ENDODONTIE
Malika KARAMI* Imane BENKIRAN** Amal ELOUAZZANI***
*Professeur assistant au Service d’odontologie conservatrice-endodontie.
**Professeur de l’enseignement supérieur
***Doyen de la faculté de médecine dentaire de Casablanca
Professeur de l’enseignement supérieur
Chef de service d’odontologie conservatrice.
Service d’odontologie conservatrice
Centre de consultations et de traitements dentaires
Faculté de médecine dentaire
Rue Vésale, BP 9157
Casablanca, Maroc
Lorsque la nécrose survient sur une dent immature, le tissu pulpaire résiduel n’est plus capable de poursuivre l’édification radiculaire. Le praticien est donc confronté à des problèmes de limite de préparation, d’assainissement canalaire et d’étanchéité de l’obturation par absence de barrière apicale.
Il doit alors avoir recours à l’apexification thérapeutique dont le but est d’induire la formation d’une barrière apicale par création d’un tissu minéralisé.
Depuis un quart de siècle, des changements radicaux ont eu lieu dans l’approche de la traumatologie dentaire. Les auteurs préconisent donc, chaque fois que possible, de conserver la vitalité pulpaire qui est primordiale pour les dents permanentes immatures. En effet, cela permet non seulement la fermeture physiologique de l’apex mais aussi le renforcement des parois radiculaires.
Certains traumatismes évoluent discrètement vers une atteinte pulpaire irréversible. En l’absence de traitement endodontique, des lésions périapicales peuvent se manifester et entraîner des pertes de la structure osseuse, cémentaire et dentinaire rendant toute obturation hermétique impossible.
Pour éviter certains inconvénients de l’apexification avec l’hydroxyde de calcium chez les adultes (longueur du traitement, fragilisation des parois radiculaires), différentes études ont proposé d’obturer les apex ouverts avec le MTA (mineral trioxide aggregate) qui est biocompatible et bactériostatique. Ce matériau induit également une néoformation du cément, de l’os et du ligament parodontal [1, 2].
Le cas clinique suivant montre la néoformation d’une barrière cémentaire au niveau apical de la 11 obtenue après obturation au ProRoot® MTA (Dentsply Maillefer).
En avril 2005, un patient est adressé au Service d’odontologie conservatrice-endodontie pour une fistule récidivante en regard de l’apex de la 11 traitée endodontiquement. À l’interrogatoire, le patient rapporte un antécédent de traumatisme pendant la petite enfance, une sensibilité au contact de la dent et une douleur au niveau vestibulaire.
L’examen clinique montre une dent dyschromiée, répondant négativement au test de sensibilité au froid, et un trajet fistuleux en vestibulaire est objectivé pendant le sondage parodontal (fig. 1).
L’examen radiographique montre une image apicale radioclaire et un apex ouvert. Le praticien traitant avait procédé à la mise en place d’hydroxyde de calcium dans le canal après sa désobturation partielle et l’apex laisse dépasser un cône de gutta (fig. 2).
Cependant, avant de prendre la radiographie cône dans la fistule, la consistance dure ressentie pendant la palpation du fond de vestibule a amené à pousser les investigations à la recherche d’un corps étranger à l’endroit de la fistule. En fait, il s’agissait de l’extrémité d’un cône extériorisé vers le vestibule. Il a donc été procédé à son retrait à l’aide d’une précelle (fig. 3 à 5).
Ainsi, le respect de la chronologie des moyens utilisés pour poser le diagnostic est impératif. En d’autres termes, si la radiographie (cône dans la fistule) avait été réalisée avant la palpation, on aurait risqué le refoulement du cône plus apicalement.
Il s’agit donc d’une lésion endoparodontale d’origine endodontique.
Dans une même séance, l’hydroxyde de calcium a été éliminé du canal et, après la préparation mécanique et chimique de celui-ci, un bouchon apical au MTA a été réalisé.
Vingt-quatre heures plus tard, le reste du canal a été obturé par condensation latérale de gutta-percha avant de fermer la cavité coronaire avec un ciment verre ionomère (fig. 6).
Après éclaircissement interne de la dent, une restauration coronaire définitive a été réalisée. Le patient a été soumis à des contrôles réguliers au cours desquels on a noté la disparition de la fistule et une régression progressive de la lésion périapicale. Lors d’un contrôle radiographique au bout de 2 ans, l’extrusion d’un incrément du MTA au-delà de l’apex a été constatée (fig. 7 à 9).
Au bout de 3 ans, la radiographie rétroalvéolaire montre une réparation de la région périapicale, une disparition du MTA qui dépassait ainsi que la formation d’une barrière cémentaire étanche en regard du MTA (fig. 10).
La radiographie rétroalvéolaire ainsi que le Cone Beam CT réalisés en janvier 2011 montrent la réalité de la néoformation d’une barrière étanche en regard de la dent concernée (fig. 11 et 12).
L’hydroxyde de calcium a été largement utilisé pour ses propriétés thérapeutiques éprouvées. Il s’est imposé comme un produit incontournable en endodontie en tant que médication temporaire. Il possède :
• une action anti-inflammatoire et antiseptique du fait de son caractère fortement alcalin, la libération progressive et prolongée dans le temps d’ions Ca++ et OH– contribuant à désinfecter la cavité pulpaire et le parodonte apical ainsi qu’à inhiber la dissolution osseuse ;
• une action anti-exsudative et une activité ostéo-inductrice qui stimulent les processus de réparation et de néoformation des tissus minéralisés. En effet, le phénomène d’édification apicale, malgré unenécrose pulpaire, semble être lié au potentiel ostéogénique de l’hydroxyde de calcium qui, grâce à son pH élevé, crée des conditions favorables à l’élaboration d’une matrice qui se minéralise et détermine la fermeture apicale [3].
Les auteurs de trois études [3-5] préconisaient l’utilisation de l’hydroxyde de calcium [Ca (OH)2] durant plusieurs mois (voire plusieurs années) jusqu’à l’obtention de la formation d’une barrière apicale naturelle. Ils avaient constaté cependant que le traitement était long et qu’une réaction inflammatoire des tissus parodontaux pouvait survenir en cas de dépassement important et répété du matériau. En outre, les risques de fracture radiculaire par fragilisation des parois n’étaient pas négligeables.
Une solution prometteuse de remplacement à l’apexification consiste à placer en une séance un bouchon apical de 3 à 4 mm de MTA afin d’obtenir une herméticité de cette partie de la racine et de prévenir toute extrusion de la gutta lors de l’obturation canalaire [4-9].
Le MTA, de par sa biocompatibilité et ses propriétés de scellement, provoque une inflammation apicale moindre que d’autres matériaux (super-EBA, amalgame et IRM) et prévient la contamination bactérienne. Il induit la fermeture apicale par un dépôt de cément à son contact, une apposition osseuse, une réattache desmodontale et une guérison complète des tissus périapicaux [1-3, 10-14].
Ainsi, Sarris et al. [5] ont évalué la fermeture apicale par le MTA sur des incisives permanentes immatures et après un suivi d’une année à des intervalles de 3 et 12 mois, ils ont constaté que le succès clinique était de 94,1 % et le succès radiographique de 76,5 % [5, 15-17].
L’inconvénient majeur de ce matériau réside dans sa manipulation délicate et son temps de prise assez long (environ 4 heures). Chogle et al. [18] ont rapporté que le MTA atteint 75 % de sa dureté au bout de 4 heures et 93 % au bout de 2 jours [3].
La question qui se pose est de savoir si ces matériaux (MTA et hydroxyde de calcium) sont concurrents ou complémentaires. Plusieurs études ont été menées dans ce sens.
Panzarini et al. [10] ont réalisé une analyse microscopique sur des singes en comparant l’hydroxyde de calcium et le MTA comme matériaux d’obturation de dents réimplantées. Les résultats ont révélé qu’il n’y a pas de différence significative dans la réparation périapicale obtenue avec les deux matériaux. Les mêmes résultats ont été rapportés chez l’homme [19].
De Leimburg et al. ont rapporté que le MTA était le matériau idéal pour promouvoir la formation de la barrière apicale. Ils ont constaté que le cément se forme autour de toute extrusion du MTA au-delà de la limite apicale [2, 13].
Felippe et al. ont montré que le MTA utilisé pour l’obturation a retro en chirurgie endodontique stimulait la multiplication des ostéoblastes et induisait la néoformation du cément grâce à sa propriété cémento-conductive. Ils ont également montré que l’utilisation de l’hydroxyde de calcium n’était pas nécessaire à la désinfection des dents immatures et contaminées [12, 20].
Selon Hayashi et al., le MTA est un matériau efficace pour promouvoir la régénération du tissu périapical même dans le cas de dents complètement infectées à apex ouverts [12]. Il a été constaté par ces mêmes auteurs que cette procédure pouvait être à l’origine de l’extrusion du MTA au-delà des limites apicales, induisant ainsi la formation d’une barrière loin des limites radiculaires. Ce constat a été fait à la suite d’une étude réalisée sur des prémolaires immatures de chiens. Deux groupes d’échantillons de dents contaminées ont été sélectionnés. Après nettoyage et assèchement des canaux, un groupe a été obturé directement au MTA et l’autre provisoirement à l’hydroxyde de calcium avant la mise en place du bouchon apical en MTA [12, 20]. Les résultats de cette étude ont révélé qu’au niveau de la plupart des dents du premier groupe, la barrière du MTA est restée à la limite du foramen apical (sans expulsion du matériau) alors qu’au niveau des dents du second groupe, la barrière calcifiée s’est déplacée au-delà de la jonction cémento-dentinaire [12, 20].
Enfin, Bernabé et al. ont évalué la réponse histologique des tissus périapicaux des dents obturées avec le MTA en constatant l’absence de micro-organismes au niveau de l’interface matériau/paroi dentinaire ainsi que la formation du néocément au niveau apical [21].
Ce cas clinique montre donc que le MTA est un matériau qui peut assurer à lui seul l’assainissement du canal et la régénération de la partie apicale par la formation de l’ensemble des tissus périapicaux. Cependant, il reste à élucider le mécanisme qui induit l’extrusion du MTA en dehors des limites apicales après un assainissement préalable du canal à l’hydroxyde de calcium.
L’hydroxyde de calcium et le MTA trouvent donc leurs indications dans le traitement des dents immatures infectées.
La capacité à permettre la formation de tissu minéralisé, et donc la fermeture des brèches endoparodontales, ainsi que la rapidité du traitement et la possibilité d’une reconstitution quasi immédiate font du MTA un matériau de choix en cas d’apexification. Cependant, les études in vivo chez l’homme à long terme s’avèrent indispensables pour déterminer la qualité et les constituants de la barrière calcifiée formée à son contact.
TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :
1 Les risques encourus lors de l’utilisation de l’hydroxyde de calcium sont :
• a. la fracture radiculaire ;
• b. la calcification canalaire ;
• c. la résorption radiculaire ;
• d. la fragilisation des parois dentinaires.
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