La restauration des secteurs antérieurs de 13 à 23 et de 44 à 35 est envisageable par de la prothèse fixe dento-portée.

Une solution par prothèse collée est écartée à la mandibule. Dans la classification de Lasfargues et Colon, la situation clinique présente peut être classée dans la catégorie défavorable à l’indication de prothèses collées. L’importance des pertes de substance amélaire compliquées par les troubles fonctionnels et la perte de dimension verticale d’occlusion ne permet pas la mise en place de reconstructions adhésives stables [15, 16].

Pour les secteurs postérieurs, deux options sont possibles : des prothèses amovibles partielles maxillaire et mandibulaire ou une prothèse adjointe limitée à une seule des deux arcades.

Éviter la prothèse amovible mandibulaire est réalisable avec seulement 3 implants (en 46, 45 et 36) en réalisant une arcade courte.

Choisir une solution fixe au maxillaire implique une élévation sinusienne bilatérale et l’insertion de 4 implants au minimum en 16, 14, 24 et 26 permettant la réalisation de deux bridges latéraux transvissés remplaçant 15 et 25.

Une thérapeutique implanto-prothétique évitant la mise en place de prothèses amovibles présente évidemment de nombreux avantages :

• une meilleure efficacité sur le plan fonctionnel en évitant l’appui muqueux ainsi que la dualité des tissus de soutien prothétique ;

• un meilleur pronostic de la restauration prothétique grâce une stabilisation plus efficace de l’occlusion et une moindre sollicitation des dents restantes en raison de l’absence de crochets ou d’attachements ;

• une intégration prothétique plus facile pour un patient anxieux et stressé.

Plan de traitement et étapes thérapeutiques

La prise en charge thérapeutique a débuté par une séance d’information. Il s’est avéré indispensable de délivrer nombre d’explications, d’informations et de conseils visant à réduire les habitudes délétères (suppression des gommes à mâcher, conseils sur la nécessité du sevrage tabagique et de la maîtrise du stress). Le patient a accepté d’être référé auprès d’un psychothérapeute pour accompagner la suppression des habitudes en relation avec son mode de vie et essayer d’améliorer la qualité de son sommeil [17, 18].

Les extractions de 18, 17, 22, 25, 27 et 45 ont été réalisées (dents fracturées ou dont les structures résiduelles n’étaient plus suffisamment résistantes mécaniquement).

Un ensemble de couronnes provisoires solidarisées (de 13 à 23) de première génération a été réalisé par automoulage, après préparation périphérique des anciennes couronnes monoblocs. Aucune augmentation de la dimension verticale d’occlusion n’a été entreprise à ce stade (fig. 23).

Dans la deuxième phase de traitement, des provisoires de deuxième génération de 13 à 23 ont été mises en place. En l’absence de pathologies apicales radiologiquement décelables et du fait de la présence d’ancrages intraradiculaires profonds, il a été décidé de ne pas tenter la dépose associée aux retraitements endodontiques des dents maxillaires. En revanche, à la mandibule, les retraitements endodontiques ont été réalisés (fig. 24) et des infrastructures métalliques coulées ont été scellées de 34 à 44. Une chirurgie d’allongement des couronnes cliniques des dents maxillaires et mandibulaires (fig. 25 et 26) a précédé la réalisation des prothèses provisoires fixées associée à l’insertion de deux prothèses amovibles à plaque base résine compensant les édentements postérieurs. Cette chirurgie a permis d’améliorer la rétention des prothèses fixes tout en recréant un sertissage périphérique efficace, élément majeur de la survie à long terme des dents restaurées [19]. L’ensemble des restaurations provisoires de deuxième génération a permis une augmentation de la dimension verticale d’occlusion de 8 mm [20] (fig. 27). Un calage postérieur sur des cuspides d’appui a été obtenu en relation centrée, ainsi qu’un guidage antérieur fonctionnel [21].

La troisième phase du traitement a consisté à mettre en place 3 implants en 36, 45 et 46, en complément de l’implant déjà situé au niveau de 35, afin de réaliser 4 prothèses fixées transvissées solidarisées. L’éventualité d’une relation entre bruxisme et perte osseuse péri-implantaire a été posée mais la littérature médicale ne montre aucune corrélation entre les deux phénomènes [22, 23], confortant ainsi la décision thérapeutique prise.

Durant cette troisième phase de la thérapeutique, la fracture longitudinale de la racine de 21 a été constatée. Cela a nécessité la réalisation d’un nouveau bridge provisoire maxillaire renforcé par une armature coulée de 13 à 23.

Outre l’économie financière, le choix de ne pas remplacer les deuxièmes molaires s’est justifié par un calage occlusal suffisant sur une arcade raccourcie. Pour Gotfredsen et al. [24], 20 dents assurant 9 ou 10 couples de dents antagonistes permettraient une fonction orale satisfaisante.

Le passage à la prothèse d’usage mandibulaire dento-portée et implanto-portée a été décidé au bout de 3 mois et s’est effectué sans difficulté technique particulière (fig. 28 à 32).

Enfin, une gouttière de protection en résine dure, destinée à être portée pendant la nuit, mais pouvant l’être éventuellement durant la journée sans gêner la phonation, a été réalisée à la mandibule [25] (fig. 33).

La fabrication de la prothèse d’usage maxillaire a été prévue après comblement sinusien bilatéral et implantation dans les sites de 14, 16, 24 et 26.

Discussion

Après plus de 30 séances cliniques, qui se sont déroulées pendant environ 12 mois et qui ont comporté un nombre important d’interventions visant à resceller ou à réparer les restaurations prothétiques provisoires, le patient a progressivement repris une vie relationnelle normale, il s’alimente de nouveau sans difficultés et il n’a été constaté aucun incident pendant 3 mois consécutifs. Il a donc été possible d’envisager de passer aux prothèses d’usage mandibulaires, la phase implantaire maxillaire ayant été différée pour des motifs financiers. Concernant la restauration implanto-prothétique fixée mandibulaire au niveau de 35-36 et 45-46, des faces occlusales métalliques ont été retenues afin de limiter l’influence des parafonctions et, ainsi, promouvoir à long terme la fonction orale en minimisant les risques d’échecs mécaniques [14, 26]. Des prothèses fixées transvissées ont été réalisées afin de pouvoir réintervenir facilement si nécessaire. Une nouvelle gouttière de protection nocturne a été réalisée immédiatement après l’insertion des prothèses d’usage.

Dans le cadre du plan de traitement réalisé, il a été décidé d’augmenter la dimension verticale d’occlusion du patient de manière importante et en une seule étape validée par les tests fonctionnels réalisés. En effet, pour Abduo et al. [20, 26], l’augmentation de dimension verticale d’occlusion est une procédure sans risques et prédictible, notamment en utilisant une restauration prothétique fixée. Une symptomatologie douloureuse peut apparaître mais disparaît rapidement.

Concernant le patient traité, cette étape thérapeutique a permis d’augmenter l’espace prothétique et de rétablir une hauteur de l’étage inférieur de la face plus esthétique [9] (fig. 34 et 35).

La chronologie du traitement a été également discutée. La mise en place des implants et des prothèses supra-implantaires devait-elle précéder les phases de restauration prothétique supra-dentaire afin de permettre un calage occlusal plus efficace que sur des prothèses amovibles transitoires ?

En l’absence de recommandations scientifiquement fondées en matière de stratégie de traitement, la décision de retrouver rapidement les conditions d’un équilibre occlusal sur des prothèses amovibles et des restaurations fixées supra-dentaires a été prise afin de tester les conditions de réalisation de la prothèse d’usage (dimension verticale, relation intermaxillaire, aspects fonctionnel et esthétique) et de limiter la dégradation progressive de la situation en intervenant rapidement. Dans cette situation clinique, les propositions thérapeutiques visant à mettre en place des prothèses supra-implantaires sans phase transitoire préalable trouvent leurs limites.

Le passage de la prothèse transitoire à la prothèse d’usage est une décision clinique pour laquelle la littérature scientifique n’est également que d’un maigre apport, sans réelles informations sur la durée du délai suffisant pour la phase de temporisation. Une maintenance limitée des prothèses transitoires fonctionnelles par absence d’incidents (fractures, descellement…) apparaît en toute logique être un bon critère d’équilibre biofonctionnel du projet prothétique.

Cette décision doit être prise avant que l’usure et la fatigue des matériaux utilisés pour réaliser les prothèses provisoires ne soient responsables de nouvelles dégradations (perte d’étanchéité marginale, usure occlusale et perte de la dimension verticale d’occlusion obtenue, descellement, blessures muqueuses…).

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Remerciements à MM. Cougny et Fragata, laboratoire Edentech, 95320 Saint-Leu-la-Forêt.