Clinic n° 07 du 01/07/2012

 

EMPREINTES

Les prises d’empreintes représentent une part non négligeable de notre activité. En attendant la généralisation des procédés d’enregistrement optique, nous devons nous contenter de porte-empreintes et de matériaux élastiques, heureusement de plus en plus performants.

Hémostase assurée

Pour obtenir une empreinte de qualité, un conditionnement de la gencive est souvent bien utile. Que ce soit en prothèse ou en dentisterie restauratrice, nous sommes souvent confrontés au saignement gingival. L’hémostatique le plus efficace que je connaisse est l’Astringedent® X de la société Ultradent (fig. 1). Ce liquide brun foncé, à base de sulfate ferrique concentré, s’applique de préférence à l’aide d’un embout spécifique, le Metal Dento-Infusor® Tip (Ultradent), vissé sur la petite seringue qui contient la précieuse solution (fig. 2). Le sulfate ferrique provoque une coagulation quasi immédiate du sang et un assèchement des capillaires sur lesquels on l’applique. L’embout en forme de pinceau permet de frotter les tissus gingivaux, ce qui améliore singulièrement l’efficacité du produit. Certes, une grosse masse de caillots brunâtres ne manque pas de se former immédiatement au bout du petit plumeau. Qu’à cela ne tienne ! Il suffit d’exprimer un peu plus de liquide via la longue canule courbée et de frotter en appuyant de plus belle, puis de laisser agir 1 ou 2 minutes, rarement plus. Un jet d’air-eau laissera alors une surface parfaitement propre, de couleur brunâtre mais totalement exsangue et sèche, prête à l’enregistrement à l’aide de n’importe quel matériau à empreinte sauf, peut-être, l’alginate qui aura tendance à se coller dessus puis à se déchirer.

Si vous détestez la couleur brune et les effets secondaires – un risque d’infiltration, voire un manque d’étanchéité ou un brunissement de la dentine sous les couronnes provisoires –, rincez vos préparations plus que de raison. Ou bien optez pour le ViscoStat® Clear de la même société (fig. 3). Ce gel à base de chlorure d’aluminium est totalement transparent. Un peu moins hémostatique que l’Astringedent® X, il laisse des surfaces sans aucune coloration. Ici encore, rincez abondamment vos préparations si vous utilisez de l’alginate ou un polyéther pour vos empreintes, car la prise de ces matériaux est incompatible avec ce type de produit.

Plus de fil à retordre

Pour un excellent accès aux limites cervicales et afin d’enregistrer le profil d’émergence de manière optimale, un aménagement tissulaire peut être nécessaire. Traditionnellement, la méthode la plus performante consiste à insérer dans le sulcus un cordonnet rétracteur imbibé ou non d’une solution hémostatique. Le nec plus ultra est la technique du double fil : un premier cordonnet est placé au fond du sulcus, sectionné aux ciseaux de telle sorte qu’il fasse exactement le tour de la préparation. Un second fil, parfois un peu plus large, est installé par-dessus. Il débordera légèrement sur la gencive afin de pouvoir le saisir le moment venu. Lors de la prise d’empreinte, ce deuxième fil est retiré rapidement. Le premier, qui demeure en place, évite le saignement de la gencive, maintenue écartée de la dent durant toute l’intervention.

Cette méthode a l’inconvénient d’être assez laborieuse, parfois délicate et un peu douloureuse pour les patients. Elle est plus ou moins facile selon la texture de fil et les outils de mise en place. Malgré quelques imitations, il n’existe aujourd’hui aucun réel équivalent au cordonnet Ultrapak® (Ultradent), depuis quelques mois disponible en dévidoir à guillotine pour un usage encore plus pratique (fig. 4). Ce minuscule boyau tricoté s’écrase aisément sous la pression de l’instrument qui sert à l’enfouir sous la gencive. Le Fischer’s Ultrapak Packers de la même marque, spécialement conçu à cet effet, grâce à l’orientation parfaitement étudiée de ses extrémités crantées, permet d’effectuer l’opération avec le maximum de confort en un minimum de temps (fig. 5).

Une bien bonne pâte

On peut comprendre que cette méthode ne soit pas du goût de tous. Ses détracteurs l’estiment agressive pour les tissus péridentaires et préfèrent des méthodes d’éviction gingivale plus douces.

Différentes pâtes hémostatiques, introduites grâce à des dispositifs d’injection divers, ont été proposées pour assurer l’évasement du sulcus ainsi que l’arrêt du saignement gingival. La dernière en date, l’ARP Cap de 3M ESPE est, à mes yeux, de loin la plus intéressante. Cette pâte astringente de couleur bleue est conditionnée dans de petites capsules pour pistolet à composite, munies d’une buse longue et fine (fig. 6). L’ergonomie du système est remarquable puisqu’il fait appel à un équipement banal que tout le monde possède déjà. L’extrusion du matériau, de très haute viscosité, est certes un peu pénible. Le produit ne reste pas facilement au fond du sulcus et s’en échappe fréquemment. Mais son efficacité globale est tout à fait convaincante. Il s’élimine relativement bien malgré sa consistance et n’entrave pas la prise des polyéthers à condition d’être bien rincé.

Quand j’utilise ces produits, je les combine systématiquement avec un dispositif étonnamment simple et astucieux, le Comprecap Anatomic de Coltène Roeko. Ces petits capuchons de coton existent en trois tailles. Leur contour anatomique épouse plus ou moins le feston gingival et permet de maintenir, lorsque le patient serre les dents dessus, la pâte hémostatique bien en place (fig. 7).

Se sortir du pétrin

Je suis un inconditionnel des malaxeurs automatiques de matériaux à empreinte. Je connais les arguments de ceux qui trouvent cet équipement inutile : produits en cartouche trop chers, aucun intérêt en wash technique, encore un périphérique encombrant sur le plan de travail. J’ai publié plusieurs articles dans différentes revues pour vanter les mérites de ces appareils. Il faut simplement comprendre que le malaxeur automatique doit s’intégrer dans une suite de procédures cohérentes et non se substituer au mélange manuel sans rien changer d’autre par ailleurs. Car effectivement dans ce cas, il n’offre que des avantages minimes. En particulier, les matériaux en cartouche pour malaxeur sont toujours plus souples que ceux en pot. Il faut donc utiliser des porte-empreintes non perforés ou jetables pour enregistrement en mordu. Tout leur intérêt réside dans la possibilité de pratiquer le double mélange, plus rapide et plus précis, même si l’on travaille sans assistance au fauteuil. Les empreintes sectorielles en occlusion sont le complément rêvé de ce genre d’équipement. Enfin, qu’on se rende bien compte de leur rapidité et de leur côté hygiénique. Même si cela n’arrive pas souvent, le gain de temps et de confort est flagrant lorsque, par malchance, on doit reprendre très vite une empreinte ratée. Même si tous les malaxeurs sont aujourd’hui jolis et performants, je placerai en tête de classement le Pentamix™ 3 (3M ESPE) parce qu’il est très compact, facile à utiliser et plus rapide avec les élastomères de la marque, qui sont parmi mes préférés (fig. 8). Vient en deuxième position le Dynamix® Speed vendu par Heraeus en version rapide pour ses propres produits lui aussi.

Quels porte-empreintes ?

L’entretien des porte-empreintes est particulièrement désagréable et chronophage. De plus, lorsque l’on ne coule pas ses modèles et qu’on les envoie directement chez le prothésiste, il n’est pas rare de les perdre. La majorité des empreintes en omnipratique n’intéressent que 1 à 3 dents sur la même hémiarcade. L’utilisation de porte-empreintes sectoriels en plastique à usage unique est donc un must parfaitement adapté à un exercice bien organisé. Parmi la quantité de produits valables, j’aime beaucoup les Supratrays de la société R & S (GACD) (fig. 9). Leur manche plat est très agréable. Suffisamment larges, ils n’interfèrent jamais avec les procès alvéolaires et ne se déforment pas. Leur gaze synthétique entre les arcades est suffisamment fine pour retenir le matériau sans gêner l’intercuspidie. Ils existent avec barre postérieure en plastique ou métal, plus rigide. Honnêtement, la barre en plastique m’a toujours convenu, d’autant plus que la gaze arrive jusqu’à l’extrémité postérieure du porte-empreinte, ce qui n’est pas le cas sur les autres modèles.

Comme porte-empreintes complets, j’utilise avec bonheur les Position™ Tray de chez 3M ESPE (fig. 10). Tout en plastique et en principe à usage unique, ils peuvent tout de même se nettoyer et passer à l’autoclave. Ils auront la plupart du temps perdu le tissu synthétique qui tapisse l’intrados et assure la rétention du matériau à empreinte. On peut le remplacer par une couche d’adhésif en spray et s’en servir pour des empreintes d’arcades antagonistes à l’alginate. Car, pour celles de précision et l’enregistrement de plusieurs préparations, l’économie réalisée n’en vaut pas la chandelle : mieux vaut utiliser un porte-empreinte neuf par sécurité.

Élastomères et autres

Honnêtement, les silicones putty ou heavy pour malaxeur automatique sont tous bons quelle que soit la marque. Seul le temps de prise joue sur le confort d’utilisation, selon votre organisation, le nombre de préparations à enregistrer ou que vous exerciez seul ou assisté. Plutôt que d’utiliser plusieurs produits avec différents temps de prise, vous pouvez choisir le Flexitime® (Heraeus Kulzer) dont le temps de travail est modulable (fig. 11). Pour ma part, je déclenche toujours ma minuterie au moment où le porte-empreinte est inséré en bouche. Elle est systématiquement réglée sur 4 minutes, temps nécessaire et presque toujours suffisant pour fignoler la couronne provisoire pendant que le patient, les mâchoires serrées sur le porte-empreinte sectoriel, attend tranquillement la prise du produit.

Le choix du light est beaucoup plus crucial. Aujourd’hui, plusieurs grandes marques proposent des silicones fluides extrêmement séduisants : le Flexitime® Correct Flow d’Heraeus, l’Affinis® Precious de Coltène Whaledent (fig. 12), et mon préféré pour sa fluidité, sa finesse, sa fidélité même en conditions de relative humidité et son délicieux parfum mentholé, l’Aquasil Ultra XLV de chez Dentsply (fig. 13).

Les silicones ont fait d’énormes progrès. Cependant, en termes de confort et d’ergonomie, l’idéal, lorsque l’on utilise un malaxeur automatique, est de pouvoir travailler avec un seul et unique produit plutôt que l’association de matériaux de haute et basse viscosités. Pratiquement aucun silicone monophase ne parvient à un degré de précision suffisant pour enregistrer les plus fins détails des préparations. Pour ce genre de performance, rien n’égale les polyéthers. Le produit phare à mes yeux, est l’Impregum™ Penta™ Soft (3M ESPE) (fig. 14). Il est certes un peu difficile à manier si vous n’en avez pas l’habitude : extrêmement visqueux, il colle aux doigts même gantés et à la peau du visage des patients, et n’a pas un goût très agréable. Il faut donc éviter les débordements et travailler avec délicatesse. Mais sa précision est extraordinaire et il est beaucoup moins sensible à l’humidité que la plupart des silicones. Étant donné sa consistance particulière, n’utilisez que des porte-empreintes pleins ou pour enregistrement en occlusion comme ceux décrits plus haut. Le matériau existe en version à prise rapide, mais celui à prise normale (4 minutes en bouche) est bien plus polyvalent. Pour l’application autour des préparations, il faut remplir la petite seringue ESPE exactement adaptée au diamètre de l’embout de mélange (fig. 15). Elle se démonte très simplement et se nettoie rapidement après usage. Sa forme est quasi parfaite, en tout cas largement plus confortable que le long pistolet mélangeur muni de sa canule et de son embout intrabuccal. L’Impregum™ a la fâcheuse réputation de se démouler très difficilement une fois pris, car il exerce sur les dents et les muqueuses un important effet de ventouse. La version Penta™ Soft, plus souple, est beaucoup plus agréable à manipuler. Si vous avez quelques difficultés au cours de cette ultime étape de l’enregistrement, il suffit d’insuffler un peu d’air avec la soufflette entre le matériau et la muqueuse pour retirer sans peine le porte-empreinte de la bouche.

Alginate enfin

Même si les empreintes en occlusion permettent dans la majorité des cas d’éviter de recourir à l’alginate, même si l’Impregum™ peut être utilisé non seulement pour les empreintes de prothèse conjointe mais aussi les empreintes secondaires en prothèse amovible, l’alginate reste souvent utile ne serait-ce que pour les moulages d’étude et les empreintes primaires. Beaucoup de ces produits se valent, mais j’ai une tendresse particulière pour le Krom-Alginate de chez Henry Schein. Cette poudre rose donne une pâte exceptionnellement onctueuse qui devient blanche au moment de la prise. Le matériau obtenu a une consistance très dense, bien compacte, presque aussi ferme qu’un silicone souple. Légèrement compressif, il fournit des empreintes fidèles avec très peu de bulles (fig. 16).

Pour des enregistrements ultraprécis en revanche, qui peuvent concerner des prothèses amovibles comme des couronnes ou de petits bridges, il existe des alginates de haute performance. Le Neocolloid® de Zhermack, à l’agréable parfum de réglisse, fait partie de ceux-là (fig. 17). Certains de mes amis l’utilisent pour presque toutes leurs empreintes de prothèses conjointes, à l’exception des inlay-cores, bien sûr. Sa poudre orange est d’une très grande finesse. Le malaxage doit être appuyé pour obtenir une consistance bien homogène. La pâte doit être introduite dans une seringue pour la déposer sur les préparations. On peut également, mais cela n’est pas très agréable car elle est visqueuse et collante, l’appliquer directement avec les doigts sur les dents en bouche.