Clinic n° 06 du 01/06/2012

 

L’ENTRETIEN

Anne-Chantal de Divonne  

L’avenant n° 2 à la convention a été signé en avril par l’Assurance maladie et la CNSD1 et le 9 mai par les complémentaires de santé. Il reste l’accord du ministre pour qu’il soit applicable. En revanche, les complémentaires n’ont pas signé le protocole qui ne s’appliquera donc pas. Les présidents des deux syndicats qui ont participé aux négociations expliquent les raisons de leur choix.

Roland L’HERRON Président de la CNSD1

Pourquoi la CNSD a-t-elle signé l’avenant n° 2 ?

Parce que nous avons obtenu la régularisation de ce qui n’avait pas été appliqué dans la convention de 2006 et des avancées pour la profession. La consultation à 23 euros, une revalorisation dans les DOM2, même modeste, la visite de prévention de la femme enceinte, la revalorisation de l’examen de prévention, les aides à l’installation et au maintien dans les zones sous-dotées et la rémunération des astreintes représentent 40 millions d’euros apportés en plus par l’Assurance maladie, soit 57 millions supplémentaires par le jeu du ticket modérateur. Le second volet de l’avenant, concernant la mise en place de la CCAM3, a été plus difficile encore à obtenir.

L’Assurance maladie était très réticente mais nous avons finalement obtenu 40 autres millions pour la revalorisation des soins conservateurs dans le cadre de la mise en place de la CCAM. Ces mesures obtenues à force de ténacité nous ancrent aussi un peu plus au sein des professions médicales. On peut penser que ces 110 millions obtenus sont une goutte d’eau. Mais ces gouttes d’eau font les rivières ! Je n’ai jamais cru au « grand soir ». Trouver 1 milliard est impossible. Les petites marges de manœuvre permises par une progression de 2,5 % de l’ONDAM4 l’an prochain sont déjà bouclées. Nous avons aussi obtenu de compter 3 radiographies, au lieu de 1 jusqu’à présent, dans le cas d’un traitement d’endodontie. Je n’ai pas compté les 20 millions supplémentaires que représente cette mesure car, dans le même temps, la numérisation des radiographies est supprimée pour toutes les professions de santé. L’accord nous permet de récupérer l’enveloppe qui était allouée à la numérisation. Cet échange n’était pas gagné a priori !

Pourquoi avez-vous signé un protocole d’accord que l’UNOCAM5 ne signe pas ?

Dans ce protocole qui ne fait pas partie de l’avenant, nous avons donné notre accord pour discuter d’un moyen permettant un accès aux soins de prothèse plus grand pour les personnes qui bénéficient de l’ACS6. Nous avons montré notre bonne volonté mais nos conditions sont claires. Nous n’appliquerons un honoraire plafond que si les trois parties interviennent et si les mesures compensatoires de l’UNCAM7 et l’UNOCAM5 permettent un véritable accès à la prothèse. Il faudrait donc que les complémentaires s’engagent à augmenter considérablement leur remboursement pour ces contrats. Ce n’est pas fait. Leurs instances n’ont effectivement pas voulu s’inscrire dans ce schéma. Cela bouleverserait la multitude des contrats de leurs trois familles. Elles veulent se donner le temps de réfléchir.

Quel bilan tirez-vous de la présence des complémentaires pendant les négociations ?

Positif. Elles se sont montrées prêtes à discuter et ont signé l’avenant. Nous les y avons incitées. En refusant tout, elles risquaient de se décrédibiliser, surtout lors d’une première participation à une négociation.

Cet accord, intervenu quelques jours avant les élections présidentielles, sera-t-il appliqué ?

Le délai était trop court pour que Xavier Bertrand donne son accord avant son départ du ministère de la Santé. Mais on voit mal le nouveau ministre s’opposer à un accord signé à l’unanimité par les trois parties, dont les complémentaires. Ensuite, les stabilisateurs économiques imposent 6 mois d’attente avant l’application de tout accord conventionnel. Si l’UNOCAM n’avait pas signé, le délai aurait été repoussé à 1 an. Pour la CCAM, plusieurs étapes réglementaires sont encore nécessaires mais j’ai souhaité fixer une date, le 1er juillet 2013. Quand les mesures sont trop vagues, elles ne sont pas appliquées. Nous en avons fait l’expérience avec la convention de 2006.

Êtes-vous donc satisfait ?

Sur l’ensemble, nous n’avons rien perdu, nous sortons de cette négociation sans plafond en prothèse et en orthodontie, et nous avons gommé certains aspects de notre exercice qui nous ennuyaient. Reste un point que nous n’avons pas pu obtenir : réaliser une radiographie en même temps qu’une consultation en cas de premier examen sans urgence. L’Assurance maladie ne veut pas ouvrir cette boîte de Pandore pour toutes les professions médicales. L’accord ayant été signé, toutes les conditions d’une stabilité étant remplies, j’ai décidé de ne pas me représenter aux élections prochaines du mois de mai. Sinon, j’aurais continué à me battre ! L’assemblée générale a voté le texte à la majorité des deux tiers. J’estime que ce vote est très flatteur. J’ai repris la Confédération en très mauvais état. Aujourd’hui, elle est majoritaire, sereine et en ordre de marche, la CCAM va être mise en place. Pour moi, les conditions sont remplies pour laisser la place.

Jean-François CHABENAT Président de la FSDL8

Pourquoi n’avez-vous pas signé l’avenant n° 2 ?

Nous ne pouvons pas cautionner par notre signature des honoraires de soins conservateurs et chirurgicaux à des valeurs indécentes. Ni l’avenant ni le protocole ne résolvent ce problème.

« La FSDL défend les intérêts matériels et moraux des chirurgiens-dentistes d’exercice libéral. Elle ne cautionne pas, par sa signature, des honoraires qui ne correspondent pas à une juste rémunération des praticiens pour un exercice conforme aux données avérées de la science. » Dans la lignée de ce que nous avons toujours défendu, c’est ce qu’elle a écrit vendredi au directeur de l’UNCAM après avoir consulté le conseil d’administration de la FSDL qui s’est prononcé contre l’accord à l’unanimité.

Pourquoi avez-vous négocié jusqu’à la fin tout en sachant que l’Assurance maladie n’accep­terait pas les revalorisations demandées ?

Cela nous a permis de donner notre avis et de faire évoluer certains points même si nous pensons que l’accord n’est pas bon. Par exemple, Frédéric Van Roekeghem voulait soumettre l’aide à l’installation dans les zones sous-dotées à l’engagement à ce que les deux tiers de la patientèle proviennent de la zone en question. Finalement, c’est l’expression « exercice principal » qui a été retenue. Mais pour nous, la seule solution serait une vraie revalorisation des soins. On nous a dit qu’on ne ferait pas « le grand soir » de la dentisterie.

1. Confédération nationale des syndicats dentaires

2. Départements d’outre-mer

3. Classification commune des actes médicaux

4. Objectif national de dépenses d’Assurance maladie

5. Union nationale des organismes complémentaires d’Assurance maladie

6. Aide à la complémentaire santé

7. Union nationale des caisses d’Assurance maladie

8. Fédération des syndicats dentaires libéraux