Clinic n° 02 du 01/02/2012

 

PATRIMOINE

Laurent MAZAURIC  

Notaire

La société civile immobilière (SCI) serait parée de toutes les vertus : vous achetez de l’immobilier, vous créez une SCI et cela réglerait tous les problèmes ! La SCI a certes de nombreuses qualités et devient un excellent outil lorsqu’elle est adaptée à vos besoins. Mais elle a ses limites et ses contraintes et peut même devenir dangereuse… si elle est utilisée de manière irréfléchie !

J’ai entendu parler de la SCI. De quoi s’agit-il exactement ?

La SCI a pour objet d’acquérir ou de faire construire des immeubles (maison, appartement, immeuble entier, terrain) en vue de les louer ou de les mettre à disposition gratuite de ses associés. Il faut au minimum 2 personnes pour constituer une telle société et un contrat écrit est obligatoire. Après la signature des statuts par les associés fondateurs, la société est immatriculée au Registre du commerce et des sociétés.

À quoi je m’engage en entrant dans une société civile immobilière ?

Dans une société civile, les associés sont responsables de toutes les dettes de la société dans la même proportion que leur part dans le capital. La confiance doit donc régner entre les associés mais également avec le ou les gérants, lesquels devront être choisis avec soin.

Une société permet de se grouper et de faire à plusieurs ce qui aurait été impossible tout seul. Ainsi pour acheter un immeuble, la société civile immobilière permet d’éviter les risques d’une indivision. Toutefois, il faut bien comprendre que l’immeuble appartient à la société et non aux associés, lesquels ne sont que propriétaires de parts sociales. La liberté de décision est alors moins grande. Il faudra que les associés s’entendent lorsque des décisions seront à prendre. Pour les décisions les plus importantes, l’unanimité sera même nécessaire. Une mésentente persistante entre associés peut bloquer le fonctionnement de la société et nuire aux intérêts de tous.

Quel est l’intérêt de créer une SCI ?

Au préalable, il faut s’interroger pour savoir si la SCI constitue la structure adaptée à votre projet et aux objectifs que vous poursuivez. Dans l’affirmative, les « statuts types » seront à éviter ; une rédaction « au cas par cas » est vivement recommandée.

La SCI peut constituer un outil de gestion du patrimoine (familial ou professionnel) très utile. Elle peut permettre, par exemple, d’associer les enfants et les parents dans un achat immobilier (une résidence secondaire ou une maison de famille par exemple). Plus tard, la transmission de la part des parents aux enfants ou aux petits-enfants pourra se faire progressivement (par petites fractions) et avec un coût fiscal étalé dans le temps.

La SCI est parfois présentée comme un bon moyen de payer moins d’impôt. Cela n’est pas exact, surtout depuis la réforme des droits d’enregistrement. La vérité est que, dans certains cas bien précis, une opération d’acquisition, de construction, de location ou de transmission d’un immeuble pourra se faire dans de meilleures conditions (techniques, juridiques, financières et parfois fiscales) si une SCI est constituée. Toutefois, seule une analyse personnalisée et approfondie peut permettre de dire si une société est nécessaire. En effet, il ne faut pas devenir associé sans précautions ni créer « d’usine à gaz juridique » dont vous ne saurez plus comment sortir ensuite. Pour savoir si une société civile immobilière est recommandée dans votre cas précis, consulter votre notaire vous sera d’autant plus utile qu’il est recommandé que les statuts de la société soient rédigés par acte notarié. Ce sera le cas, par exemple, pour une société créée entre époux ou encore avec des héritiers éventuels, sinon des remises en cause ultérieures sont à craindre.

Société civile immobilière et résidence principale : le couple infernal ?

La SCI est parfois décrite comme l’instrument idéal de gestion d’un patrimoine immobilier. C’est excessif. Si la SCI a certes des qualités, comme on vient de le voir, elle a aussi des inconvénients. Dans certains cas, elle peut même présenter des dangers et s’avérer une fausse bonne idée. La prudence s’impose donc.

Vous devez savoir que créer une SCI n’est pas anodin car cela suppose d’accomplir des formalités spécifiques (rédaction des statuts, publicité foncière…) et de respecter des règles de gestion contraignantes (tenue d’une comptabilité, organisation d’assemblées générales régulières…). Rappelons que c’est obligatoire !

Surtout, si vous prévoyez de mettre la résidence principale dans la SCI, c’est celle-ci qui en deviendra propriétaire. Vous ne le serez plus. L’inconvénient est de taille si vous êtes marié ou pacsé : le survivant de votre couple ne pourra pas invoquer les droits au logement prévus par la loi pour continuer à y habiter.

Penser qu’apporter sa résidence principale à une SCI permet des économies fiscales est une idée reçue très répandue. Au mieux, l’opération sera neutre tant en matière d’impôt sur le revenu que d’imposition des plus-values. Au pire, elle pourra alourdir votre fiscalité. Certains propriétaires qui avaient utilisé la SCI pour créer des déficits fonciers fictifs, en vue de diminuer leur revenu imposable, en ont fait les frais : le fisc les a redressés et a réclamé des pénalités de 80 % du montant de l’impôt qu’ils croyaient éviter !

En outre, les contribuables soumis à l’ISF perdent le bénéfice de l’abattement de 30 % pratiqué sur la résidence principale. Il faut donc bien calculer avant de prendre une telle décision.

En définitive, la société civile immobilière n’est pas un outil miracle, mais elle peut être utile et efficace lorsqu’elle est parfaitement adaptée à vos objectifs. En revanche, elle peut aussi s’avérer être une solution pénalisante si elle n’est pas utilisée de manière réfléchie. Elle présente d’autres avantages et inconvénients lorsqu’elle est utilisée pour le patrimoine professionnel, que nous examinerons dans un prochain numéro.

EN RÉSUMÉ

La SCI peut être conseillée essentiellement dans deux cas :

• d’abord, pour les couples non mariés, elle peut servir à protéger le concubin survivant. Les statuts pourront ainsi prévoir la continuation de la SCI avec lui seul ; les héritiers de celui qui sera décédé ne pourront pas l’obliger à quitter le bien ;

• ensuite, et sous réserve de l’analyse des aspects fiscaux de l’opération, la SCI facilite la transmission de la résidence principale aux enfants. Il est en effet plus facile de répartir des parts de société que de partager un immeuble. Ces parts peuvent être transmises progressivement de manière à optimiser les abattements fiscaux. Dans cette optique, l’apport à la SCI se limite le plus souvent à la nue-propriété des biens : les parents s’en réservent l’usufruit pour pouvoir continuer à y vivre.

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