ENDO… AUTREMENT
Anne Charlotte FLOURIOT* Stéphane SIMON**
*Docteur en chirurgie dentaire
Étudiante 2e année DU européen d’endodontologie clinique
Université Paris Diderot
**MCU-PH en sciences biologiques et endodontie
Directeur du DU européen d’endodontologie clinique
Université Paris Diderot
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière 47-83 boulevard de l’Hôpital 75013 Paris
L’injection d’hypochlorite de sodium au-delà du périapex est un accident rare mais impressionnant qui peut survenir au cours d’un traitement endodontique. Le patient ressent une douleur intense et un hématome apparaît immédiatement.
L’objectif de cet article est de rappeler les recommandations permettant de prévenir ce type d’accident et de décrire la prise en charge médicale à instaurer.
L’hypochlorite de sodium (NaOCl) a été mentionné pour la première fois au sein d’un ouvrage d’odontologie par Coolidge en 1919. Son utilisation en tant que solution d’irrigation en endodontie a ensuite été recommandée en 1936 par Walker.
Depuis, l’hypochlorite de sodium, sous diverses concentrations, est considéré comme la solution de choix pour la désinfection endocanalaire.
Ses propriétés physico-chimiques et son large spectre antibactérien expliquent le succès de cette solution au sein de la communauté endodontique, et ce malgré quelques inconvénients tels que son odeur, son mauvais goût ou encore sa possibilité de création de dommages en cas de contacts avec les vêtements du patient et de blessures oculaires en cas de projection. Néanmoins, ces inconvénients peuvent être évités avec quelques précautions et ne justifient aucunement l’abandon de son utilisation en endodontie.
La toxicité de la solution d’hypochlorite de sodium reste cependant un inconvénient plus préoccupant, notamment en cas d’injection au-delà de la dent, dans la zone périapicale.
Les effets toxiques de cette solution d’irrigation sur les tissus vivants ont été démontrés et se traduisent notamment par une hémolyse, une ulcération cutanée, voire une nécrose du tissu affecté. Les solutions d’irrigation utilisées possèdent un pH élevé et les dommages résultants seraient déclenchés par un processus d’oxydation des protéines du tissu atteint.
Il semble ainsi essentiel de savoir dans quelles circonstances un tel événement peut survenir et de connaître ses conséquences de façon à pouvoir prévenir le risque d’accident, voire de gérer les conséquences médicales lorsque celui-ci survient.
L’injection par inadvertance d’hypochlorite de sodium au-delà du foramen apical survient le plus souvent lors d’un traitement endodontique sur des dents immatures ou sur des dents matures à foramen large, ou encore sur des dents dont la constriction apicale a été détruite par la préparation canalaire ou par l’existence d’un processus de résorption. Dans la littérature médicale, quelques rapports de cas font également état de ce type d’accident lors de la réalisation d’une perforation canalaire non détectée par le praticien et suivie d’une irrigation sous pression.
L’injection accidentelle d’hypochlorite de sodium en endodontie survient donc dans un contexte dentaire bien spécifique qu’il est nécessaire de connaître pour identifier les situations à risque. Cependant, ce type de complication est à mettre avant tout en relation avec des erreurs commises par l’opérateur.
Afin d’éviter l’injection de la solution d’irrigation au-delà du foramen apical, les principes de bases suivants sont à respecter impérativement :
• un contrôle rigoureux de la longueur de travail pendant toute la durée du traitement ;
• l’utilisation d’une aiguille d’irrigation à ouverture latérale spécifique à un usage endodontique ;
• le maintien d’une liberté complète de l’aiguille qui ne doit jamais être coincée dans le canal ;
• une injection lente et continue de la solution associée à un mouvement vertical continu de va-et-vient de l’aiguille dans le canal ;
• une injection sans pression ;
• une vérification permanente du reflux de la solution d’irrigation dans le canal en direction coronaire.
Ce type d’accident n’est pas fréquent mais n’est pas non plus exceptionnel. De nombreux praticiens ont été confrontés un jour à ce type de mésaventure, fortement désagréable pour le patient. Dans la littérature médicale, un faible nombre de rapports de cas est disponible, mais les recommandations de prise en charge postaccidentelle ne font à ce jour l’objet d’aucun consensus.
Les conséquences de tels incidents sont extrêmement variables : elles peuvent se traduire par une réponse tissulaire modérée suivie d’une résolution totale en quelques semaines, ou aller jusqu’à la diminution permanente, voire la perte de sensibilité dans les zones affectées.
Quoi qu’il en soit, dans la plupart des cas, les signes rapportés à la suite de l’éjection d’hypochlorite sont semblables, mais d’intensité variable, et sont les suivants (fig. 1 et 2) :
• douleur intense, immédiate, rappelant une sensation de brûlure ;
• hémorragie profuse intracanalaire ;
• apparition quasi immédiate d’une tuméfaction faciale dans la région affectée ;
• expansion rapide de l’œdème vers les joues, les lèvres ou la région péri-orbitaire ;
• apparition d’une large ecchymose (conséquence d’une hémorragie profonde) ;
• anesthésie/paresthésie réversible ou persistante ;
• possibilité d’une sensation de crépitation au sein des tissus mous.
Ces signes doivent être connus afin de pouvoir identifier le plus rapidement possible l’accident et d’optimiser la prise en charge du patient.
Une prise en charge optimale du patient subissant une injection accidentelle d’hypochlorite de sodium est essentielle pour lui offrir les meilleures chances de récupération.
La conduite à tenir passe par les étapes suivantes :
• identifier précocement le problème et informer le patient sur la cause/nature de l’accident dont il est victime ;
• irriguer immédiatement et abondamment du canal avec du sérum physiologique pour diluer l’hypochlorite ;
• ne pas chercher à stopper l’hémorragie intracanalaire car elle participe à l’évacuation de l’irritant hors des tissus ;
• rassurer le patient et le prévenir de l’évolution, en insistant sur le gonflement et l’apparition future d’un hématome de la face, et de la longueur du processus de retour à la normale ;
• fournir par oral et par écrit toutes les instructions à suivre par le patient une fois sorti du cabinet dentaire ;
• contacter le patient régulièrement.
Une fois l’accident identifié et le patient informé, il est essentiel de se focaliser sur la diminution des douleurs ressenties par le patient qui sont en général d’une intensité extrême.
La mise en place immédiate de compresses froides puis chaudes et des rinçages avec une solution saline, en association avec un contrôle médicamenteux de la douleur, sont recommandés.
Une prescription prophylactique d’antibiotiques (amoxicilline 1,5 g/j pendant 7 jours), même si elle ne fait pas l’objet d’un consensus, doit être associée à une prescription d’anti-inflammatoires stéroïdiens (1 mg/kg/j pendant 4 jours) (tableau 1).
Selon le degré d’atteinte, certains cas pourront nécessiter le recours à la chirurgie afin d’assurer une décompression tissulaire, de faciliter le drainage mais aussi de créer de nouvelles conditions environnementales propices à la guérison. De plus, ce type d’intervention a pour avantage d’apporter une irrigation directe au niveau du site endommagé et d’assurer l’élimination des débris tissulaires nécrotiques.
Une fois les symptômes résolus, le traitement endodontique pourra être repris. Le canal sera désinfecté une dernière fois et une médication à base d’hydroxyde de calcium mise en place dans le canal pendant 15 jours. L’obturation ne pourra être envisagée que lorsque la dent sera complètement asymptomatique et les lésions tissulaires cicatrisées. Le retour à la normale peut prendre plusieurs semaines (de 5 à 8).
L’hypochlorite de sodium reste la solution de choix pour l’irrigation en endodontie grâce à son action antibactérienne et ses capacités de solvant de la matière organique. Un mauvais contrôle de la délivrance de la solution dans le canal peut néanmoins engendrer des dégâts tissulaires sévères. Cependant, dans la plupart des situations, les accidents d’injection d’hypochlorite peuvent être évités par :
• le choix d’un matériel adapté ;
• un contrôle minutieux de la longueur de travail ;
• le respect de la constriction apicale lors de la préparation canalaire ;
• l’identification de situations à risque (cas de résorption ou d’apex ouverts).
En cas d’accident, une prise en charge optimale et la plus précoce possible assurera au patient les meilleures chances de guérison.
1 En cas d’injection d’hypochlorite de sodium au-delà de l’apex, le premier geste à effectuer est de stopper l’hémorragie intracanalaire :
• a. vrai
• b. faux
2 Face à une injection d’hypochlorite de sodium au-delà du périapex, la prescription doit contenir :
• a. une antibiothérapie
• b. de l’ibuprofène
• c. des corticoïdes
• d. un antihistaminique
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