PROVISOIRES
Autrefois, nous n’utilisions que la résine autopolymérisable pour nos couronnes provisoires. De nouveaux produits donnent aujourd’hui des résultats plus rapides avec un maximum de confort pour le praticien et ses patients.
Les résines bis-acryl en cartouche pour pistolet mélangeur ont révolutionné notre pratique. Il faut toutefois, pour les apprécier pleinement, modifier radicalement ses méthodes de travail. Ce matériau, extrêmement fluide au départ, peut difficilement être déposé sur la dent pour un modelage in situ. On l’utilise donc en technique d’automoulage. Cette méthode ne se conçoit que si la couronne de la dent à traiter existe déjà. Il faut donc faire le plus tôt possible une empreinte pour enregistrer sa forme. Certains utilisent un alginate pour cela. Outre sa manipulation plus ou moins confortable et peu hygiénique, l’inconvénient de l’alginate, c’est qu’il ne se conserve pas. Le silicone, lui, peut être réutilisé lors d’autres séances, par exemple après la pose d’un inlay-core, pour faire une seconde couronne provisoire. Inutile de choisir un produit haut de gamme : un simple putty soft par condensation suffit. Ce matériau est d’autant plus intéressant qu’en augmentant la quantité de catalyseur, on peut réduire le temps de prise à 2 minutes. Comme porte-empreinte, j’utilise les Kwik-Trays de chez Kerr, en aluminium, dont je rabats les ailettes sur le dessus pour limiter leur place en bouche (fig. 1).
Une fois la dent préparée, on introduit la résine dans le moule qu’on replace en bouche. Tous les fabricants proposent leur résine bis-acryl. Plusieurs teintes sont généralement disponibles, même si l’A3 reste le standard dans la plupart des cas. Selon la chimie des produits, il existe des résines en cartouche à deux compartiments symétriques et d’autres à compartiments de tailles différentes qui imposent l’utilisation d’un pistolet spécial. Outre cette contrainte, elles ont l’inconvénient de se mélanger un peu moins bien et de durcir d’une manière plus aléatoire, pour peu que le catalyseur qui se trouve dans le petit compartiment ne sorte pas à la même vitesse que la base. Certaines résines sont plus résistantes que d’autres. Toutes forment en surface un film gras d’inhibition de prise. Celle qui réunit le maximum de qualités à mes yeux – bonne résistance mécanique, esthétique réussie, compartiments symétriques et film gras presque inexistant – est la Phoenix du fabricant français Elsodent (fig. 2). Un peu plus ferme que d’autres à l’extrusion, elle nécessite une certaine poigne pour actionner le piston du pistolet, mais cette viscosité lui permet, si on le souhaite, d’être déposée directement sur les moignons dentaires pour réaliser en bouche une ébauche de couronne qui sera retravaillée ensuite à la fraise. Son temps de prise est d’environ 2 minutes. Si vous voulez éviter d’avoir du mal à retirer la provisoire à cause de la contraction de polymérisation, démoulez l’empreinte au bout de 1 minute seulement. La couronne restera dedans et vous n’aurez aucune difficulté à la remettre en place par la suite.
Si la manipulation de ces résines bis-acryl est très simple, elles présentent un inconvénient par rapport au méthacrylate de méthyle : elles sont trop dures pour une finition à la fraise à résine. On peut les usiner à la fraise diamantée, mais cela produit beaucoup de poussières. Si vous disposez d’une enceinte de meulage au fauteuil ou dans une autre pièce, n’hésitez pas à vous en servir. Pour dégrossir rapidement ce genre de matériau, prenez une fraise de laboratoire surtaillée conçue expressément pour lui. La H79GSQ 104.040 de chez Komet est parfaite pour cela (fig. 3). Le polissage s’effectuera ensuite à l’aide d’une série de meules abrasives pour finition des résines que l’on peut trouver chez n’importe quel fournisseur.
Lorsque la couronne de la dent a été complètement détruite, il n’est pas très simple d’utiliser la technique d’automoulage. 3M ESPE propose dans ce cas des couronnes provisoires préformées tout à fait extraordinaires. Contrairement aux moules Ion en polycarbonate, les Protemp™ Crown sont des sortes de coques molles en composite photopolymérisable disponibles en deux tailles pour molaires inférieures et supérieures, prémolaires et canines (fig. 4). Chacune d’elles est enfermée dans une petite boîte étanche à la lumière et protégée par une fine enveloppe de plastique souple. Le feston gingival se découpe avec de simples ciseaux, le matériau étant aussi mou que de la pâte d’amande. La forme est placée sur le moignon dentaire et on demande au patient de serrer les mâchoires. Il suffit ensuite d’exposer chaque face de la provisoire durant 10 secondes à la lumière de la lampe à polymériser pour faire durcir le matériau. Une finition à la meulette, une fois la prothèse retirée, permet d’affiner complètement sa morphologie. Pour plus de sécurité, j’applique un protocole légèrement différent : une fois la couronne essayée en bouche, je la retire précautionneusement pour ne pas la déformer et je la remplis de résine bis-acryl, puis je la replace rapidement sur la dent. Durant la prise du bis-acryl dans l’intrados, je photopolymérise l’extérieur. Une fois qu’elle est dure, je retire la prothèse provisoire et je la finis dans mon laboratoire. On obtient de cette façon une couronne parfaitement adaptée à la forme de la préparation périphérique, sans risque de la voir se desceller entre deux rendez-vous.
Si vous trouvez trop chères les Protemp™ Crown et que vous vous sentez une âme de sculpteur, vous pouvez opter pour le Revotek LC™ de chez GC. Ce composite en barre est assez ferme et peut se modeler sur les dents ou à l’intérieur d’une cavité pour former un inlay provisoire. Il est photopolymérisable lui aussi. Un produit qui n’est pas en vente chez nous peut également faire l’affaire d’autant plus qu’il est extrêmement bon marché : c’est le Triad® VLC de chez Dentsply (fig. 5). Disponible également en barre de teinte ivoire, il est très souple et assez facile à modeler. On s’en servira de la même manière mais attention, il n’est jamais très dur après la prise et doit être exposé longtemps sur toutes ses faces pour acquérir une rigidité suffisante.
Les ciments provisoires traditionnels, à base d’eugénate ou de leur substitut, présentent, à mon avis, un intérêt limité. Ils s’éliminent difficilement des préparations et de l’intrados des prothèses entre deux essayages. Je préfère de loin ceux à base de résine. Pour moi, le meilleur produit du marché est le Seal Temp S de la société Elsodent (fig. 6). La première version de ce matériau adhérait beaucoup trop fortement aux dents et aux composites de restauration qu’il pouvait fracturer lors du retrait des provisoires. La capacité d’adhésion du Seal Temp S est assez forte pour éviter les descellements inopinés mais elle autorise une dépose aisée sans mauvaise surprise. Quand on utilise ce produit, la qualité de la gencive autour des préparations est toujours impeccable. Elle ne saigne pas et permet, si l’on a dû différer la prise d’empreinte, de réaliser l’enregistrement dans des conditions optimales (fig. 7). Le Seal Temp S adhère faiblement à l’intrados des couronnes en résine et peut être légèrement gratté pour éviter la surocclusion lors d’un scellement ultérieur. D’aucuns ont constaté, avec ce type de ciment, des sensibilités importantes sur dents pulpées. Si l’on veut se mettre à l’abri de ce genre de déconvenue, il peut être préférable d’employer à la place un ciment polycarboxylate auquel on aura ajouté un tout petit peu de vaseline. Le polycarboxylate adhère bien à la dentine et forme une protection appréciable en cas de descellement accidentel, si la prothèse est vouée à rester en bouche plusieurs semaines. J’aime beaucoup le Carbociment de R & S (GACD) qui est une poudre que l’on mélange avec de l’eau (fig. 8). Le temps de prise n’est que de 2 minutes et les excès sont très faciles à retirer durant cette période où il conserve une certaine plasticité.