ENDODONTIE
L’endodontie est l’une des activités qui réclame le plus de matériel et de produits différents. Chaque année voit fleurir son lot de nouveautés, plus séduisantes les unes que les autres. Une preuve évidente que l’histoire n’est pas encore jouée !
Pour la pénétration initiale du canal, je n’ai jamais apprécié d’autres limes manuelles que les MMC en acier, de chez Micro-Mega (fig. 1). Leur manche assez large, leurs lames usinées, leur bonne rigidité et leur résistance à la fracture me séduisent depuis toujours. Pourquoi changer une équipe qui gagne ?
Lorsque le canal est là, que je le vois, mais que les limes en acier se tordent dès que je les présente à l’entrée, j’apprécie beaucoup les Scout RaCe (FKG) (fig. 2). Ces instruments rotatifs en nickel-titane n° 10 de conicité 4 ou 6 % ont une rigidité et une élasticité telles qu’ils pénètrent parfois là où aucune lime 2 % en acier n’entre de plus de 1 mm. C’est en particulier le cas sur les MV 2* des molaires supérieures. Attention tout de même : ils restent assez fragiles et comme leur pointe n’est pas travaillante, ils ne passent que si le canal est vraiment perméable.
Une fois le canal cathétérisé sur toute sa longueur, il faut l’élargir. Malgré quelques petits inconvénients, j’apprécie énormément les Hero 642® en NiTi (Micro-Mega). L’évasement des premiers millimètres peut être avantageusement confié à une courte lime 20 ou 25 de conicité 6 % en rotation continue (fig. 3). Pour la suite, je préfère de loin travailler avec les Hero de conicité 2 % jaunes, rouges et quelquefois bleues (n° 30) à la longueur de travail (fig. 4). La pointe de ces limes est active et rend leur pénétration très facile, même dans des canaux extrêmement étroits ou calcifiés. Très souples, elles épousent parfaitement les courbures sans créer de butées ou de fausses routes. Pour ceux qui n’en ont pas l’habitude, elles peuvent donner une sensation d’aspiration. Il suffit de régler la bonne vitesse de rotation et surtout le couple du moteur pour limiter cette impression. Avec des limes de faible conicité, la fatigue cyclique est très limitée. Les risques de fracture sont possibles si elles se coincent, mais largement inférieurs à ce qui se passe avec celles fortement coniques, beaucoup plus rigides.
L’année dernière, la société Coltène Whaledent a sorti une série de limes en rotation continue élaborées dans un alliage de nickel-titane différent de celui utilisé jusqu’à présent. Le système HyFlex® CM™ est fabriqué dans un métal à mémoire de forme (fig. 5). Selon le fabricant, ces limes sont trois fois plus résistantes à la fatigue cyclique que le NiTi normal. Elles se déforment facilement en suivant totalement les courbures canalaires, ce qui réduit significativement l’effet de rappel et l’ovalisation de la région apicale. Les doubles courbures sont parfaitement respectées, comme aucun autre instrument ne pouvait le faire auparavant (fig. 6). Cet alliage récupère sa forme initiale – pourvu que la lime ne soit pas excessivement détordue – lorsqu’il est réchauffé. Ainsi, même déformées, les HyFlex® CM™ retrouvent leur première jeunesse sitôt nettoyées et stérilisées. Leur bonne capacité de coupe est très appréciable, mais la séquence proposée en standard n’est pas optimale à mon sens. Elle s’arrête au n° 30 de conicité 4 % ou, si on le souhaite, une 40 de 4 % également. Ne pas hésiter à commander des 30 en 6 % pour une meilleure efficacité de nettoyage et une obturation plus sûre.
Je ne voudrais pas passer sous silence LA grande révélation de l’année 2011 : la lime unique de préparation en réciprocité. Deux modèles sont disponibles actuellement. Pour ma part, je préfère de loin la Reciproc® de la société VDW commercialisée en France par Dentsply (fig. 7). Elle ressemble aux Mtwo® de la même marque mais présente une conicité variable, légèrement plus élevée à la pointe. Ce profil, que seul Dentsply Maillefer a su proposer avec ses ProTaper®, est vraiment idéal. Il permet une mise en forme modérée du canal, tout en assurant un nettoyage optimal de son extrémité apicale. Les Reciproc® s’utilisent à la place de toute une séquence instrumentale. Elles existent en n° 25, 40 et 50. Leur efficacité de coupe est remarquable et leur vitesse de travail époustouflante. Elles font gagner au moins 15 minutes sur le traitement d’une molaire. Vendues stériles sous blister, les Reciproc® peuvent servir de une à six fois environ, par exemple pour deux molaires dans la même séance. Car si on envisage de les stériliser, leur bague en plastique coloré autour du manche se déforme et ne peut plus être réintroduite dans la tête du contre-angle. Ce système ne fonctionne qu’avec un moteur dédié, seul capable de réaliser le mouvement de réciprocité, rotation antihoraire entrecoupée d’infimes retours en arrière à intervalles réguliers. Pour l’heure, les seuls moteurs disponibles sont de petites unités de table avec un long cordon (fig. 8). Rien à leur reprocher question esthétique, efficacité et qualité de fabrication. En revanche, s’équiper de ce périphérique supplémentaire et encombrant constitue pour moi un sérieux inconvénient.
En matière de moteur et contre-angle, celui que je préfère de loin est l’Entran de W & H. (fig. 9). Beaucoup moins connu que d’autres, il est pourtant bien mieux conçu d’un point de vue ergonomique. Sa petite tête est parfaite, orientable à tout moment selon n’importe quel angle. Le bouton déclencheur vient parfaitement au bout du pouce ou de l’index, comme on le souhaite. Le pousse-bouton sur le dessus peut s’actionner avec l’index, la main restant à la même place lors du changement de limes (fig. 10). La vitesse de rotation est fixe : 300 tr/min. Cinq réglages de couple sont possibles. Lorsque l’instrument force dans le canal, il se met à tourner à l’envers. Si vous le laissez faire sans appuyer, il finit, après quelques allers-retours, par s’arrêter si la résistance est trop forte ou, au contraire, il continue sa pénétration. Un contre-angle sans fil est une aide précieuse en endodontie car il autorise toutes les positions possibles. Et si c’est votre assistante qui place les limes dessus, son travail est grandement facilité puisqu’elle peut vous le passer et le reprendre très rapidement.
Si la rotation continue et le NiTi ont constitué un progrès majeur en endodontie, le localisateur d’apex représente pour moi l’objet le plus indispensable que je connaisse dans cette spécialité. Bien que j’en aie essayé plusieurs en quelques années – tous sont fiables, mais plus ou moins pratiques et agréables à utiliser –, je suis resté fidèle au Root ZX (Morita), un des gold standard de sa catégorie. Aujourd’hui, la société japonaise propose un modèle plus petit, le Root ZX Mini, qui dispose des mêmes avantages (fig. 11). Le panneau de contrôle à cristaux liquides est large et très lisible. Avec plusieurs couleurs, il permet de distinguer très facilement la zone apicale et d’éviter les dépassements incontrôlés. Je recommande d’utiliser une électrode à fourche plutôt que la petite griffe proposée en standard qui s’accroche sur les limes. Cet accessoire encombrant n’est pas du tout pratique. Mieux vaut avoir les mains libres et faire la mesure seulement lorsqu’on a la sensation d’approcher de l’apex. L’électrode à fourche n’est utilisée qu’à ce moment-là. On touche la tige métallique de la lime et on lit sur le cadran si elle est arrivée au bout du canal. La forme de fourche permet également de déplacer le stop en caoutchouc le long de la lime jusqu’au repère occlusal (fig. 12). Une fois les mesures effectuées, on repose le fil avec son électrode, on mesure les longueurs à l’aide d’une réglette et on les reporte sur les autres instruments de la séquence.
Même si les ciments à base de résine comme l’AH Plus® (Dentsply) sont un must, je préfère pour des raisons pratiques, le Tubliseal™ EWT X-Press de SybronEndo, vendu sous forme de seringue à double compartiment (fig. 13). Il est à base d’eugénate, ce qui n’est pas trop gênant pourvu qu’on élimine totalement les excès avant de coller un tenon dans le canal. Bien que des embouts mélangeurs existent, je préfère le malaxage à la main sur un petit bloc pour moins de gaspillage. Ce ciment un peu épais facilite considérablement le ramollissement de la gutta condensée au compacteur thermomécanique, alors que la résine, très fluide, a tendance à la lubrifier et retarde sa fusée en direction apicale.
La condensation verticale de gutta chaude est la méthode la plus efficace pour obturer en masse le canal. L’une des techniques les plus simples, les plus économiques et qui nécessite le moins de matériel est la compaction thermomécanique. J’utilise pour cela les Gutta-Condensor (Maillefer) sur contre-angle à bague bleue. Contrairement à d’autres confrères, je ne me satisfais que des numéros 30 en 21 mm de long (fig. 14). Les 25 mm cassent facilement et les plus gros ne m’ont jamais convenu. Cette méthode est très rapide, fiable et presque sans danger si on la maîtrise bien. Malheureusement, cela n’est pas inné. Il faut passer par une initiation, si possible sous la conduite d’un mentor, car il n’est pas évident de découvrir tout seul la meilleure façon de faire. Le cône de gutta doit être bien calibré et le canal présenter une conicité élevée pour éviter les dépassements. Une lichette de ciment est déposée préférentiellement à l’aide d’une pointe de papier stérile sur les parois dentinaires. Ensuite, le cône de gutta est introduit jusqu’à la longueur de travail, puis comprimé verticalement avec un fouloir très fin. Les Finger Spreader NiTi de chez Maillefer sont à cet égard très pratiques (fig. 15). Il est préférable de prendre des pointes de conicité 4 ou 6 % pour éviter les dépassements, mais il faut que le condenseur puisse pénétrer entre la paroi canalaire et la gutta sur plusieurs millimètres. Le moteur est mis en action. Certains praticiens ne dépassent pas 10 000 ou 20 000 tr/min, d’autres le font tourner à fond. Ce qui se passe ensuite est affaire de magie : la gutta, ramollie par frottement, est brutalement propulsée par le condenseur partout dans le canal en l’espace de quelques secondes (fig. 16 et 17).
J’avoue ne pas connaître de système miracle pour les reprises de traitement. De la méthode, de l’astuce, une bonne approche, une bonne vision du canal, des connaissances en anatomie et pas mal de chance restent les éléments déterminants du succès.
Cependant, et parce que c’est un outil original, unique et particulièrement efficace, je tenais à vous parler du GPX®F (Gutta Percha Xtractor®) n° 30/21 mm de chez Komet (fig. 18). Cet instrument en NiTi très souple, qui s’installe sur un contre-angle à bague bleue ou verte, pénètre la gutta comme dans du beurre et l’élimine en un clin d’œil en petits brins pulvérulents. Utilisé avec discernement, il permet d’aborder les reprises de traitement en toute sérénité lorsque ce n’est pas qu’un ciment extrêmement dur qu’il y a dans le canal. À posséder systématiquement dans sa trousse d’endodontie !
* MV2 : deuxième canal mésio-vestibulaire des molaires supèrieures