Vous achetez votre local professionnel par le biais d’une société civile immobilière (SCI) ; vous pouvez la soumettre à deux régimes fiscaux distincts : impôt sur le revenu (IR) ou impôt sur les sociétés (IS). Les différences concernent tant l’imposition en cours de vie sociale que les plus-values à la sortie, et l’impact est loin d’être neutre. Pour opérer votre choix, il faudra bien définir vos objectifs au préalable. Réaliser la simulation chiffrée de votre stratégie fiscale pourra vous être également très utile. Enfin, nous évoquerons deux autres modalités de détention de votre local professionnel.
Qui est imposé et comment ?
Le choix du régime de l’impôt sur le revenu soumet les associés (et non la société elle-même) à l’imposition, au prorata des parts détenues par chacun d’eux dans la société, au régime des revenus fonciers, après déduction des intérêts d’emprunt, frais et charges.
Plus le taux marginal d’imposition à l’IR de l’associé est élevé, plus la taxation est lourde car les revenus tirés de la SCI sont en effet ajoutés aux autres revenus relevant de l’impôt sur le revenu.
Quelles sont les conséquences des mesures issues de la loi de finances pour 2012 ?
La loi de finances pour 2012 a instauré la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR). Le taux d’imposition au titre des revenus fonciers, pour les contribuables relevant de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu et étant assujettis à la CEHR, ressort à… 57,5 % ! Si l’on ajoute à cela le montant de la taxe foncière, les charges non récupérables sur le locataire et les assurances, le revenu net est sérieusement amputé !
La SCI est-elle intéressante avec une fiscalité à l’IR ?
Si l’immeuble est détenu directement par le contribuable, l’imposition sera exactement la même. Dans les deux cas, l’inconvénient se situe au niveau de la trésorerie disponible. En effet, les revenus imposables ne sont pas disponibles puisque si les intérêts d’emprunt sont déductibles, le capital, lui, ne l’est pas, et il faut bien le rembourser à la banque… En plus, vous devrez prélever sur votre patrimoine personnel les sommes nécessaires au paiement de l’impôt sur le revenu. Il sera alors judicieux de faire appel à votre conseil en gestion de patrimoine ou à votre notaire pour effectuer un investissement visant à gommer tout ou partie de cet impôt.
Cet impôt se calcule non plus chez les associés mais directement au niveau de la société elle-même. On déduit du loyer perçu l’amortissement des immeubles détenus (celui-ci étant variable selon la nature de l’immeuble), les frais et charges et les intérêts d’emprunt. Le taux de cet impôt est de 33,33 %, avec des taux réduits de 15 et 25 % selon les montants du chiffre d’affaires de la SCI.
Une fois l’IS payé, le résultat net peut être mis en réserves dans la société. Les sommes ainsi conservées par la société ne subissent aucune imposition complémentaire. Jusque-là, le contribuable n’a, à titre personnel, rien à payer.
Un second choix est offert (après décision de l’assemblée générale) : distribuer le résultat net sous forme de dividendes aux associés. Ces derniers seront alors imposés à l’impôt sur le revenu, sauf option pour le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) dont le taux vient d’être augmenté et qui subira dans les prochains jours, au titre de la loi de finances rectificative, encore une augmentation supplémentaire de 2 points.
Il y a exonération de plus-values de cession de l’immeuble au bout de 30 ans de détention de celui-ci (par suite des lois de finances rectificatives pour 2011), avec des abattements selon la durée de détention si la cession a lieu avant. Le taux d’imposition est de 32,5 % du montant de la plus-value taxable, prélèvements sociaux inclus.
Comment calcule-t-on la plus-value ?
La plus-value de cession de l’immeuble est calculée au niveau de la société. On tient compte du prix de vente, déduction faite des amortissements restant à pratiquer (exemple sommaire : le prix de vente est de 100 000 €, le prix d’acquisition était de 50 000 €. Le bien a été amorti sur 20 ans et la vente a lieu au bout de 10 ans ; 25 000 € ont donc été amortis. Il reste une valeur nette à l’actif de 25 000 €. La plus-value taxable ressort à 75 000 €).
On constate donc que plus le temps passe et plus la plus-value sera importante.
Elle sera taxée au taux de l’IS, soit actuellement 33,33 %, mais avec des tranches intermédiaires de 15 et 25 %.
Y a-t-il d’autres impôts à prévoir pour le contribuable ?
Avec l’IS, l’imposition ne s’arrête pas là, en effet, les sommes sont encore dans la société. Deux solutions ou hypothèses :
• soit la société conserve les sommes pour les réinvestir dans la société et l’associé n’aura aucune imposition complémentaire ;
• soit les sommes issues de la vente sont distribuées aux associés et cela engendre, comme on l’a vu plus haut, une taxation au titre des distributions de dividendes. L’addition finale risque donc, là aussi, d’être… salée !
Il existe d’autres solutions pour l’acquisition et la détention du patrimoine professionnel. Voici au moins deux pistes.
L’immeuble est acquis par la société (soumise à l’IR) ou par l’entrepreneur individuel et inscrit à l’actif du bilan. Tous les frais d’acquisition et de fonctionnement sont déductibles. Et, de surcroît, cela permet (encore, mais pour combien de temps ?) de bénéficier des exonérations (au bout de 15 ans) de plus-values, du moins sur la partie de plus-value à long terme (qui, de manière surprenante, n’a pas été touchée par les lois de finances rectificatives pour 2011).
Cela consiste à faire acheter le local professionnel, pour la nue-propriété, par une SCI (ou à titre personnel) et, pour l’usufruit, sur une période déterminée, par l’exploitant (votre cabinet par exemple). La répartition du prix de vente entre usufruit et nue-propriété est calculée, fiscalement, selon un barème établi par l’Administration (23 % pour une période de 10 ans), mais peut être conventionnellement fixée d’une manière économique, beaucoup plus avantageuse.
L’inconvénient de cette méthode est que la nue-propriété doit être autofinancée (puisqu’elle ne génère pas de revenus).
Mais l’avantage est qu’à l’extinction de l’usufruit, le bien revient dans le patrimoine de la SCI (ou personnel), sans formalité et, surtout, sans taxation d’aucune sorte, ouf… enfin !
Ce sont là autant de possibilités. Une étude de votre projet avec vos conseils habituels (notaire, conseil en gestion de patrimoine et expert-comptable) permettra un choix judicieux, selon les objectifs que vous poursuivez, sinon l’addition fiscale risque d’être lourde à la sortie si le projet a été mal défini au départ.