Les sites consacrés à la santé sont de plus en plus nombreux, mais, dans quelle mesure répondent-ils aux besoins des malades ?
Le Web 2.0 définit un usage simplifié de l’internet, qui permet au plus grand nombre de produire et d’échanger du contenu. Depuis les premières expériences jusqu’à l’explosion des réseaux sociaux, son succès est à l’origine de réussites spectaculaires, à l’image de celle de Facebook. La santé n’échappe pas au phénomène, et l’on constate une profusion de sites, forums, blogs. Ces usages médicaux de l’internet ont leurs détracteurs, qui soulignent la faible qualité de l’information le plus souvent rencontrée, et leurs partisans, qui y voient le lieu où s’élabore de façon plus démocratique un autre savoir sur la maladie. De fait, s’il est un domaine où de tels outils pourraient montrer un intérêt, c’est celui de l’éducation thérapeutique. Son objectif est d’aider le patient et son entourage à comprendre sa maladie, à gérer ses traitements, à prendre en charge son état de santé, elle devrait donc tirer parti de l’aspect collaboratif et interactif du Web 2.0.
Des associations de malades avaient déjà créé des sites sur ce thème, mais depuis peu sont apparues des plateformes commerciales. Prenant les devants, elles proposent des espaces où les patients peuvent s’informer et échanger autour de leurs pathologies. Ces « Facebook » de la santé, comme Carenity ou Bepatient.fr, sont fondés sur le modèle économique des réseaux sociaux (1, 2). Les usagers y bénéficient d’un accès gratuit, mais consentent à céder les données qu’ils apportent. Le financement des sites est assuré par la vente de ces informations. Comme le rapporte CCM Benchmark, spécialiste du commerce électronique : « Carenity propose aux laboratoires pharmaceutiques et acteurs de la santé des études marketing et environnementales pour mieux comprendre les attentes et usages des patients. » Mais les fondateurs de Carenity ou de Bepatient.fr ambitionnent d’aller bien au-delà, pour devenir le support de certains aspects des programmes d’éducation thérapeutiques prévus dans le cadre de la loi HPST.
Si le développement de l’éducation thérapeutique est une nécessité, face au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques, la rigueur budgétaire actuelle rend problématique un financement public exclusif, et la participation des laboratoires devra donc être sollicitée. Le législateur a prévu un strict encadrement de ces pratiques, et ces contraintes ne sont pas étrangères au retard pris dans la mise en œuvre des projets. L’importance d’un tel marché suscite bien des convoitises, et si l’intérêt des malades est invoqué par tous, les exigences de transparence et d’indépendance sont difficiles à respecter. D’après un rapport de la Haute Autorité de santé (3), les associations de malades, souvent présentées comme des acteurs clés de la « démocratie médicale », reçoivent pour la plupart des subventions des laboratoires. Comme l’expose la revue Prescrire, il faudra la vigilance de tous et des praticiens au premier chef, pour que le patient constitue réellement le centre du processus de soin (4), et que le service rendu corresponde bien à ses besoins et à eux seuls.
S’il vivait à notre époque, Jules Romains nous décrirait un docteur Knock animateur d’un blog à succès déclarant : « la santé est un état précaire qui ne laisse rien présager de bon ».