Clinic n° 06 du 01/06/2015
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ENDO… AUTREMENT

Caroline TROCMÉ*  ***%22&revues[]=CLI&sortby=relevance"> Stéphane SIMON***  


*Docteur en chirurgie dentaire diplômée de
l’université de Médecine dentaire
de Genève
Diplôme universitaire européen
d’endodontologie clinique
(université Paris Diderot-Paris 7)

Irrigation manuelle pendant la phase d’instrumentation

L’efficacité et la sécurité de l’irrigation canalaire seront fonction du mode d’injection des solutions dans le canal [1].

La méthode d’irrigation la plus simple consiste à introduire la solution dans les canaux à l’aide d’une seringue et d’aiguilles appropriées. Elles seront déplacées par un mouvement de va-et-vient de faible amplitude tout en...


Irrigation manuelle pendant la phase d’instrumentation

L’efficacité et la sécurité de l’irrigation canalaire seront fonction du mode d’injection des solutions dans le canal [1].

La méthode d’irrigation la plus simple consiste à introduire la solution dans les canaux à l’aide d’une seringue et d’aiguilles appropriées. Elles seront déplacées par un mouvement de va-et-vient de faible amplitude tout en restant dans le canal. Ce mouvement corono-apical agitera au cours de la mise en forme la solution, favorisant ainsi son déplacement ainsi que son renouvellement.

Il ne faudra jamais bloquer l’aiguille dans le canal sous risque de projeter la solution dans les tissus péri-apicaux avec les complications opératoires sévères que cela implique.

Étant donné le risque d’interaction chimique entre les solutions, il est également recommandé d’utiliser une seringue différente pour chacun des produits et de vider le canal de son contenu avant de le remplir d’une autre solution (fig. 1).

Choix de la seringue d’irrigation

Le praticien est invité à utiliser à des seringues de petit volume (de 1 à 5 ml). Le débit généré sera plus important avec pour conséquence une meilleure pénétration et un meilleur renouvellement dans le tiers apical du canal. Il sera par ailleurs plus facile de contrôler la pression exercée.

L’emploi de modèles dits Luer-lock, dans lesquels l’aiguille sera vissée sur la seringue, sécurise la procédure.

Choix de l’aiguille d’irrigation

Le diamètre de l’aiguille devra être compris entre 27 et 30 G, soit entre 0,40 et 0,31 mm de diamètre.

Plusieurs choix s’offrent au praticien quant à la forme de l’aiguille qui sera utilisée lors de la procédure d’irrigation. Il s’agit de trouver le meilleur compromis entre efficacité de la procédure et sécurité.

Les aiguilles à extrémité ouverte permettraient un meilleur renouvellement de la solution d’irrigation [2]. Cependant, elles s’accompagneraient également d’un plus grand risque d’extrusion du fait d’une pression générée plus importante. Il faudra donc veiller à garder l’aiguille à distance du foramen apical. Une distance comprise entre 2 et 3 mm est le plus souvent recommandée. Dans un souci de sécurité, il a été proposé d’utiliser des aiguilles à extrémité fermée et sortie latérale (fig. 2a et 2b). La pression générée serait moindre et la présence d’une extrémité borgne constituerait une sécurité supplémentaire en cas de blocage de l’aiguille dans le canal. Contrairement aux premières aiguilles, celles-ci devront être amenées le plus loin possible. Le renouvellement ne serait adéquat qu’à une distance comprise entre 1 et 1,5 mm de la longueur de travail établie.

Cette distance reste théorique puisque, techniquement, il n’est pas toujours possible d’amener l’aiguille d’irrigation à proximité de la constriction apicale (courbure, conicité et diamètre foraminal sont à prendre en considération) et que la zone du tiers apical est anatomiquement complexe (courbure, deltas, bifurcation).

Le tiers apical représente donc une des limites d’efficacité de l’irrigation [3-8]. Les parois non instrumentées telles que les isthmes sont également le lieu de compaction des débris et résidus pulpaires. Elles constituent un foyer potentiel pour la recolonisation du réseau canalaire endodontique.

Afin d’y optimiser l’action des solutions endocanalaires, il faudra les amener activement au contact direct des tissus à éliminer [4]. Cela peut se faire par une agitation mécanique des solutions d’irrigation in situ. On parlera d’irrigation active en opposition à l’irrigation dite passive où la solution est simplement apportée passivement par la seringue [9].

Bronnec et al. démontrent, dans une étude de 2010 [10], que seule une irrigation dite active permet la pénétration et le renouvellement complet de la solution dans le tiers apical. L’agitation de la solution compense la profondeur de pénétration de l’aiguille. Cette dernière peut se faire dès l’étape de la mise en forme instrumentale par l’utilisation d’une lime de perméabilité entre le passage des différents instruments rotatifs.

Irrigation finale ou irrigation dite active

Afin d’optimiser l’irrigation réalisée au cours de la phase d’irrigation finale, il existe plusieurs techniques et dispositifs complémentaires (fig. 3).

Maître cône de gutta-percha

Proposé dès 1980 par Machtou, le maître cône de gutta-percha constitue encore aujourd’hui le moyen le plus simple, le moins onéreux et le plus accessible pour agiter les solutions en fin de mise en forme canalaire.

Un cône de gutta-percha adapté à la forme du canal est ajusté pour correspondre au diamètre foraminal. Le canal est alors rempli de solution fraîche (d’EDTA puis d’hypochlorite de sodium). Le cône est placé dans le canal, à 1 mm de la longueur de travail, puis il est animé d’un mouvement de pompage vertical de faible amplitude (2 mm) pendant 1 minute. On procédera de la même façon avec la solution d’hypochlorite pour une durée de 30 secondes (fig. 4).

Plusieurs études récentes [8, 11, 12] confirment la supériorité de cette procédure en termes de propreté canalaire par rapport à des irrigations dites passives ou autres procédés complémentaires. Le volume de solution déplacé serait ainsi plus important.

Agitation ultrasonique [13]

L’utilisation des ultrasons en endodontie est suggérée en 1957 par Richman [14]. Il a fallu attendre les années 1970 pour que l’effet de la potentialisation des ultrasons sur la solution d’irrigation soit mis en évidence. C’est en 1976 que Martin [15] démontre que l’agitation ultrasonore d’une solution de désinfection canalaire améliore ses effets anti-microbiens. Dans les années 1980-1990, de nombreux auteurs se sont intéressés à l’effet de cavitation potentiel pouvant être généré par ces instruments dans un canal rempli de solution d’irrigation. Cet effet de cavitation a facilement été démontré in vitro mais n’a jamais pu être confirmé in vivo, notamment à cause de l’étroitesse des canaux [16].

Depuis, deux types d’irrigations, dites ultrasonores, ont été décrits :

• l’irrigation ultrasonore active (active ultrasonic irrigation), qui combine irrigation et instrumentation ultrasonore. Cette application des ultrasons est aujourd’hui abandonnée : la mise en forme ainsi que le débridement canalaire réalisés par des limes ultrasonores se sont révélés décevants et inadéquats [17]. La difficulté de contrôler l’efficacité de coupe de ces instruments rend leur utilisation complexe et dangereuse, notamment dans les canaux courbes avec un risque non négligeable de perforation apicale [16] ;

• l’irrigation ultrasonore passive (passive ultrasonic irrigation), dans laquelle la solution de désinfection canalaire est agitée par un instrument spécial animé d’une vibration ultrasonore. Elle a été décrite initialement par Weller dans les années 1980 [17]. Des blocs de résine ainsi que des dents extraites ont été préparés manuellement, par des ultrasons ou en associant instrumentation manuelle et agitation ultrasonore. Le groupe préparation manuelle et agitation ultrasonore présentait une élimination du contenu canalaire significativement plus importante en comparaison de la mise en forme manuelle ou ultrasonore seules. La qualification « passive » est liée à l’absence d’effet de coupe des instruments concernés. Une fois la mise en forme réalisée, l’énergie ultrasonore est transmise par une lime à la solution d’irrigation et génère un effet de remous. Les résultats de la littérature scientifique sont encourageants : l’agitation ultrasonore améliore la propreté des parois [18] ainsi que l’élimination des débris canalaires des zones anatomiques dites complexes (isthmes) [19] et optimise l’effet antibactérien des solutions d’irrigation endocanalaire.

L’activation ultrasonore est utilisée lors de la phase finale de la désinfection, une fois la mise en forme réalisée. La lime ne doit pas entrer en contact avec les parois canalaires pour permettre l’effet d’agitation recherché. Il existe à ce jour, sur le marché, deux limes d’irrigation ultrasonore passive : la lime Endo Soft Instrument® (EMS) et l’IrriSafe® (Satelec) (fig. 5). L’IrriSafe® est utilisée en alternance avec le renouvellement de la solution d’irrigation. La lime est placée, à l’arrêt, dans le canal puis elle est activée pendant 1 à 2 minutes.

Agitation sonique

Tronstad et al. [20] ont été les premiers auteurs à proposer, en 1985, l’utilisation d’instruments soniques en endodontie. Leur application, initialement tournée vers la préparation canalaire, s’oriente rapidement vers l’agitation mécanique des solutions d’irrigation.

L’agitation sonique opère à de plus faibles fréquences que l’agitation ultrasonique : de 1 000 à 6 000 Hz contre de 25 à 30 kHz pour l’agitation ultrasonique [21].

EndoActivator® (Dentsply, Maillefer)

Il s’agit d’une pièce à main sans fil sur laquelle sont montés des inserts en plastique flexibles. Il en existe trois tailles (jaune, rouge et bleu). L’insert est sélectionné en fonction du dernier instrument de mise en forme utilisé. Lors de l’activation, les embouts sont animés d’un mouvement oscillatoire avec une fréquence de 10 000 cycles par minute (fig. 6).

L’embout de l’Endoactivator® est placé à 1 mm de la longueur de travail et est animé d’un mouvement de va-et-vient vertical de faible amplitude (2/3 mm) pendant 1 minute [8].

Contrairement à d’autres dispositifs, le contact de ces inserts contre les parois canalaires ne réduit pas l’efficacité de l’agitation mécanique réalisée. Et leur utilisation ne s’accompagne pas non plus de la formation d’une couche de boue dentinaire comme on peut le constater avec l’utilisation de limes ultrasonores.

Les études sont favorables à son utilisation. En comparaison avec une irrigation passive à la seringue, l’Endoactivator® permettrait une meilleure pénétration de la solution d’irrigation [22], une optimisation de la désinfection canalaire [23] et l’obtention d’une meilleure propreté des parois canalaire [8].

Ce dispositif présente toutefois un inconvénient : il ne permet pas le renouvellement en continu de la solution lors de l’activation.

Irrigatys® (Itena)

Ce nouveau dispositif d’activation sonique permet d’injecter et d’agiter simultanément la solution dans le système canalaire, et ce tout au long du traitement endodontique.

L’Irrigatys® se présente sous la forme d’une pièce à main sur la base de laquelle s’emboîte un réservoir d’hypochlorite, d’EDTA ou de toute autre solution d’irrigation utilisée en endodontie (fig. 7). Les réservoirs ont une capacité de 30 ml (soit l’équivalent de 10 seringues) stockant ainsi la quantité nécessaire de solution pour la durée totale du traitement. Grâce à une pompe péristaltique, la solution est amenée au travers de tubulures spécifiques, en plastique, jusqu’à l’aiguille d’irrigation. Elle est injectée dans le canal avec un débit constant de 8 ml/min sans pression, préservant ainsi tout risque d’éjection traumatisante dans l’environnement périradiculaire. La circulation au travers des tubulures externes évite le passage des solutions dans les éléments mécaniques et électroniques du dispositif et le protège ainsi de tout risque de détérioration inhérent à cette solution caustique.

L’aiguille est animée, à la demande, d’un mouvement d’oscillation assurant l’agitation mécanique de la solution in situ. Elle oscille selon un angle de 30°, à une fréquence de 50 Hz, soit environ 3 000 allers-retours par minute. La possibilité d’adjoindre cette fonction à l’irrigation canalaire et de pouvoir en bénéficier à tout moment de la mise en forme apporte une flexibilité certaine à l’opérateur.

Les embouts Irrigatip® sont disponibles en deux longueurs, 17 et 2 mm, permettant de couvrir l’ensemble des cas cliniques ; leur diamètre est de 27 G.

L’intérêt de l’activation de la solution au sein d’un canal n’est plus à démontrer. L’atout majeur de ce dispositif est d’associer les deux fonctions (irrigation et/ou activation). Un contenant de 30 ml pour les solutions évite le remplissage des seringues en cours de traitement, ce qui représente également un avantage certain, notamment sur le plan ergonomique.

L’Irrigatys® associe ainsi ergonomie et efficacité par le gain de temps qu’il procure.

Durant la phase de mise en forme, l’irrigation sera réalisée entre les différents instruments de préparation pendant 30 secondes. L’aiguille pourra être précourbée afin de faciliter son insertion dans le canal. La fonction d’activation pourra être utilisée dès les premières étapes de l’instrumentation canalaire, afin de favoriser l’évacuation des débris, et lors de la phase d’irrigation finale. L’embout sera alors animé d’un mouvement de va-et-vient vertical de faible amplitude (2/3 mm), pendant une durée de 1 minute dans un canal rempli de la solution d’irrigation choisie.

Conclusion

Les progrès techniques en endodontie de ces deux dernières décennies sont flagrants : instrumentation en nickel-titane, traitements thermiques spécifiques de l’alliage, design et mouvement optimisés des instruments de mise en forme, apparition des systèmes à instrument unique… Ils ont apporté une plus grande sécurité et ont réduit de façon considérable le temps consacré à la mise en forme canalaire.

Néanmoins, il est primordial de garder à l’esprit que le gain de temps doit être exploité pour optimiser la phase d’irrigation et améliorer la qualité de la désinfection canalaire (fig. 8). Le succès de la thérapeutique repose en grande partie sur la capacité à amener la solution d’irrigation au contact des tissus à débrider et à désinfecter. En ce sens, tous les dispositifs permettant une meilleure pénétration ainsi qu’un meilleur renouvellement doivent être utilisés.

  • * L’auteur déclare avoir un conflit d’intérêts avec la société Itena commercialisant l’Irrigatys® présenté dans cet article.

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L’irrigation canalaire revêt une importance primordiale pour le succès de la thérapeutique endodontique : l’instrumentation des canaux n’est pas suffisante à elle seule pour éradiquer l’infection intraradiculaire.

Cependant, le nettoyage de certaines zones anatomiquement complexes ou inaccessibles à la préparation instrumentale représente toujours un véritable défi. La première partie de cet article (voir Clinic du mois de mai dernier) a décrit les objectifs à atteindre avec la phase d’irrigation en endodontie et les différentes solutions utilisées.

Cette seconde partie aborde les différents moyens et dispositifs à la disposition du praticien pour optimiser la qualité de cette désinfection et préparer le canal à l’obturation.