Clinic n° 06 du 01/06/2012

 

PATRIMOINE

Me Laurent MAZAURIC  

Notaire

L’organisation patrimoniale débute par l’étape décisive et lourde de conséquences du choix du régime matrimonial et par la nécessaire protection du conjoint en cas de décès. Le PACS ayant déjà fait l’objet d’un article, nous traiterons donc ici que de la question des personnes mariées.

Organisation matrimoniale des époux de leur vivant ? vie privée

L’idéal communautaire

À défaut de contrat de mariage préalable à leur union, les époux sont soumis au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts. Tout bien acquis tombe dans la communauté même s’il est acquis par un seul des époux, sans la participation financière de l’autre, et sans que les époux puissent déroger à cette règle, sauf en cas d’investissement de biens personnels en raison de leur origine successorale. Cela traduit un souci d’équité vis-à-vis du conjoint qui ne pourrait s’enrichir faute de revenu. Par exemple, une entreprise créée ou acquise pendant le mariage est un acquêt, les fonds déposés sur un compte au nom d’un époux appartiennent à la communauté même si cet époux dispose seul du pouvoir de le faire fonctionner.

La disposition des biens communs (clientèle, parts sociales…) requiert le consentement des deux époux, ce qui peut nuire aux besoins d’indépendance d’un chef d’entreprise (sauf actes nécessaires à la profession séparée).

Vis-à-vis des tiers, chaque époux engage seul tous les biens communs, sauf s’il contracte un emprunt. Il n’engage alors que ses biens propres et ses revenus de sorte que la banque demandera l’intervention du conjoint pour que tous les biens des époux soient engagés.

La souplesse des régimes séparatistes

Les époux achètent en commun les biens qu’ils veulent, dans les proportions qu’ils décident en fonction de l’origine du financement. Ce régime peut devenir inéquitable pour celui qui n’a pas de revenu et ne peut prendre part aux investissements (le régime de la participation aux acquêts peut alors devenir intéressant).

Vis-à-vis des créanciers, sauf la solidarité des dettes ménagères, celui qui contracte n’engage que ses biens.

Protection du conjoint en cas de décès

La donation entre époux et son intérêt persistant

Trois sources d’intérêt méritent d’être soulignées.

Intérêts juridiques

Si la donation prévoit la transmission de l’universalité des biens et non seulement de la quotité disponible en présence de descendants, elle vaut legs universel.

Elle est librement révocable.

Elle peut et doit inclure une dispense de caution.

Elle exclut tacitement le droit de retour des frères et sœurs sur les biens de famille (mais ne peut, en revanche, exclure le droit de retour des pères et mères).

Elle permet au conjoint survivant de demander le partage sur un bien d’origine propre au conjoint prédécédé, grâce au quart en pleine propriété de la succession.

La donation entre époux évite la diminution des droits du conjoint en raison des règles d’imputation de l’article 758-6 du Code civil.

Intérêt économique

La donation entre époux offre le quart en pleine propriété du patrimoine successoral en plus de l’usufruit.

Intérêt fiscal

La donation entre époux permet d’équilibrer les parts entre le conjoint survivant et les enfants afin de mieux utiliser les abattements fiscaux.

Validité des donations consenties avant la nouvelle loi

Les donations consenties avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi restent valables.

– En présence d’enfants communs du couple exclusivement, la loi nouvelle réserve au conjoint survivant une option entre l’usufruit de la totalité des biens ou le quart en pleine propriété, de sorte que la donation entre époux reste adaptée.

– En présence d’enfants de lits différents, la loi ne réserve au conjoint survivant qu’un quart des biens en pleine propriété. Cette solution protège mal le conjoint survivant et déshérite en partie les enfants du premier lit. Elle ne se justifie que lorsque les enfants d’un conjoint âgé ont sensiblement le même âge que le deuxième conjoint très jeune.

Il est possible, par testament, de deshériter le conjoint survivant du quart en pleine propriété prévu par la loi et de l’accompagner d’un legs en usufruit avec dispense de caution.

Avantages matrimoniaux

Dans leur contrat de mariage ou au moyen d’un changement de régime matrimonial, deux époux peuvent décider d’augmenter la masse des biens communs, par apport à la communauté de certains biens propres, ou déroger au partage par moitié chacun grâce à la stipulation d’un préciput sur un ou plusieurs biens, ou en prévoyant un partage inégal de la communauté, ou une attribution inégalitaire ou intégrale ou avec option à la discrétion du conjoint survivant.

Ces avantages n’étant pas considérés comme des donations, ils ne sont pas réductibles pour atteinte à la réserve (sauf en présence d’enfants de premiers lits) et ne génèrent pas de droit de mutation par décès.

Le régime de la communauté universelle avec attribution intégrale assure la meilleure protection au conjoint survivant qui, propriétaire de tous les biens, peut en user, en jouir et en disposer sans l’accord des enfants. Le risque est de donner les pleins pouvoirs à une personne vieillissante. Ce régime permet de repousser au second décès le paiement des droits de succession mais augmente le montant des droits au second décès car il prive les enfants de l’utilisation des abattements du conjoint prémourant sauf clause d’options au profit du conjoint entre une attribution intégrale en pleine propriété et d’autres attributions en usufruit et ou en propriété en tout ou partie (par exemple : la totalité en usufruit, la moitié en usufruit et la moitié en pleine propriété) ou transmission anticipée aux enfants pour utiliser les abattements renouvelables désormais tous les 10 ans.

Sort des donations et avantages matrimoniaux en cas de divorce

Les donations de biens présents entre époux contractées après le 1er janvier 2005 sont irrévocables.

Les donations entre époux de biens à venir sont automatiquement révoquées en cas de divorce.

Les avantages matrimoniaux immédiats (par exemple : apport d’un bien propre à la communauté) sont irrévocables, sauf clause prévoyant que ces avantages ne jouent qu’en cas de dissolution par décès.

Les avantages matrimoniaux à venir (par exemple : clause d’exclusion de biens professionnels) sont révoqués de plein droit en cas de divorce, sauf clause conventionnelle d’irrévocabilité.

La suite logique de la gestion de son patrimoine privé est sa transmission. Nous examinerons donc, lors d’un prochain article, les donations et donations-partages.

ATTENTION !

Compte tenu d’un récent arrêt de la Cour de cassation, faites vérifier auprès de votre notaire l’éventuelle clause de condition de dissolution du mariage par décès.

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