PARODONTOLOGIE
Aude-Sophie ZLOWODZKI* Marjolaine GOSSET**
*AHU parodontologie
**Université Paris Descartes
Hôpital Charles-Foix AP-HP
7, avenue de la République
94200 Ivry-sur-Seine
***MCU-PH parodontologie
****Université Paris Descartes
Hôpital Charles-Foix AP-HP
7, avenue de la République
94200 Ivry-sur-Seine
Gingivites et parodontites sont des pathologies inflammatoires chroniques, d’origine infectieuse, affectant les tissus de soutien de la dent. Elles sont généralement peu douloureuses et les patients viennent souvent consulter en raison de saignements gingivaux. Au cours de la première consultation, hormis les parodontites sévères où le problème parodontal est d’emblée évident (fig. 1, cas clinique 1), distinguer la...
Gingivites et parodontites sont des pathologies inflammatoires chroniques, d’origine infectieuse, affectant les tissus de soutien de la dent. Elles sont généralement peu douloureuses et les patients viennent souvent consulter en raison de saignements gingivaux. Au cours de la première consultation, hormis les parodontites sévères où le problème parodontal est d’emblée évident (fig. 1, cas clinique 1), distinguer la destruction du parodonte profond – c’est-à-dire la destruction de l’attache parodontale et de l’os alvéolaire menant à la formation de vraies poches parodontales – de la simple inflammation du parodonte superficiel peut être difficile (fig. 2 et 3, cas cliniques 2 et 3). Le praticien fait le plus souvent appel à l’observation d’autres signes cliniques – des mobilités dentaires ou des récessions parodontales – ainsi qu’à l’analyse d’une radiographie pour évaluer la pathologie parodontale. Cependant, une inflammation peut être masquée chez le fumeur (fig. 4, cas clinique 4) ou aggravée lors des variations du cycle hormonal notamment, lors de la puberté. De même, des mobilités peuvent exister en réponse à une forte inflammation gingivale sans perte d’attache et un brossage traumatique peut créer des récessions parodontales (fig. 5, cas clinique 5). De plus, l’examen panoramique, examen radiographique de première intention, présente de nombreuses déformations limitant l’analyse de l’alvéolyse. Seule la perte d’attache clinique corrélée à l’existence de poches parodontales signe l’existence d’une parodontite à traiter. Elle doit donc être systématiquement recherchée.
Le traitement des maladies parodontales bactériennes (gingivites et parodontites) est un prérequis indispensable pour le maintien de dents fonctionnelles sur les arcades dentaires et, notamment, la réalisation de soins conservateurs et prothétiques pérennes. La parodontologie est cependant souvent perçue comme une discipline difficile, relevant du spécialiste. L’importance de l’éducation du patient, la difficulté à coordonner le traitement pluridisciplinaire, la nécessité d’un suivi à long terme mais également la difficulté à poser rapidement un diagnostic et à identifier la sévérité de la pathologie en sont des explications. L’examen diagnostique de base enseigné en parodontologie à l’université est le sondage des poches parodontales (du sommet du sillon gingivo-dentaire au fond de la poche) associé à la mesure des récessions parodontales (de la jonction amélo-cémentaire au sommet de la gencive) en 6 points par dent sur l’ensemble de la denture. Ces mesures peuvent être relevées sur certains logiciels ou outils en ligne, tels que celui proposé en libre accès et en version française par l’université de Berne (fig. 6). L’apprentissage de la parodontologie par l’utilisation du sondage complet est indispensable pour comprendre les tenants et aboutissants du traitement de ces pathologies lors de la formation initiale. Cependant, cette démarche est peu applicable en omnipratique pour le diagnostic parodontal en raison, notamment, du temps nécessaire à sa mise en œuvre. L’utilisation d’outils plus simples, effectuée en quelques minutes, est donc nécessaire pour évaluer les besoins en soins parodontaux des patients ainsi que la complexité de la situation de la pathologie. Différentes approches d’évaluation de besoins en soins parodontaux, applicables en consultation d’omnipratique existent, dont le DPSI mis au point aux Pays-Bas. Nous avons choisi de présenter cet outil récent qui offre le recueil de données le plus complet même s’il reste encore peu présent dans la littérature médicale.
Le DPSI est un indice parodontal simple et rapide pour évaluer la sévérité de la maladie parodontale et les besoins en soins parodontaux.
En 1978, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) créait le CPITN (community periodontal index for treatment needs) afin d’évaluer les besoins en traitements parodontaux des patients. Lors de la consultation, le saignement gingival, la présence de tartre et la présence de poches sont recherchés par l’utilisation d’une sonde spéciale sur l’ensemble de la denture. Seule la valeur la plus importante (de 1 à 6) pour chaque sextant est notée, permettant une appréciation rapide de la santé parodontale. Cependant, la perte d’attache clinique n’étant pas mesurée, son utilisation reste limitée pour différencier les gingivites des parodontites superficielles à modérées. Différentes sociétés telles que l’American Association of Periodontology ou la Bristish Society of Periodontology ont fait évoluer cet indice. En Grande-Bretagne, le basic periodontal examination (BPE) est largement employé par les praticiens anglais : 91 % d’entre eux l’appliquent pour chaque nouveau patient et 56 % pour l’ensemble des patients consultant dans leur cabinet. Il est utilisable chez les enfants et les adolescents. Aux Pays-Bas, la Société néerlandaise de parodontologie propose le Dutch periodontal screening index (DPSI). En plus des trois critères précédemment cités, il évalue la perte d’attache clinique – et c’est le seul indice qui le fasse –, signe pathognomonique de la maladie parodontale reconnu par la Haute Autorité de santé (HAS). Avec une meilleure sensibilité que le CPITN, cet indice permet de dépister près de 96 % des patients présentant au moins deux sites avec une perte d’attache supérieure ou égale à 5 mm en un temps moyen de 3 minutes.
Le DPSI évalue l’inflammation gingivale, la présence de tartre et de facteurs rétenteurs de plaque comme les restaurations inadaptées, la profondeur au sondage et les récessions parodontales. Cet examen se réalise à l’aide d’une sonde parodontale WHO. Elle présente une extrémité boule de 0,5 mm qui améliore le confort du patient et aide à la détection du tartre sous-gingival et d’éventuels surcontours marginaux. Elle présente une graduation noire entre 3,5 et 5,5 mm par rapport à l’extrémité de la sonde (fig. 7). Le DPSI s’effectue par sextant. Le praticien déplace sa sonde entre la dent et la gencive tout le long de la denture, en vestibulaire et en lingual, et observe la position de la bande noire de la sonde WHO : au-dessus de la gencive, partiellement enfouie ou complètement enfouie. Au niveau du site où la sonde s’enfonce le plus profondément, l’existence d’une récession, d’un saignement au sondage ou de tartre est recherchée. Un score est établi par site (tableau 1). Le praticien reporte sur le dossier du patient la valeur la plus élevée du DPSI par sextant, soit 6 valeurs pour une bouche complète au lieu 192 dans un bilan parodontal complet.
Les figures 8 et 9 (cas cliniques 6 et 7) illustrent comment le DPSI permet, en quelques minutes, de distinguer les besoins en soins de patients qui, à première vue, présentent des aspects cliniques proches. En effet, à chaque score correspond une option thérapeutique allant de stratégies de prévention à une thérapeutique parodontale complexe (tableau 1). Ce score met également en évidence le besoin de réaliser des examens radiologiques complémentaires et de prendre en charge le patient en omnipratique ou de l’adresser à un praticien spécialisé, selon ses propres compétences.
Il est cependant extrêmement important de prendre en compte le fait que ce score ne comprend pas l’évaluation des facteurs de risque généraux du patient : le tabagisme, un diabète non équilibré, un niveau de stress élevé, l’existence d’une pathologie systémique telle que l’obésité ou d’une médication particulière telle que l’utilisation d’anti-inflammatoires au long cours. L’interrogatoire médical est donc une composante cruciale pour évaluer la difficulté du traitement et le risque d’évolution d’une maladie parodontale. Ainsi, un patient de 25 ans atteint d’une « simple gingivite » mais présentant des antécédents familiaux de parodontite et étant fumeur (par exemple, 15 cigarettes par jour et 1 joint de cannabis par jour équivalent au total à 18 cigarettes par jour) doit être informé du risque d’évolution de sa gingivite en parodontite et être traité avec la recherche d’un sevrage tabagique et de cannabis et une maintenance adaptée.
L’examen parodontal doit faire partie, au même titre que l’exploration des surfaces dentaires, de l’examen de routine lors de la première consultation d’un nouveau patient adulte. Si, au premier rendez-vous, aucune parodontite n’a été diagnostiquée, cet examen sera réalisé lors du check-up annuel du patient afin de dépister toute apparition de pathologie. Cela est d’autant plus vrai que le patient présente un tabagisme ou une histoire familiale de parodontite. La recherche lors de l’entretien clinique de signes de la parodontite permet de compléter cette démarche. En effet l’Association américaine de parodontologie a élaboré un questionnaire simple de dépistage permettant d’évaluer le risque parodontal des patients. Ce questionnaire, traduit en français, est disponible sur le site de la Société française de parodontologie et d’implantologie orale (SFPIO) (http://www.sfparo.org/espace-praticiens-et-membres/le-test-de-susceptibilite-aux-maladies-parodontales.html). Il recherche l’existence de saignement des gencives, l’impression d’avoir des dents plus longues, les techniques d’hygiène bucco-dentaire, des pertes précoces de dents pour raison de mobilité et l’existence d’un tabagisme ou de problèmes de santé générale. La recherche d’une mauvaise haleine ou de dents qui bougent ou qui ont changé de position peut également être effectuée.
Cet examen n’est pas applicable aux enfants et aux adolescents.
Lors de la prise en charge de tout nouveau patient mais également lors d’une visite de contrôle, l’entretien médical et des questions simples et ciblées favorisent le recueil d’informations qui permettent d’évaluer si le patient est susceptible de présenter une maladie parodontale. La réalisation en routine du DPSI permet en 3 minutes de diagnostiquer facilement la santé parodontale d’un patient, de déterminer la thérapeutique à mettre en place et sa complexité. Il est ainsi facile d’évaluer la nécessite d’adresser le patient à un parodontiste ou la possibilité d’entreprendre soi-même les traitements, de façon coordonnée, au sein de la prise en charge globale en omnipratique.
L’examen parodontal systématique est indispensable lors de toute nouvelle consultation, au même titre que l’examen dentaire et ostéo-muqueux, pour déterminer les besoins en soins du patient. Le DPSI (Dutch periodontal screening index) est une technique d’observation et de mesure parodontale simple, fiable et rapide (moins de 3 minutes) qui s’insère parfaitement dans la durée d’une consultation pour répondre à cet objectif.
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