ENDODONTIE
Chirurgien-dentiste
Exercice limité à l’endodontie
2, rue de l’Humilité 69003
LYON
Nous avons vu, dans le numéro de mars de Clinic, la présentation générale des dens in dente et la stratégie clinique à leur appliquer en fonction de leur typologie. Cette seconde partie présente 2 cas cliniques de type III avec leur traitement, 3 cas de type I, 1 cas de type III, dit « dent à talon » ou « dent fusionnée », et enfin 2 cas « impossibles ».
Il s’agit d’une jeune fille de 15 ans en bonne santé générale, adressée pour traitement de la 22 qui est laissée ouverte depuis 3 mois aux dires de la patiente, chaque tentative de fermeture se traduisant par un abcès et des douleurs insupportables dans les heures qui suivent.
L’examen clinique donne des palpations vestibulaire et palatine positives, des percussions axiale et transversale positives, un sondage parodontal normal et une mobilité physiologique. Le test au froid est négatif.
L’examen radiographique montre une dens in dente de type III avec une parodontite apicale importante et un fragment d’instrument endodontique qui a été fracturé lors d’une tentative précédente de traitement (fig. 1).
Un examen complémentaire cone beam CT est demandé.
Le traitement envisagé est un traitement endodontique classique par voie orthograde.
La première séance de soins va se dérouler de la même façon que précédemment. L’éviction du fragment d’instrument fracturé est réalisée par contournement ou « by pass » (fig. 2), et par obturation canalaire temporaire à l’hydroxyde de calcium une fois la mise en forme réalisée, puis par un pansement occlusal à l’IRM® (Dentsply Caulk) (fig. 3 à 5).
À la seconde séance, l’obturation définitive par thermocompactage de gutta-percha (fig. 6) est réalisée de la même façon que décrite précédemment. Les contrôles radiographiques successifs à 5 mois (fig. 7), 11 mois (fig. 8), 17 mois (fig. 9) et 24 mois (fig. 10) montrent une excellente cicatrisation osseuse et son maintien dans le temps.
Une jeune fille de 16 ans en bonne santé générale nous est adressée pour traitement de la 22. Elle est sous antibiothérapie depuis 8 jours pour un épisode infectieux. L’examen clinique et les différents tests sont conduits de la même façon que pour les précédents cas et montrent une nécrose pulpaire de l’incisive latérale maxillaire.
L’examen radiographique met en évidence une dens in dente de type III nécrosée en catégorie IV de Beaume avec complication apicale de taille importante et un apex apparemment immature (fig. 11). La complexité très importante du système canalaire indique un examen complémentaire cone beam CT pour définir parfaitement la faisabilité du traitement canalaire.
La première séance de soins se déroule selon le même protocole immuable : anesthésie de confort, pose de la digue, ouverture de la dent sous microscope opératoire, recherche des entrées canalaires (fig. 12 et 13), élimination des murs amélaires et dentinaires avec les différents inserts ultrasonores et suivi simultané sur l’écran informatique avec l’examen cone beam CT. Au bout d’1 heure environ, le nettoyage semble correct et le système vide, ne laissant que les parois (fig. 14). Cette première séance se termine par l’obturation à l’hydroxyde de calcium à l’aide d’un bourre-pâte et d’un IRM® occlusal (fig. 15).
À la deuxième séance, après une anesthésie et la pose de la digue, il est procédé à la dépose de l’IRM®, au rinçage de l’hydroxyde de calcium à l’hypochlorite et à l’EDTA, à l’essayage du Root Messing Gun® (cf. à retenir), à l’assèchement, à l’obturation par vagues successives de l’apex ouvert au ProRoot® MTA (Dentsply) (fig. 16) sur une longueur de trois millimètres. Puis, après la mise en place d’une boulette de coton imbibée d’eau, l’obturation occlusale au Cavit® rose (3M ESPE) est effectuée.
La troisième séance comporte : anesthésie locale, pose de la digue, dépose du Cavit®, rinçage à l’hypochlorite de sodium et contrôle de la dureté du MTA® ; rinçage à l’EDTA puis avec de l’hypochlorite de sodium, assèchement aux pointes de papier stériles et remontée du restant de l’espace canalaire par thermocompactage de gutta chaude (fig. 17) avant l’obturation occlusale à l’IRM®. Un rendez-vous de contrôle est fixé à échéance de 6 mois.
Un jeune patient référé de 22 ans en bonne santé générale se plaint de douleurs diffuses et continues depuis 1 semaine ; il est sous antibiotiques (amoxicilline + acide clavulanique) depuis 4 jours. Les tests cliniques sont conduits de la même façon et l’examen radiographique montre une dens in dente de type I, nécrosée avec parodontite apicale de grande taille (fig. 18). Il n’est pas demandé d’examen complémentaire cone beam CT.
La première séance est classique. Elle vise la suppression mécanique des projections amélaires* et dentinaires à l’aide d’ultrasons divers et variés, irrigation abondante, détermination de la longueur opératoire (fig. 19), protocole d’irrigation final (EDTA, puis hypochlorite de sodium), assèchement, obturation canalaire avec de l’hydroxyde de calcium (fig. 20), obturation occlusale avec de l’IRM®, le tout sous microscope opératoire, il va sans dire.
La seconde séance également très classique consiste en l’élimination de Ca(OH)2 à l’aide d’hypochlorite et de limes manuelles, protocole d’irrigation final (EDTA, puis hypochlorite de sodium), assèchement, obturation canalaire par thermocompactage de gutta chaude (fig. 21) et obturation occlusale à l’IRM®.
Le contrôle radiographique à 7 mois montre une excellente cicatrisation osseuse (fig. 22).
Cas clinique n° 4. « Dens in dente » de type I avec apex immature
Ce patient référé de 27 ans, en bonne santé générale, se plaint de douleurs irradiantes et intermittentes depuis 3 mois. Les tests cliniques sont conduits de la même façon et l’examen radiographique montre une dens in dente de type I, à pulpe nécrosée en catégorie IV de Beaume avec un apex largement ouvert en tromblon de stade 8 de Nolla, avec parodontite apicale de volume importante (fig. 23). Comme précédemment, il n’est pas demandé d’examen complémentaire cone beam CT.
La première séance est classique et va entièrement se dérouler sous microscope opératoire. L’élimination des projections amélaires et dentinaires est conduite à l’aide d’ultrasons (fig. 24), suivie de la mise en forme canalaire (fig. 25), assèchement, obturation canalaire avec de l’hydroxyde de calcium (fig. 26).
La deuxième séance est consacrée à l’obturation apicale par apports successifs de ProRoot® MTA à l’aide du Root Messing Gun® (fig. 27), boulette de coton humide et obturation occlusale au Cavit®.
La troisième séance vise à l’obturation canalaire par thermocompactage de gutta chaude (fig. 28) avant l’obturation occlusale à l’IRM®.
Un rendez-vous de contrôle est fixé à échéance de 6 mois, rendez-vous que le patient n’honorera pas.
Un jeune enfant de 9 ans nous est adressé par son praticien pour le traitement de la 12. Celle-ci a présenté, 2 semaines auparavant, une cellulite nécessitant la prise d’antibiotique (amoxicilline). Le praticien a commencé à ouvrir la dent mais s’est arrêté, ne comprenant pas son anatomie.
L’examen clinique montre des palpations vestibulaire et palatine négatives, les percussions axiale et transversale sont positives et le sondage parodontal montre une éruption passive altérée tout à fait normale pour un enfant de cet âge. La mobilité est physiologique. Le test au froid est négatif. L’examen radiographique montre une dens in dente de type I avec un apex largement ouvert en tromblon de stade 8 de Nolla, sans parodontite apicale associée (fig. 29). Comme précédemment, il n’est pas demandé d’examen complémentaire cone beam CT.
La première séance est classiquement menée : sous microscope opératoire, anesthésie locale, pose de la digue, réaménagement de la cavité d’accès, élimination aux ultrasons des projections amélaires et dentinaires… Quand soudain une trace de sang apparaît dans le champ de vision (fig. 30) ! Cette apparition entraîne une modification de stratégie : on ne cherche plus à réaliser une apexification mais une apexogenèse. Un rinçage abondant à l’hypochlorite de sodium, suivi d’un rinçage à l’EDTA pendant 2 minutes, puis d’un dernier rinçage à l’hypochlorite de sodium va permettre de nettoyer le mieux possible les débris organiques et minéraux. L’assèchement se fait avec des pointes de papier stériles coarse tenues à l’envers. Des apports successifs de ProRoot® MTA sont réalisés à l’aide du Root Messing Gun® directement au contact pulpaire (fig. 31), une boulette de coton humide est posée au contact du matériau et une obturation occlusale temporaire au Cavit® est mise en place.
Le premier contrôle radiographique a lieu au bout de 3 mois (fig. 32). On aperçoit un pont dentinaire qui se forme après la zone de nécrose au contact du matériau. L’examen clinique est parfaitement normal.
Le deuxième contrôle a lieu à 6 mois postopératoires (fig. 33). Le pont dentinaire est maintenant bien établi, les parois radiculaires commencent leur convergence et la fermeture apicale se met en place.
Le troisième contrôle radiographique se déroule à 12 mois postopératoire (fig. 34). La racine semble avoir maintenant sa longueur définitive.
Le quatrième contrôle radiographique a lieu à 18 mois postopératoire (fig. 35). La racine possède sa taille définitive. Les parois radiculaires s’épaississent.
Le cinquième contrôle est à 23 mois postopératoire (fig. 36). Les parois continuent de s’épaissir. Le prochain rendez-vous est fixé à échéance de 6 mois.
Une enfant de 9 ans, en bonne santé, nous est adressée pour le traitement de la 22. Celle-ci est douloureuse depuis 3 mois de façon continue et très localisée. Elle a fait un abcès vestibulaire qui a été traité par antibiotiques (amoxicilline + acide clavulanique). Le test au froid semble positif selon les écrits du confrère qui en perd son latin.
L’examen clinique donne des palpations vestibulaire et palatine normales, une percussion axiale positive et une percussion transversale négative. Le sondage et la mobilité sont normaux. Le cingulum est remplacé par une pointe cuspidienne encastrée dans la face palatine (fig. 37). On note sur cette pointe un petit pertuis ressemblant à celui que l’on trouve sur les dens in dente (fig. 38). Le test au froid est positif.
L’examen radiographique (fig. 39 et 40) montre une projection amélaire sur la couronne clinique, une lésion apicale en regard de cette formation radiculaire et une racine principale mature. L’examen complémentaire cone beam CT n’a pas été demandé car il n’existait pas à l’époque !
Le traitement endodontique va se dérouler en plusieurs étapes, toutes sous microscope opératoire, digue et anesthésie de confort. Avant de réaliser l’anesthésie locale, la dent sera systématiquement testée au froid.
La cavité d’accès ne concernera que le sommet du talon, sans toucher la face linguale (fig. 41). La difficulté principale sera la détermination de la longueur de travail (fig. 42), le morceau de racine fusionnée étant très largement ouvert dans l’os et très court. Un nettoyage aux inserts ultrasonores et une irrigation à l’hypochlorite de sodium et à l’EDTA ont lieu comme d’habitude, suivis d’un remplissage à l’hydroxyde de calcium natif (fig. 43) et à l’IRM® occlusal (fig. 44).
Quatre séances identiques auront lieu pendant l’année, par impossibilité d’assèchement correct. Une fois celui-ci obtenu (fig. 45), l’obturation au ProRoot® MTA est réalisée (fig. 46). Le premier contôle radiographique à 6 mois montre une bonne cicatrisation osseuse de la lésion (fig. 47). La dent réagit toujours au froid.
Le deuxième contrôle à 12 mois (fig. 48) et le troisième à 18 mois (fig. 49) montrent l’excellente stabilité de la guérison osseuse. La dent répond toujours au test au froid !
Les dents fusionnées ressemblent étrangement à des dens in dente de type III. Le diagnostic de chacune des parties doit être fait distinctement. Le traitement se fera en fonction de ces diagnostics.
Un jeune garçon de 9 ans, en bonne santé, nous est adressé pour « voir ce qu’on peut faire ». L’enfant, accompagné de sa mère, est en possession d’un examen scanner.
L’examen clinique montre une dent extrêmement déformée, en éruption partielle (et pour cause !). Il n’y a aucune douleur. Il n’y a jamais eu d’abcès. La demande est esthétique. Les palpations et percussions sont normales, ainsi que le sondage et la mobilité. La réaction au test au froid est normale.
L’examen radiographique (fig. 50 et 51) ainsi que le scanner montrent une dent fusionnée avec une dens in dente de type II.
La complexité du système canalaire est telle que toute tentative de traitement endodontique est vouée à l’échec. En présence de signes de pathologie, la seule issue est l’extraction.
Une adolescente de 13 ans, en bonne santé, nous est adressée pour le traitement de la 22, douloureuse depuis 3 ans de façon intermittente et localisée. Plusieurs abcès palatins ont été traités par antibiotiques.
L’examen clinique montre une fistule palatine, des palpations et percussions négatives, un sondage et une mobilité normaux. Le test au froid est négatif.
L’examen radiographique montre une dens in dente de type III (fig. 52 et 53) en catégorie IV de Beaume avec complication apicale importante.
Avant d’envisager un traitement endodontique, il est demandé à l’orthodontiste s’il existe ou non une dysharmonie dentomaxillaire nécessitant une extraction. Sa réponse positive condamne cette dent à l’avulsion.
Comme nous venons de le voir à travers ces différents cas cliniques, le traitement des dens in dente doit être raisonné.
Il convient tout d’abord de réaliser le diagnostic radiographique de dens in dente et d’en déterminer le type. Cela conduira à demander ou non un examen cone beam CT complémentaire. Celui-ci est indispensable pour les dens in dente de type II, recommandé pour les types III et facultatif pour les types I.
Il faudra alors effectuer le diagnostic endodontique de la dens in dente : dent nécrosée ou non, complications apicales, apex matures ou non, dent partiellement nécrosée, résorptions internes. En fonction de ce diagnostic, on choisira la thérapeutique appropriée : traitement en une ou plusieurs séances avec élimination de l’« odontome interne », recherche des espaces canalaires, élimination des projections amélaires intracoronaires, pansement intermédiaire à l’hydroxyde de calcium, apexification au MTA®, tout en respectant les principes intangibles de l’endodontie (champ opératoire caoutchouté, préparation, irrigation très abondante des systèmes canalaires) qui permettront une obturation tridimensionnelle, étanche et stable dans le temps. Les aides optiques (microscope opératoire) sont indispensables à ces types de traitements.
« Le but final est de garder sur l’arcade la dent dépulpée dans un état sain et fonctionnel » [1], en sachant que parfois, la complexité anatomique est telle qu’elle empêche tout type de traitement et condamne la dent à l’extraction. De même chez les enfants présentant une dysharmonie dentomaxillaire, il semble logique d’extraire ces dents, même s’il est techniquement possible de les traiter.
Les moyens thérapeutiques modernes (microscope opératoire, ultrasons, cone beam CT) permettent maintenant de garder sur l’arcade, de façon prévisible, des dens in dente qui, il y a encore peu, était vouées à l’avulsion.
* images radiographiques de la couche d’émail que l’on voit à l’intérieur de la pulpe et qui pose de façon absolue le diagnostic de dens in dente
Le Root Messing Gun® (fig. 54) a été mis au point par le docteur Messing (endodontiste anglais) dans les années 1970.
• Le principe est celui d’un porte-amalgame, mais adapté aux canaux radiculaires : un corps de seringue sur lequel on visse un tube creux assez long (2 pouces = 5,04 cm) que l’on remplit du matériau choisi et d’un piston qui permet de délivrer ledit matériau dans la cavité à obturer.
• Réservé dans les années 1980 au remplissage des canaux avec de l’hydroxyde de calcium natif, l’arrivée du MTA à la fin des années 1990 l’a rendu incontournable pour sa manipulation.
• Des modifications indispensables ont eu lieu : le piston d’origine était une tresse de fils métalliques pour les embouts courbés. Le MTA a vite rendu ce dispositif obsolète (grippage et blocage définitif par la poudre de MTA). C’est la raison pour laquelle Produits Dentaires S.A. a développé les pistons en NiTi, ce qui leur permet de fonctionner avec une simple courbure de 90° environ.
• La chirurgie endodontique a vu l’évolution de ce Root Messing Gun® en MAPS : Micro Apical Placement System. Des micro-embouts avec une triple courbure, développés par Dr Bernd Ilgenstein et Produits Dentaires S.A., permettent l’obturation a retro avec du ProRoot® MTA (Dentsply) de la cavité rétrograde. Par contre, le piston en NiTi n’étant plus suffisamment flexible, il a été remplacé par des pistons en plastique (PEEK).
• Les développements plus récents de Produits Dentaires S.A. pour le MAP System sont les nouvelles têtes NiTi à mémoire de forme qui peuvent être pliées manuellement pour s’adapter à l’anatomie canalaire. L’aiguille reprend sa forme initiale après stérilisation dans l’autoclave.
• Évolution du produit : le système se présente actuellement avec 3 kits adaptés aux différents besoins des chirurgiens-dentistes, pour les obturations orthogrades et rétrogrades. Selon le fabricant Produits Dentaires S.A., le système va connaître prochainement une évolution technique significative.
• Les divers kits et pièces de rechange sont actuellement distribués par Dentsply France.
TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :
1 Le traitement des dens in dente de type II se fait :
• a. par élimination de l’odontome interne ;
• b. par contournement des canaux internes ;
• c. par reconstruction implantaire ;
• d. par sabre laser.
2 Le traitement endodontique des dens in dente n’implique pas la pose de la digue.
• a. Vrai.
• a. Faux.
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