DENTISTERIE RESTAURATRICE
Guilhem ROMIEU* Camille BERTRAND** Olivier ROMIEU*** Bruno PELISSIER****
*UFR d’odontologie de Montpellier I
545, avenue du Professeur Jean-Louis Viala
34193 Montpellier cedex 5
Afin de restaurer une dent dépulpée, de nombreuses techniques et solutions thérapeutiques adhésives peuvent être proposées en fonction du délabrement coronaire et de la situation clinique. Conçus pour pallier les inconvénients des restaurations postérieures en composite, les onlays composites offrent un meilleur contrôle de la polymérisation et permettent d’obtenir de bonnes morphologies fonctionnelles. Ce cas clinique montre qu’associée au substitut dentinaire SDR®, cette technique indirecte s’intègre bien dans l’approche actuelle de la dentisterie adhésive moderne
Pour restaurer une dent dépulpée, face aux restaurations traditionnelles métalliques ou en alliage et aux restaurations coronoradiculaires coulées, de nombreuses techniques et solutions thérapeutiques peuvent être proposées avec des protocoles stricts et précis, en fonction du délabrement coronaire et de la situation clinique, mais le choix du matériau de restauration ou de la technique est actuellement rendu difficile par le grand nombre d’options différentes : pratiquement tous les matériaux utilisés en dentisterie ont été proposés pour traiter les dents dévitalisées, en technique directe ou indirecte. La littérature médicale sur ce sujet fait ressortir l’absence de standards cliniques et de consensus concernant le traitement restaurateur optimal des dents dévitalisées. Les nombreuses méthodes et critères d’évaluation conduisent donc à des conclusions contradictoires [1]. Toutefois, l’analyse de la perte de substance est primordiale pour restaurer une dent dépulpée.
Les techniques de stratification avec différents matériaux composites (soit avec des teintes « émail et dentine » soit avec une seule teinte ou saturation comme le composite Ceram.XTM Mono + (Dentsply Detrey) [2] permettent de restaurer une dent dépulpée avec un délabrement minime (cavité d’accès ou cavité proximale petite à moyenne) et d’obtenir une morphologie et une anatomie occlusales correctes et fonctionnelles grâce aux différents apports successifs de composite. Ces derniers permettent non seulement de limiter le facteur C pour les cavités postérieures mais aussi d’obtenir une meilleure polymérisation en profondeur par des irradiations successives qui pénètrent le matériau à chaque insolation. L’expérience du praticien et le respect des règles strictes de la dentisterie adhésive sont très importants pour la pérennité de ces restaurations postérieures. Il semble primordial de limiter le nombre des étapes cliniques pour éviter les erreurs et permettre d’obtenir des résultats thérapeutiques prévisibles tout en garantissant la qualité des restaurations. La connaissance des différents systèmes adhésifs, des matériaux composites avec leurs propriétés physiques, chimiques, mécaniques et leurs différentes réactions de prise permet d’optimiser leur utilisation dans le secteur postérieur [3, 4] pour les dents dépulpées.
La technique de stratification est donc une solution thérapeutique intéressante, mais elle est liée à la perte de substance et au nombre de parois restantes de la dent à restaurer, même si l’adhésion semble la renforcer.
Les techniques dites « sandwich » ou avec des substituts dentinaires peuvent être utilisées pour la restauration des dents dépulpées, en réduisant le nombre d’apports de matériau composite par un premier comblement des deux tiers de la cavité (fig. 1 et 2) soit par un ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMAR), soit par un composite fluide autopolymérisable, soit encore par un nouveau composite, le SDR® (Dentsply), présenté dans cet article. Les techniques avec substitut dentinaire offrent de nombreux avantages qui seront détaillés pendant la description du cas clinique. Ces techniques peuvent être directes, associées à un composite occlusal ou à des restaurations partielles collées en fonction du délabrement coronaire [5].
Pour les restaurations partielles collées, il est nécessaire et important de comprendre les problèmes rencontrés lors de la restauration des dents dépulpées car il faut rendre fonctionnelles ces dents délabrées et leur transmettre au moins les contraintes que supporteraient des dents saines. Il faut surtout éviter des fractures, tout en assurant l’étanchéité du traitement endodontique et la compatibilité avec tous les matériaux de scellement ou de collage. La dent restaurée doit résister mécaniquement dans le temps et ne pas se dégrader. Enfin, il ne faut pas interférer avec le résultat esthétique. Actuellement, la meilleure approche clinique pour restaurer des dents traitées endodontiquement semble être de privilégier l’économie tissulaire, en particulier en utilisant une dentisterie adhésive aux niveaux coronaire et radiculaire pour renforcer le reste de la dent et optimiser la stabilité et la rétention de la restauration et en utilisant dans certains cas des tenons aux propriétés physiques proches de celles de la dentine en raison des limites actuelles de l’adhésion. En effet, le tenon ne renforce pas la racine mais, au contraire, la fragilise [6] et le taux de survie des dents dépulpées restaurées par des cavités mésio-occluso-distales (MOD) à l’amalgame, sans recouvrement cuspidien, est très faible [7]. Les restaurations adhésives sur dents dépulpées semblent pouvoir renforcer les structures dentaires subsistantes et ce sont des solutions qui préservent les structures dentaires tout en ayant le potentiel de les consolider [8, 9].
La technique des couronnes céramo-métalliques supportées par des ancrages intracanalaires est la technique de référence, malheureusement la plus employée ; mais d’autres options, comme l’utilisation des tenons fibrés associée à des couronnes « tout céramique » et les restaurations collées, telles les endocouronnes, peuvent également être proposées pour restaurer l’esthétique et la fonction des dents non vitales, toujours en fonction du délabrement coronaire.
Actuellement, de nombreuses solutions thérapeutiques s’offrent aux praticiens pour restaurer les dents postérieures dépulpées, toutes avec succès, ce qui peut semer le doute dans la réflexion thérapeutique : choix du système adhésif, choix du matériau et choix de la technique. De plus, l’évolution très rapide des matériaux peut poser certains problèmes. Il semble donc important d’avoir au moins :
– deux systèmes adhésifs (un M&R 2 et un SAM 2 avec leurs activateurs ou un SAM 1), d’avoir deux types de composites (un universel et l’autre à usage postérieur avec toujours un nombre limité de teintes, saturations et opacités)
– deux substituts dentinaires (un CVIMAR et un composite fluide) – des tenons fibrés avec leur composite fluide de collage et de restauration.
Les restaurations adhésives doivent être les premières options thérapeutiques à envisager en dentisterie restauratrice même pour les dents dépulpées, tout cela bien sûr en fonction du délabrement coronaire [3]. Dans le cas clinique présenté (fig. 3 à 5), la technique de restauration partielle collée avec l’utilisation d’un substitut dentinaire, le SDR®, mis en place après le conditionnement avec le système adhésif XP-Bond® (Dentsply Detrey), va être détaillée.
La première molaire supérieure d’un patient âgé de 35 ans présente un déficit de substance moyen ; une reprise de lésion carieuse sous un amalgame a entraîné la perte de ce dernier, mais aussi une nécrose puis un abcès dentaire ; un traitement endocanalaire a donc été réalisé (fig. 5) et un pansement provisoire posé en interséance (Cavit® W, 3M ESPE). Suivant l’approche de la dentisterie non invasive et les principes présentés précédemment, il a décidé d’utiliser une technique « sandwich » avec l’utilisation du substitut dentinaire SDR® associé à un onlay composite monté avec du Licupast plus® (Dentsply Detrey) en technique indirecte. Le protocole clinique se divise en 10 étapes (tableau 1).
Après les analyses cliniques et structurelles de cette dent dépulpée qui ont abouti au choix thérapeutique, le pansement provisoire est déposé sous spray aux ultrasons et avec de fraises boules montées sur contre-angle avec une bonne aspiration ; les limites, les parois et le fond de la cavité doivent être bien nettoyés (fig. 3). Dans le cadre de la dentisterie a minima, les contre-dépouilles sont conservées en fonction de l’épaisseur des parois qui ne doit pas être inférieure 1,5-2 mm. Elles seront comblées par le substitut dentinaire : cela permettra de conserver un maximum de structures dentaires qui seront intégrées dans la préparation finale de l’onlay composite.
Après l’étape cavitaire et le mordançage, le conditionnement de la dent est réalisé avec un adhésif M&R 2, le système XP-Bond® (fig. 6 à 11), car des études montrent une meilleure adhésion entre le substitut dentinaire SDR®, les surfaces dentaires et le composite utilisé en technique directe ou indirecte. Le mordançage de l’émail (30 secondes), puis celui de la dentine (15 secondes) sont réalisés avec de l’acide orthophosphorique, le Conditionneur 36® (Dentsply Detrey). Selon les principes de M&R 2, un rinçage est réalisé, suivi d’un léger séchage car ce type d’adhésif impose de coller en milieu humide. Il est nécessaire de ne pas déshydrater la dentine pour obtenir une bonne pénétration du système adhésif qui doit être appliqué sur la dent en frottant toutes les parois de la cavité pendant au moins 20 secondes. À l’aide d’une lampe LED [2], l’adhésif a été polymérisé en mode progressif pendant 20 secondes pour éviter une rétraction trop rapide qui pourrait générer des défauts d’étanchéité (fig. 6 à 11).
Pour ce cas clinique, le substitut composite SDR® (fig. 12 à 13), associé à une restauration partielle collée composite, a été choisi car il permet d’éviter des préparations trop invasives par le comblement des contre-dépouilles. C’est un matériau de restauration composite monocomposant, fluide, photopolymérisable, radio-opaque et contenant du fluor (encadré 1). Il s’utilise généralement comme base dans les restaurations de classes I et II, en laissant au moins 2 mm d’espace lors de la mise en place de la base SDR®, afin de permettre au matériau de restauration occlusale sélectionné de s’insérer. Ce substitut présente les caractéristiques de manipulation d’un composite fluide mais il peut être placé directement en bouche en incréments de 4 mm avec un stress de polymérisation minimal. Il se répartit uniformément, ce qui permet une adaptation parfaite aux parois cavitaires lors du comblement des contre-dépouilles. La manipulation est très agréable. Disponible en une seule teinte universelle et en compule, il est généralement conçu pour être recouvert par une couche de composite universel/postérieur à base de méthacrylates afin de remplacer les pertes amélaires occlusales et vestibulaires. Pour ce cas clinique, un onlay composite pour reconstruire de façon fonctionnelle et anatomique cette dent dépulpée a été choisi (fig. 14).
Il faut placer la compule directement dans la préparation sur la surface de la dent en exerçant une pression lente et uniforme et en débutant l’extrusion du matériau dans la partie la plus profonde de la cavité, en maintenant l’extrémité de l’embout contre le fond de la cavité. Progressivement, l’embout doit être éloigné au fur et à mesure du remplissage de la cavité. Il est nécessaire d’éviter de retirer l’embout de la préparation pendant l’extrusion afin de minimiser l’inclusion de bulles d’air. Le matériau appliqué s’étalera tout seul en l’espace de quelques secondes, rendant inutile tout autre modelage avec des instruments manuels. Lorsqu’on l’utilise comme base à placement en masse, le matériau peut remplir la plupart des cavités en un seul incrément suffisamment épais, jusqu’à 4 mm, selon les besoins de remplissage, en laissant toutefois une marge de 2 mm par rapport à la surface occlusale de la cavité. Dans les préparations plus profondes et proximales comme dans ce cas clinique, l’incrément va combler les contre-dépouilles pour conserver plus de structures dentaires. Après une polymérisation en masse, une préparation classique pour onlay composite est réalisée en englobant le substitut dentinaire dans les limites de la restauration. La cuspide vestibulo-mésiale, trop fragile, est diminuée ainsi qu’une partie de la cuspide palatine mésiale ; une empreinte est ensuite faite avec de l’Aquasil® (Dentsply Detrey). Le prothésiste réalisera alors l’onlay composite ; pour ce cas clinique, le composite de laboratoire Licupast plus® (Dentsply Detrey) a été employé. Récemment conçu, il polymérise par la lumière de longueurs d’onde comprises entre 350 et 500 nm. Sa composition confère à ce matériau de bonnes propriétés physiques et mécaniques et la bonne opacité des différentes teintes garantit les reproductions exactes de couleur, entraînant un bon mimétisme. À l’égard de la céramique, comme on la sait très cassante, Licupast plus® possède significativement une plus haute flexibilité qui est particulièrement adaptée pour les restaurations postérieures.
Un onlay provisoire avec du Revotek LC® (GC) est placé en interséance. Le Revotek LC® est une résine monocomposante photopolymérisable pour une restauration provisoire. Ce produit permet de réaliser sans difficultés des inlays, onlays, couronnes et bridges provisoires de bonne qualité. Le Revotek LC® est présenté sous la forme de bâtonnets permettant un modelage directement en bouche, sans mélange ni préempreinte.
La deuxième séance clinique est consacrée au collage de l’onlay composite ; pour cela, après son essayage (contrôle des limites mais pas de l’occlusion), la restauration indirecte est collée sous champ opératoire (fig. 15 à 22). L’intrados de l’onlay a été sablé préalablement au laboratoire de prothèses mais son essayage a entraîné sa pollution interne. De l’acide orthophosphorique est alors utilisé pour le nettoyer ; un rinçage rigoureux et un séchage sont ensuite réalisés. Une couche de silane est appliquée pendant 60 secondes, puis on la laisse sécher. Après un nettoyage minutieux, on applique l’acide pendant 30 secondes sur l’émail et 15 secondes sur la dentine. On appose, après un rinçage minutieux et un séchage contrôlé, l’adhésif XP-Bond® et son activateur d’autopolymérisation (2 gouttes de chaque) pendant 20 secondes sur la dentine et l’émail en effectuant un bon brossage. Ensuite, il faut sécher légèrement pendant 5 secondes avec un jet d’air peu puissant pour bien étaler l’adhésif et éliminer les solvants.
L’intrados de l’onlay est également enduit du même système adhésif et, comme précédemment, il faut sécher pendant 5 secondes. Pour le collage, le Calibra® (Dentsply), qui est un ciment de collage dual, a été utilisé ; sa manipulation est aisée grâce aux deux consistances disponibles et à son temps de travail (2 minutes 30 secondes) et de prise (6 minutes en mode autopolymérisable). Le matériau est placé dans l’intrados de l’onlay composite ; la restauration est alors mise en place, maintenue en position et les excès sont éliminés, un flash de polymérisation de 5 secondes maximum peut être réalisé pour favoriser cette étape. Ensuite, toutes les faces de la restauration esthétique sont insolées pendant 20 secondes à pleine puissance. Pour finir, les étapes de polissage après le contrôle de l’occlusion sont réalisées après dépose du champ opératoire. Une restauration fonctionnelle et esthétique grâce à cette technique indirecte associée à un substitut dentinaire est obtenue (fig. 23 et 24).
Face aux techniques traditionnelles, de nombreuses techniques adhésives directes et indirectes peuvent être proposées et privilégiées pour traiter en postérieur les dents dépulpées ; en revanche, il est important de bien connaître les principes de l’adhésion [10] ainsi que les matériaux et, surtout, de bien analyser et quantifier les structures dentaires résiduelles pour faire le bon choix thérapeutique et obtenir ainsi des restaurations pérennes. Conçus pour pallier les inconvénients des restaurations postérieures en composite, les onlays en composite offrent un meilleur contrôle de la polymérisation et donc une plus grande garantie d’adaptation au niveau des bords ainsi qu’un meilleur contrôle des morphologies occlusale et proximale ; la préparation des cavités doit répondre à des critères précis (mise de dépouille, préparation régulière arrondie, limites périphériques à angle droit entre la cavité et les pans cuspidiens). Les étapes de laboratoire sont aussi importantes que les étapes cliniques et influencent directement le résultat final. Le collage nécessite un champ opératoire étanche et le protocole doit être parfaitement respecté. Les onlays en composite peuvent être utilisés pour restaurer des dents dépulpées et s’intègrent bien dans le cadre de la dentisterie a minima.
En respectant les indications et les protocoles opératoires de la dentisterie adhésive, ce cas clinique montre que le matériau SDR® peut être utilisé comme substitut dentinaire tout en étant associé à une restauration indirecte composite ; cela a permis de réaliser une restauration esthétique et fonctionnelle avec une technique simple et adaptée à la pratique quotidienne.
COMPOSITION DU SDR® (DENTSPLY DETREY)
→ Verre de baryum bore fluoro-alumino-silicate, verre de strontium fluoro-alumino-silicate, résine diméthacrylate d’uréthane modifié, diméthacrylate de bisphénol A éthoxyl (EBPADMA), diméthacrylate de triéthylèneglycol (TEGDMA), photo-initiateur camphoroquinone (CQ), butyl-hydroxy-toluène (BHT), stabilisants UV, dioxyde de titane et pigments oxyde de fer.
1 Dans les techniques indirectes en dentisterie adhésive, le praticien peut utiliser comme substitut dentinaire :
• a. du ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine ou CVIMAR.
• b. de l’eugénate.
• c. des composites fluides auto et/ou photopolymérisables
• d. de l’amalgame
2 La technique indirecte type « onlay » :
• a. nécessite une seule étape clinique.
• b. permet d’avoir une meilleure morphologie occlusale et proximale.
• c. permet d’avoir une meilleure polymérisation.
• d. est utilisée seulement pour les dents vitales
3 Le système adhésif MR 2 :
• a. est un système adhésif à une étape.
• b. utilise le mordançage total des tissus dentaires.
• c. doit être polymérisé en mode progressif pour éviter une rétraction trop rapide.
4 Le matériau SDR® est-il ?
• a. un composite fluide autopolymérisable.
• b. un ciment verre ionomère
• c. un composite fluide à prise duale
• d. un composite fluide photopolymérisable
Découvrez ce questionnaire et les bonnes réponses sur notre site Internet www.editionscdp.fr, rubrique Formation continue