Clinic n° 03 du 01/03/2012

 

QU’EN DITES-VOUS ?

Le DPC est devenu une réalité depuis la publication des décrets d’application du 3 janvier dernier (lire page 21). Des responsables d’organismes de formation continue de la profession réagissent. Ils expriment leur regret de voir disparaître le CNFCO. Certains évoquent les pistes intéressantes qui sont ouvertes, mais aussi leurs craintes et interrogations.

DANS L’EXPECTATIVE

Oulhadj BENHADJ Directeur de la formation continue de l’UFR d’odontologie de Clermont-Ferrand

Je reste dans l’expectative car d’autres textes doivent suivre au mois d’avril. Or c’est souvent dans les détails que tout se joue. Cela dit, pour l’université, les éléments positifs sont le lien entre la formation et l’évaluation des pratiques ainsi que la validation des DU. Le système mis en place par le CNFCO* avait minoré de façon évidente les points donnés aux formations longues de type DU.

La notion de programme imposé nous inquiète un peu. Elle est d’ailleurs confuse. Il est dit qu’une commission scientifique indépendante (CSI) donne un avis et, en même temps, les programmes sont quand même édictés par le ministre qui suivra aussi les conseils de plusieurs comités… Y aura-t-il, comme dans le système de la formation continue conventionnelle, des thèmes imposés voulus par l’Assurance maladie pour des raisons économiques et qui revenaient chaque année ou bien les programmes seront-ils actualisés pour répondre à la demande du praticien ? Je souhaite que la formation continue reste ouverte, diverse et plurielle.

Je m’interroge aussi sur le financement. Les fonds seront-ils suffisants ? Comment dégager les milliards d’euros nécessaires pour former 1 200 000 professionnels médicaux et paramédicaux concernés par le DPC ?

UNE DÉMARCHE ANTIÉLITISTE

Dominique BRACHET Président de la CNSD* de la Vendée, président de l’URPS* des Pays de Loire, vice-président du CBP*

En tant que syndicaliste, je pense que l’on remplace un système, qui avec le CNFCO fonctionnait bien, par une usine à gaz avec une organisation très compliquée et unique pour toutes les professions de santé. De plus, les syndicats ont très peu voix au chapitre. Beaucoup de choses seront imposées à la profession et cela ne nous convient pas. Enfin, on ne sait pas ce que deviennent les finances de la formation continue conventionnelle.

Mais en tant que président d’URPS, le décret réalise un de mes souhaits qui est d’adapter la formation aux besoins régionaux. Ainsi, une ARS* pourra proposer des thèmes de formation qui, après validation par la commission scientifique indépendante, seront déclinés au travers d’accords avec les URPS*.

Enfin, en tant que vice-président du Collège des bonnes pratiques (CBP), je pense que l’analyse des pratiques est une bonne démarche. Il s’agit d’analyser sa pratique par rapport à un référentiel puis d’essayer de l’améliorer seul, en participant à des groupes de travail ou à des réunions de pairs, et en cherchant l’information qui permet de combler les manques. Cette démarche qui débouche sur la formation n’est que la reprise de concepts « qualité » déjà appliqués dans l’industrie et dans les hôpitaux. Son intérêt est de permettre à chacun de progresser quelque soit son niveau et d’essayer de faire évoluer la profession dans son ensemble. Cet aspect antiélitiste est intéressant, y compris pour un syndicaliste.

ON SE TROMPE DE CIBLE

Meyer FITOUSSI Président de la SOP*

L’élan très net que l’on a connu dans la profession pour la formation continue est retombé comme un soufflé ! Et aujourd’hui il faut « revendre » une formation continue sous forme de DPC ! Si, comme certains le pensent, il suffit de faire une évaluation peu après une formation pour jauger son impact, cette loi fait beaucoup de bruit pour peu de chose. À la SOP, nous associerons des évaluations à nos formations longues sous la forme qui nous paraît la plus adéquate. Mais je ne sais pas aujourd’hui comment nous évaluerons les séances qui rassemblent de 400 à 500 personnes pendant 1 journée et dont l’objectif, entre autres, est de donner l’envie de se former et donc de pérenniser sa propre formation continue. On ne peut évaluer que des praticiens qui ont au préalable suivi des journées de formation.

Cela étant, je pense plus généralement que le DPC ne résout rien et, en tout cas, cette loi ne va pas dans le sens de la formation des praticiens à leur métier de santé publique. Tant que l’on continuera à dévaluer les actes de soins conservateurs qui présentent le plus de risques pour le praticien et le meilleur avenir pour la santé bucco-dentaire, il n’y aura rien à évaluer. On se trompe de cible. Nous allons vers un problème de santé dentaire en France avec des praticiens qui réalisent de plus en plus des actes non opposables et rémunérateurs. Les actes conservateurs, plus chronophages et moins rémunérateurs, sont mis de côté. La réglementation de plus en plus contraignante et sans contrepartie ne fait qu’aggraver la situation. Le vrai problème est là.

LA MISE EN ŒUVRE SERA DÉTERMINANTE

Jean-François LARGY Président de l’UNAFOC*

Lier la formation continue à l’évaluation des pratiques est une évolution intéressante. Car l’important est plus d’aider les praticiens à réfléchir sur leur façon d’exercer et à gravir l’échelle de la qualité que de faire des formations qui, éventuellement, ne seront pas applicables dans leur cabinet. Mais cette démarche d’évaluation des pratiques demande une énorme organisation. Ce sont en particulier 12 à 15 personnes qui travaillent pendant 3 ou 4 réunions autour de 1 ou 2 animateurs formés aux méthodologies de la Haute Autorité de santé ! Aujourd’hui, une vingtaine de confrères seulement y sont formés !

La façon dont le DPC sera mis en œuvre et dont les professionnels seront intégrés à la démarche sera déterminante. Par exemple, il ne faut pas que l’on nous impose tout. Dans les textes, la partie obligatoire de la formation continue est de la responsabilité de l’État ; les professionnels sont associés dans les instances de décision mais de façon presque anecdotique. Ils sont représentés à différents niveaux mais seulement en consultation !

S’agissant des thèmes de la formation conventionnelle, ils étaient jusqu’à présent très axés sur l’intérêt des caisses. On peut comprendre que l’État ait besoin que nous participions à certains enseignements spécifiques, mais il faut aussi garder à la formation son intérêt en matière d’approfondissement des connaissances. Les professionnels doivent aussi pouvoir décider des sujets sur lesquels ils se forment.

Enfin, le passage vers le DPC doit être progressif pour éviter une stérilisation du système actuel.

LA PROFESSION DOIT S’UNIR

Bernard LAPOSTOLLE Président de l’ADFOC* des pays de Savoie

On peut déplorer de ne pas nous avoir laissé continuer à gérer notre formation continue comme nous le faisions avec le CNFCO. Le vrai danger, à vouloir trop l’encadrer, est la déresponsabilisation. Si des praticiens perdent l’esprit libéral et se contentent d’aller à des formations imposées qui ne tiennent pas forcément compte des évolutions techniques, les formations innovantes proposées par la profession cesseront d’exister.

Ces décrets peuvent être l’occasion d’une prise de conscience de la profession. N’est-il pas temps aujourd’hui de faire preuve de responsabilité et de maturité sur ce sujet, dans le respect de la loi ? Il faut que les associations se donnent les moyens de continuer à monter des formations scientifiquement intéressantes. Il faut que les instances professionnelles, en particulier l’Ordre qui va gérer la formation continue obligatoire, encouragent la formation de la profession et pas uniquement celle qui est obligatoire. Il serait bon que les instances de la profession s’unissent pour élaborer un guide, fixer un cap pour la formation continue en 10 points afin d’atteindre cet objectif.

J’aimerais que la profession prenne conscience qu’il y a un réel enjeu sur cette question, enjeu qui dépasse, et de loin, l’intérêt de chaque praticien. Et chacun doit y travailler.

* ADFOC : Association de formation continue ; ARS : agence régionale de santé ; CBP : Collège des bonnes pratiques ; CNFCO : Conseil national de la formation continue odontologique ; CNSD : Confédération nationale des syndicats dentaires ; SOP : Société odontologique de Paris ; UNAFOC : Union nationale des associations de formation continue ; URPS : Union régionale des professions de santé.