Clinic n° 04 du 01/04/2012

 

ESTHÉTIQUE

Bruno PELISSIER*   Camille BERTRAND**   Jean-Christophe CHAZEL***   François DURET****  


*Service OCE
UFR d’odontologie de Montpellier I
545, avenue du Professeur Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier cedex 5

La demande d’éclaircissement et/ou de blanchiment est de plus en plus importante. De nombreuses techniques peuvent être proposées aux patients (en ambulatoire, au cabinet et en salle d’attente). Avec la motivation du patient, les différentes dyschromies rencontrées, la couleur initiale des dents ainsi que la présence de soins restaurateurs et prothétiques sont des facteurs importants quant au futur traitement proposé. Le but de cet article est de présenter une technique ambulatoire avec des gouttières préchargées. Ce traitement est pratiqué facilement par les patients et donne de bons résultats

Un sourire composé de dents blanches est considéré dans de nombreux pays comme un élément de la beauté et une belle denture peut contribuer à une image positive. Les dyschromies dentaires sont très diverses et compromettent la teinte des dents ; avant de blanchir les dents d’un patient, il est nécessaire d’en connaître ou d’en rechercher la cause ainsi que l’effet des agents blanchissants. La cause de la coloration, la motivation du patient, la couleur de départ ainsi que la présence éventuelle de couronnes et/ou de restaurations (en composite) sont d’importants facteurs dans le choix du traitement. L’indication du traitement sera donc fonction de l’étiologie de la dyschromie et de l’environnement bucco-dentaire général. La consultation au cabinet dentaire est donc nécessaire et très importante [1-4].

Il est important, avant tout éclaircissement, d’aborder les diverses options possibles, de réaliser un examen dentaire général, de définir la couleur de départ (photographies et nuancier), de supprimer le tartre et de polir les dents. Il faut ensuite s’assurer qu’aucune obturation d’amalgame n’est présente dans la zone de traitement. Les couronnes céramiques et les matériaux composites ne réagissent pas au blanchiment et devront être remplacés après le traitement d’éclaircissement ; pour les matériaux composites, le peroxyde étant encore présent dans les tissus dentaires pendant au moins une semaine, cela influencera de manière négative l’adhérence de l’adhésif par une inhibition de la polymérisation. Le patient doit être averti du risque éventuel d’une hypersensibilité des dents (seul problème réversible rencontré pour le blanchiment ambulatoire). Il est évident que pendant le traitement le patient ne doit ni fumer, ni boire de café, de thé et de vin rouge [5-8].

Les techniques ambulatoires ont fait leurs preuves depuis plus de 20 ans et, dans la plupart des situations elles permettent d’éclaircir les dents avec des résultats très satisfaisants (fig. 1 et 2) [9-11]. Le processus de blanchiment est complexe mais peut essentiellement être décrit comme un processus chimique d’oxydation lent avec de très nombreuses étapes intermédiaires (fig. 3) ; les liaisons organiques sont oxydées, entraînant des modifications de couleur.

Le peroxyde de carbamide se dissocie en présence d’eau en environ un tiers de peroxyde d’hydrogène et deux tiers d’urée (fig. 4). Pour le blanchiment au moyen d’un gel à 10 % de peroxyde de carbamide dans une gouttière individuelle avec réservoirs labiaux, le gel de blanchiment est actif pendant environ 8 heures. Au cours de cette période, la quantité de gel de blanchiment actif diminue progressivement. Le peroxyde d’hydrogène est un oxydant qui, dans un environnement basique (comme dans la bouche avec le peroxyde d’urée), se transforme en radicaux d’hydrogène libres, en perhydroxyle et en eau. Du fait des radicaux de l’hydrogène et du perhydroxyle, de nombreuses liaisons organiques à double ancrage seront « attaquées » et fracturées. La liaison originale est donc décomposée en deux ou plusieurs plus petites molécules qui donneront une moindre coloration. Pour libérer autant d’oxygène que possible, une préparation de peroxyde d’hydrogène basique est nécessaire. Le pH optimal est situé entre 9,5 et 10,8. Plus le degré d’acidité se rapproche de ces valeurs, plus le processus de blanchiment sera efficace. Plus le degré d’acidité en est éloigné, avec un degré d’acidité réduit, plus le produit sera stable. L’action d’une préparation relativement acide est toutefois beaucoup moins efficace. Du fait de la transformation du carbamide (= urée), entre autres en ammoniac, le pH va grimper et le gel de peroxyde deviendra plus actif.

La méthode de blanchiment la plus souvent appliquée est le blanchiment à domicile ou en ambulatoire. Lors d’une deuxième visite, le patient reçoit des gouttières individuelles souples qu’il emporte chez lui, avec une série de doses de gel blanchissant. Ces gouttières sont thermoformées à partir de ses empreintes réalisées lors de la première visite puis elles sont coulées en plâtre en forme de fer à cheval. Cette forme est importante car cela permet une meilleure aspiration lors de la confection des gouttières thermoformées.

Les avantages de cette méthode sont constitués par :

• des séances courtes au fauteuil du chirurgien-dentiste (empreintes, remise des gouttières et photos, visites de contrôle) ;

• une facilité d’utilisation ;

• une procédure de blanchiment progressive qui permet constamment d’évaluer le résultat lors des visites de contrôle.

Dans le cas du blanchiment ambulatoire traditionnel à domicile, on utilise généralement du peroxyde de carbamide car il diffuse lentement un pourcentage inférieur de peroxyde (fig. 4). Ce produit contient en effet un retardateur de diffusion, le Carbopol, et, à une concentration donnée, il contient un tiers de peroxyde d’hydrogène. Le gel est appliqué au moyen d’une gouttière individuelle souple qui, de préférence, ne touche pas la gencive afin d’éviter son irritation. Pour les gels à base de peroxyde de carbamide à des concentrations allant de 10 à 15 %, un port nocturne pendant 2 à 3 semaines est conseillé tandis que pour ceux à des concentrations allant de 16 à 22 %, c’est un port diurne de 30 minutes à 1 heure pendant 10 jours qui est recommandé. Les gels à base de peroxyde d’hydrogène à des concentrations allant de 3 à 7,5 % et même plus doivent être portés le jour avec des durées plus courtes car ils se décomposent plus rapidement que les autres [12].

Principe et protocole d’utilisation des gouttières préchargées

Dans le cas du blanchiment ambulatoire traditionnel, on utilise généralement un gel appliqué au moyen d’une gouttière individuelle réalisée après une prise d’empreinte. Les gouttières thermoformées sont réalisées après la confection de réservoirs sur la face vestibulaire des dents à éclaircir sur des modèles en plâtre (en forme de fer à cheval) soit par le chirurgien-dentiste lui-même, soit par le prothésiste. Cela entraîne un certain coût et un rendez-vous supplémentaire.

Un produit innovant, le Trèswhite® d’Ultradent [13], est la première gouttière prémoulée, remplie et jetable. Il existe une gouttière pour le haut et une autre pour le bas. Elles sont différentes des gouttières thermoformées traditionnelles car elles sont de taille unique (fig. 5 à 7) et sont remises immédiatement au patient sans prise d’empreinte après, bien sûr, lui avoir fourni toutes les informations nécessaires. C’est rapide et simple, donc il y a gain de temps et d’argent. Cette technique doit être proposée aux patients en complément d’un éclaircissement au fauteuil ou pour des indications de dyschromies classiques uniformes. La gouttière interne souple contient de 10 à 15 % de peroxyde d’hydrogène en gel aux différents parfums (fig. 8) ainsi qu’une barrière de gel protectrice sur les côtés et une formulation PF (nitrate de potassium et fluorure) qui renforce l’émail, prévient la carie et diminue les sensibilités. Ces concentrations sont acceptées actuellement car les produits utilisés ont le statut de dispositif médical et ne sont pas considérés comme des produits cosmétiques. Il est vrai que depuis le 20 septembre 2011, la Commission européenne a adopté un amendement à la directive européenne 76/768/CEE relative aux produits cosmétiques concernant la concentration en peroxyde d’hydrogène dans les produits de blanchiment des dents. Cet amendement dit qu’un produit de blanchiment dentaire cosmétique contenant plus de 6 % de peroxyde d’hydrogène ne pourra donc plus être mis sur le marché. Cela prête à confusion entre les produits cosmétiques et les dispositifs médicaux qui, eux, peuvent être plus concentrés. Le gel utilisé dans ces gouttières préformées, par sa consistance, reste en contact avec les dents (plus de 20 % d’eau, donc pas de déshydratation). Le kit de blanchiment se présente sous la forme d’une boîte contenant 10 jours de traitement. Des résultats corrects, rapides et efficaces sont facilement obtenus en 5 à 10 jours, tels des gains de 5 teintes en moyenne de luminosité.

Le protocole clinique est très simple (fig. 5 à 7). Une visite de contrôle et un détartrage avant tout éclaircissement sont nécessaires ; cela montre bien que tout traitement de blanchiment doit être sous le contrôle du chirurgien-dentiste et non réalisé dans des « bars à sourire » incompétents en dentisterie. Il existe une gouttière préchargée pour le maxillaire (« U ») et une gouttière préchargée pour le bas (« L ») (fig. 5). Pour sa conservation, le produit doit être réfrigéré. Avant son utilisation, il faut le laisser se réchauffer à la température ambiante, cela facilitera l’adhésion du porte-empreinte aux dents.

Ensuite, il faut retirer la gouttière de son étui, la centrer sur l’arcade dentaire, aspirer doucement, enlever le porte-empreinte externe et, enfin, tapoter légèrement sur la gouttière préchargée pour avoir une bonne application ; le port conseillé est de 30 à 60 minutes par jour pour les gels à 10 % et de 15 à 20 minutes pour ceux à 15 %. Après, il faut enlever la gouttière préchargée et simplement nettoyer les dents. Il faut également préciser la nécessité d’un brossage dentaire juste avant chaque séance.

Comme le système Trèswhite® est fondé sur l’utilisation de gouttières de taille unique, prémoulées, remplies et jetables, il peut exister quelques inconvénients qui disparaissent après le port de la gouttière :

• la taille unique peut engendrer des positionnements pouvant créer certaines sensibilités. Mais c’est rare car la gouttière ne sert que pour la mise en place du film d’éclaircissement ;

• certaines sensibilités en fonction de la concentration du gel, non liées à cette technique, peuvent apparaître comme dans tous les traitements d’éclaircissement. Dans le gel, du nitrate de potassium et des fluorures sont présents : ils permettent de diminuer les éventuelles sensibilités. Si celles-ci persistent, un port alterné est conseillé ;

• d’autres sensibilités (au niveau de la gencive) peuvent aussi être présentes ; cela est dû en partie au positionnement de la gouttière et, surtout, à des tapotements trop importants pour ajuster cette dernière qui ont chassé le gel vers la gencive.

Cas clinique n° 1

À la demande d’un patient de 25 ans, qui trouve ses canines trop foncées, un éclaircissement ambulatoire est effectué. Après avoir informé ce patient, le système Trèswhite® d’Ultradent à 15 % est proposé. La teinte relevée au début du traitement était A2 sur le nuancier Vita® pour les incisives et A4 pour les canines ; après 10 jours de traitement, on constate une nette amélioration. Les teintes B1 pour les incisives, soit une évolution de 4 sur le nuancier Vita®, et A2 pour les canines, soit une évolution de 10 sur le même nuancier, sont notées (fig. 9 à 15). Le patient a porté les gouttières préchargées haut et bas ensemble, pendant 15 minutes chaque jour selon les indications du fabricant. À la fin du traitement, le résultat lui a donné entière satisfaction.

Cas clinique n° 2

Malgré la teinte claire de ses dents, une patiente âgée de 23 ans désire un éclaircissement ambulatoire. La teinte relevée au début du traitement était A2 pour les incisives et A3 pour les canines sur le nuancier Vita®, ce qui est effectivement clair. La subjectivité de la perception des dents jaunes est ici évidente ! Après avoir informé cette patiente, le système Trèswhite® à 15 % est proposé et, au bout de 10 jours de traitement, on constate une amélioration. La teinte A1 est notée pour les incisives, soit une évolution de 3 sur le nuancier Vita®, et la teinte B2 pour les canines, soit une évolution de 6 sur le nuancier Vita® (fig. 16 à 22). La patiente a porté les gouttières préchargées haut et bas ensemble, pendant 20 minutes chaque jour. À la fin du traitement, la luminosité des dents a été améliorée et le résultat a donné entière satisfaction à la patiente qui, même, recommande ce type de traitement car il est simple d’utilisation. Le seul inconvénient qu’elle a noté a été une sensibilité (indiquée par la société Ultradent) sur la gencive qui disparaissait complètement à la dépose des gouttières.

Cas clinique n° 3

Un patient âgé de 28 ans désire un éclaircissement ambulatoire. Après l’avoir informé, le système Trèswhite® d’Ultradent à 15 % est proposé. La teinte relevée au début du traitement était A2 pour les incisives et A3,5 pour les canines sur le nuancier Vita®. Après 10 jours de traitement, on constate une belle amélioration. Pour les incisives, la teinte A1 est notée, soit une évolution de 3 sur le nuancier Vita® ; pour les canines, le résultat est plus spectaculaire puisqu’on note la teinte A2, soit une évolution de 7 sur le nuancier Vita® (

fig. 23 à 27). Le patient a porté les gouttières préchargées haut et bas ensemble, pendant 20 minutes chaque jour. À la fin du traitement, le résultat lui a donné entière satisfaction.

Conclusion

En raison des attentes esthétiques des patients, le blanchiment des dents s’est fortement répandu depuis 20 ans. Le fait d’avoir de belles dents blanches est actuellement non seulement un critère social important mais aussi un critère de bien-être et de bonne santé. Il existe différentes méthodes de blanchiment [2, 4, 9, 11]. Le blanchiment ambulatoire traditionnel par le port de gouttières est la technique la plus simple et la plus durable car le produit reste le plus longtemps au contact des dents. Parmi les techniques ambulatoires d’éclaircissement, un produit innovant, le Trèswhite® d’Ultradent, première gouttière prémoulée, remplie et jetable, permet d’obtenir des résultats intéressants à moyen terme. Le protocole clinique est simple et de nombreux cas cliniques ont été traités ; ce traitement, toujours sous le contrôle du praticien, devrait être plus abordable financièrement pour un plus grand nombre de patients et semble trouver sa place dans l’arsenal thérapeutique des blanchiments ambulatoires des dents vitales.

Bibliographie

  • [1] Attin T, Wiegand A, Schmidlin P. Questions-réponses sur le traitement d’éclaircissement des dents. Rev Mens Suisse Odontostomatol 2008 ; 118 : 988-992.
  • [2] Dietschi D, Krejci I. Traitements chimiques des dyschromies dentaires. Real Clin 1999 ; 10 : 7-24.
  • [3] Goldstein RE, Garber DA. Complete dental bleaching. Chicago : Quintessence, 1995.
  • [4] Miara A, Miara P. Traitement des dyschromies en odontologie. Rueil-Malmaison : CdP, 2006.
  • [5] Attin T, Paqué F, Ajam F, Lennon AM. Review of the current status of tooth whitening with the walking bleach technique. Int Endod J 2003 ; 36 : 313-329.
  • [6] Feinman RA, Goldstein RE, Garber DA. Bleaching teeth. Chicago : Quintessence, 1987.
  • [7] Fisher NL, Radford JR. Internal bleaching of discoloured teeth. Dent Update 1990 ; 17 : 110-114.
  • [8] Haywood VB, Heymann HO. Nigthguard vital bleaching. Quintessence Int 1990 ; 20 : 801-806.
  • [9] Louis JJ, de Tessières C, Camus JP. Les techniques d’éclaircissement dentaires. Clinic 1998 ; 19 : 77-92.
  • [10] Louis JJ, Bonnet E. Techniques d’éclaircissement dentaire et projet esthétique. Real Clin 2003 ; 14 : 393-407.
  • [11] Touati B, Miara P, Nathanson D. Treatment of tooth discoloration in esthetic dentistry and ceramic restorations. Londres : Martin Dunitz, 1999 : 81-116.
  • [12] Zyman P. Éclaircissement dentaire par technique ambulatoire. In : Les dix points clés sur les dyschromies dentaires. Paris : Éditions L’Européene d’Éditions, 2010 : 33-38.
  • [13] Apap M, Pélissier B, Bertrand C, Bonnet E. Évaluation clinique d’un nouveau procédé d’éclaircissement dentaire ambulatoire : l’Opalescence® Tréswhite® Supreme. Clinic 2012 ; 33 : 23-33.

ÉVALUEZ-VOUS !

TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :

1 Le système Opalescence® Trèswhite® est une méthode d’éclaircissement :

• a. ambulatoire sans contrôle professionnel ;

• b. ambulatoire avec contrôle professionnel ;

• c. au fauteuil avec contrôle professionnel ;

• d. identiques pour le maxillaire et la mandibule.

2 Les gouttières sont :

• a. de taille unique ;

• b. préfabriquées ;

• c. réutilisables ;

• d. identiques pour le maxillaire et la mandibule.

3 Les gouttières sont :

• a. conservées à la température ambiante ;

• b. conservées au frigidaire ;

• c. remplies de perborate de sodium pour lutter contre les sensibilités ;

• d. remplies d’un gel de peroxyde de carbamide à 10 ou 15 % ;

4 L’éclaircissement des dents vitales :

• a. entraîne toujours des sensibilités ;

• b. peut entraîner des sensibilités ;

• c. est un acte anodin et peut être sans contrôle professionnel ;

• d. nécessite réellement une consultation préalable chez un chirurgien-dentiste et doit être sous contrôle professionnel.

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