Clinic n° 12 du 01/12/2012

 

ENDO… AUTREMENT

Marielle OLIJNYK*   Stéphane SIMON**  


*CES odontologie conservatrice endodontie
Étudiante DU européen d’endodontologie clinique (université Paris Diderot-Paris 7)
Groupe hospitalier Pitié Salpêtrière 47-83 boulevard de l’Hôpital 75013 Paris
www.due-garanciere.fr stephane.simon@univ-paris-diderot.fr
**MCU-PH en sciences biologiques et endodontie (université Paris Diderot-Paris 7)
Directeur du DU européen d’endodontologie clinique
Groupe hospitalier Pitié Salpêtrière 47-83 boulevard de l’Hôpital 75013 Paris
www.due-garanciere.fr stephane.simon@univ-paris-diderot.fr

La résorption interne inflammatoire est une pathologie considérée comme rare. Elle est probablement plus fréquente sur les dents présentant une inflammation ou une nécrose pulpaire que sur les autres, mais les difficultés de diagnostic font qu’elle est rarement détectée. Cependant, la précision du diagnostic conditionne le traitement et son pronostic.

La résorption interne inflammatoire est caractérisée par une lésion ovalaire située sur le trajet canalaire [1]. De volume variable, elle peut s’étendre largement jusqu’à provoquer une perforation de la racine. Elle est généralement située au niveau du tiers médian radiculaire, rarement au niveau du tiers apical, sans que l’on ait à ce jour d’explication rationnelle pour cette localisation spécifique. Elle concernerait davantage les hommes que les femmes avec une prédominance au niveau des incisives maxillaires [2].

Une résorption interne inflammatoire est une pathologie purement destructrice. Le tissu dur dégradé est remplacé par un tissu de granulation, en opposition avec la résorption interne de remplacement qui s’accompagne d’apposition de tissu dur proche du cément ou de l’os (bone-like ou cement-like) [2].

L’inflammation pulpaire est l’un des facteurs étiologiques des résorptions internes [3].

Processus physio-histologique

Les odontoclastes sont les cellules qui résorbent les tissus durs dentaires. Proches des ostéoclastes, ils sont de plus petite taille qu’eux mais possèdent les mêmes propriétés enzymatiques. Ils créent une lacune de résorption sur la surface du tissu minéralisé. Les cellules dendritiques présentes dans la pulpe dentaire sont considérées par certains auteurs comme les précurseurs potentiels des odontoclastes. Le système des facteurs de transcription OPG/ RANKL/RANK présent pour le contrôle de la résorption osseuse a aussi été identifié dans le processus de résorption interne [4].

Pour qu’une résorption interne des parois canalaires ait lieu, il faut qu’il y ait au préalable destruction de la couche d’odontoblastes et de prédentine. Le processus à l’origine de cette destruction n’est pas clairement identifié. Plusieurs facteurs étiologiques ont été proposés : traumatismes, caries, infection d’origine parodontale, chaleur excessive lors d’une procédure restauratrice, procédure à l’hydroxyde de calcium, traitement orthodontique, dent fêlée ou dystrophie d’une pulpe normale d’origine idiopathique.

Le traumatisme et l’inflammation pulpaire semblent représenter les facteurs de prédisposition les plus importants. Néanmoins, l’inflammation chronique du tissu pulpaire est une pathologie particulièrement fréquente et, pourtant, elle n’est que rarement associée à une résorption interne inflammatoire. L’étiologie et la pathologie n’ont pas encore été totalement élucidées. Mais il semblerait que ce phénomène résulte de l’association d’une inflammation pulpaire chronique et d’une irritation permanente par des agents bactériens [5].

La résorption peut être « transitoire » ou progressive. Néanmoins, aucun processus de régénération n’est possible. Même si l’évolution est stoppée, les séquelles demeurent. Après le déclenchement de la destruction tissulaire, le processus est entretenu par une activation des cellules clastiques par des bactéries ; en l’absence de stimulation, le processus s’autolimiterait [2]. De plus, pour que le processus de résorption perdure, il faut que du tissu pulpaire vivant persiste dans le canal afin de fournir les précurseurs des cellules clastiques d’une part et de les nourrir par la vascularisation d’autre part. La vascularisation de la pulpe étant d’origine apicale, la persistance de la vitalité de ce fragment radiculaire est donc indispensable à l’entretien de la pathologie. Les débris nécrotiques infectés de la partie située plus coronairement à la lésion constituent l’élément de stimulation.

Le processus de résorption est donc transitoire dans le cas où il n’y a pas de stimulation bactérienne. Il est alors souvent trop faible pour être détecté et passe ainsi inaperçu.

Une résorption interne inflammatoire se caractérise par la présence d’un tissu de granulation. Quand le processus continue d’évoluer, le tissu de granulation dégénère, la partie apicale de la pulpe se nécrose à son tour et l’ensemble conduit au développement d’une lésion osseuse périradiculaire (fig. 1). Contrairement aux résorptions externes, l’os en regard de la zone de résorption interne n’est pas concerné.

Diagnostic

Le questionnaire du patient – l’histoire de la dent (ancien traumatisme, orthodontie, dent réimplantée…) – reste une étape nécessaire et essentielle du diagnostic et pourra fournir les éléments nécessaires à l’identification de l’origine de la pathologie.

Lorsque la lésion est étendue, la confusion entre une résorption interne et une résorption externe cervicale est facile. Or, une erreur de diagnostic entraînera inévitablement une erreur de traitement. La difficulté apparaît lorsque le sondage parodontal ne fournit aucune information fiable (la présence d’un tissu de granulation dense limite la progression de la sonde) et que l’image de la lésion externe se projette sur le canal. Les deux types de lésions peuvent produire la même image radiographique. Le meilleur moyen pour faire la distinction est d’utiliser la méthode radiologique comparant un cliché orthocentré et un cliché excentré. Dans le cas d’une résorption interne, l’image de la lésion ovalaire reste centrée sur le canal quel que soit le cliché. Au contraire, dans le cas d’une résorption externe, la lésion confondue avec le canal sur le cliché orthocentré se dissociera du canal en changeant l’angulation (fig. 2). En respectant les règles de déplacement du générateur, l’utilisation de la règle de Clark (l’objet le plus vestibulaire est le plus déplacé dans la direction du rayon incident) permet de localiser la lésion sur la surface radiculaire (tableau 1).

Le diagnostic d’une résorption interne inflammatoire est aujourd’hui facilité grâce à l’avancée technique de l’imagerie 3D. Le cone beam computing tomography (CBCT) permet :

• d’établir un diagnostic différentiel fiable sans ambiguïté entre résorption interne et externe ;

• d’évaluer l’étendue de la lésion ;

• d’évaluer l’épaisseur des parois résiduelles dans les trois sens de l’espace.

Le CBCT est considéré aujourd’hui comme un outil indispensable pour la détection des résorptions au stade précoce et pour affiner le diagnostic en complément aux radiographies 2D [7, 8] (fig. 3 et 4).

La réponse au test diagnostique dépend du stade d’évolution de la pathologie. Pour être active au stade débutant, une partie de la pulpe doit être vivante donc le test de sensibilité pulpaire peut s’avérer positif. Le contraire est aussi possible puisque la pulpe coronaire est souvent nécrosée. Après une phase active, la totalité de pulpe peut devenir nécrosée et une lésion osseuse peut apparaître. Dès lors, le test de sensibilité sera négatif, des signes d’une inflammation apicale apparaîtront radiographiquement sous la forme d’une lacune osseuse.

Le pink spot est souvent considéré comme un signe pathognomonique de la résorption interne inflammatoire. Cette coloration est due à la présence du tissu de granulation dans le cas où la résorption est située en coronaire. Il peut aussi s’agir aussi d’une caractéristique d’une résorption externe cervicale.

Une résorption interne inflammatoire est souvent asymptomatique au stade débutant. Elle est souvent découverte fortuitement au cours d’un examen radiologique ou par suite d’une manifestation douloureuse lorsqu’elle est associée à une lésion apicale. La résorption interne n’est douloureuse que lorsqu’elle atteint le stade perforant.

Traitement

La prise en charge d’une résorption interne et le pronostic reposent sur un diagnostic précis et précoce. Si la dent peut être conservée et qu’il est possible de la restaurer, le traitement endodontique reste le traitement de choix pour une résorption interne inflammatoire.

Dans le cas où la résorption a entraîné une perforation de la racine, la lésion peut être comblée avec un matériau spécifique, tel que le ProRoot® MTA (Dentsply Maillefer) ou la Biodentine™ (Septodont) [9]. Lorsque la lésion est basse, son traitement peut s’avérer délicat.

L’objectif du traitement est assez simple et consiste à éliminer l’ensemble des tissus vivants ou nécrosés ainsi que l’irritant bactérien. Dans le cas de lésions actives et/ou de taille importante, un saignement de la pulpe enflammée et du tissu de granulation gêne la visibilité lors du débridement chimio-mécanique. Ce saignement peut aller jusqu’à une véritable hémorragie. La forme de la résorption peut également se comporter comme un obstacle à la progression des instruments et toutes les précautions doivent être prises pour obtenir une instrumentation et un débridement efficaces. Ces deux facteurs peuvent parfois compliquer la négociation de la partie apicale du canal.

L’irrigation joue un rôle prépondérant dans la phase de débridement car l’instrumentation reste inefficace dans les zones de concavité de la lésion. L’activation mécanique ou ultrasonore de la solution optimise le pouvoir de dissolution de l’hypochlorite de sodium et est essentielle pour atteindre les anfractuosités de la zone de résorption. La phase d’irrigation peut être complétée par la mise en place d’une médication à base d’hydroxyde de calcium, laissée en place pendant 2 à 3 semaines. Le pH élevé du matériau va permettre de dissoudre tous les résidus organiques, pulpaires ou non. L’élimination du médicament intracanalaire lors de la seconde séance est souvent compliquée et nécessite une séquence d’irrigation appropriée, constituée d’une solution d’hypochlorite de sodium renouvelée en permanence et de son activation mécanique. Cette temporisation est souvent nécessaire mais n’a pas besoin d’être systématique.

En cas de persistance d’un saignement détecté lors de la seconde séance, le diagnostic doit être reconsidéré. La résorption interne est-elle perforante ? S’agit-il d’une résorption externe en communication avec le canal ?

La finalité du traitement est d’obturer le canal désinfecté et la zone résorbée pour prévenir la réinfection et empêcher la progression du processus. Une technique d’obturation par compaction de gutta chaude reste la plus appropriée pour combler l’ensemble des irrégularités de la zone et la seule envisageable pour terminer le traitement [10].

Conclusion

La résorption interne inflammatoire est une pathologie résultant d’un phénomène inflammatoire qui, s’il n’est pas traité, participe à la fragilisation de la dent et, à terme, à sa perte prématurée.

La précision du diagnostic, comme pour toute pathologie, est importante car elle guide le choix thérapeutique. Étant donné la grande variété des situations cliniques dans lesquelles cette pathologie peut être retrouvée, le diagnostic repose initialement sur l’examen du cliché radiographique, l’analyse de l’historique dentaire du patient et, enfin, la prescription d’un examen complémentaire d’imagerie 3D en cas de doute.

Bien qu’il s’agisse d’une pathologie rare, il est important de détecter les résorptions inflammatoires le plus tôt possible et d’insister sur l’importance du suivi à long terme des patients ayant subi un traumatisme.

Cas cliniques

Cas clinique 1 (fig. 5 à 8)

Patient de 52 ans se plaignant d’une douleur persistante localisée dans le secteur antérieur gauche. À l’examen clinique, il présente une douleur à la palpation en regard de l’apex de la dent 22, une légère douleur à la percussion et une mobilité II de cette même dent. Il présente également une parodontite chronique de l’adulte. Il ne répond pas aux tests de vitalité effectués sur la dent qui a été reconstituée par un composite il y a de nombreuses années. À l’examen radiographique, on note la présence d’une lésion osseuse associée à une lésion apicale et une résorption interne centrée sur le canal. Le traitement endodontique a été réalisé en une séance avec une mise en forme canalaire au RaCe (FKG dentaire, Suisse) et une obturation par compaction verticale à chaud de gutta-percha.

Cas clinique 2 (fig. 9 à 12)

Une patiente âgée de 24 ans consulte car elle s’inquiète de la teinte grisée de son incisive centrale mandibulaire gauche. Elle ne rapporte aucune symptomatologie clinique. Elle se souvient avoir fait une chute de cheval dans son enfance et explique avoir eu un traitement orthodontique à cette même période. Les tests à la percussion, à la palpation et au froid ne déclenchent aucune réponse de sa part. Le diagnostic de nécrose pulpaire sur la dent 31, associée à une résorption interne inflammatoire, a conduit à la décision de réaliser le traitement endodontique. Celui-ci a été réalisé en une seule séance : mise en forme au RaCe (FKG dentaire, Suisse) et obturation par compaction verticale de gutta chaude.

Bibliographie

  • [1] Naulin-Ifi C. Traumatismes dentaires. Du diagnostic au traitement. Rueil-Malmaison : CdP, 2005.
  • [2] Patel S, Ricucci D, Durak C, Tay F. Internal root resorption : a review. J Endod 2010 ; 36 : 1107-1121.
  • [3] Gabor C, Tam E, Shen Y, Haapasalo M. Prevalence of internal inflammatory root resorption. J Endod 2012 ; 38 : 24-27.
  • [4] Tyrovola JB, Spyropoulos MN, Makou M, Perrea D. Root resorption and the OPG/RANKL/RANK system : a mini review. J Oral Sci 2008 ; 50 : 367-76.
  • [5] Trope M. Root resorption due to dental trauma. Endod Topics 2002 ; 1 : 79-100.
  • [6] Gartner AH, Mark T, Somerlott RG, Walsh LC. Differential diagnosis of internal and external cervical resorption. J Endod 1976 ; 2 : 329-334.
  • [7] Estrela C, Bueno MR, De Alencar AHG, Mattar R, Valladares Neto J, Azevedo BC et al. Method to evaluate inflammatory root resorption by using cone beam computed tomography. J Endod 2009 ; 35 : 1491-1497.
  • [8] Patel S, Dawood A, Wilson R, Horner K, Mannocci F. The detection and management of root resorption lesions using intraoral radiography and cone beam computed tomography. An in vivo investigation. Int Endod J 2009 ; 42 : 831-838.
  • [9] Brito-Júnior M, Quintino AFC, Camilo CC, Normanha JA, Faria-e-Silva AL. Non surgical endodontic management using MTA for perforative defect of internal root resorption : report of a long term follow-up. Oral Surgery Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2010 ; 110 : 784-8.
  • [10] Gencoglu N, Yildirim T, Garip Y, Karagenc B, Yilmaz H. Effectiveness of different gutta-percha techniques when filling experimental internal resorptive cavities. Int Endod J 2008 ; 41 : 836-842.

ÉVALUEZ-VOUS !

TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :

1 En présence d’une résorption interne inflammatoire active, quel peut être l’état pulpaire :

• a. inflammatoire ;

• b. nécrose partielle ;

• c. nécrose totale ?

2 Après l’ouverture de la chambre pulpaire sur une dent présentant une résorption interne inflammatoire, la présence d’un saignement abondant peut être due à :

• a. une pulpe encore partiellement vivante ;

• b. une résorption externe non perforante ;

• c. une résorption interne perforante ;

• d. une perforation par déviation de l’axe lors de la réalisation de la cavité d’accès.

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