Clinic n° 02 du 01/02/2012

 

ENDO… AUTREMENT

Marielle OLIJNYK*   Marjorie ZANINI**   Stéphane SIMON***  


*Interne, Étudiante Diplôme Universitaire Européen d’Endodontologie (Paris Diderot)
Centre de recherche des Cordeliers UMRS 872 - Équipe 5 15-20 rue de l’école de médecine - 75006 PARIS www.due-garanciere.fr
**Interne, Étudiante Diplôme Universitaire Européen d’Endodontologie (Paris Diderot)
Centre de recherche des Cordeliers UMRS 872 - Équipe 5 15-20 rue de l’école de médecine - 75006 PARIS www.due-garanciere.fr
***MCU PH (Paris Diderot) Responsable du Diplôme Universitaire Européen d’Endodontologie
Centre de recherche des Cordeliers UMRS 872 - Équipe 5 15-20 rue de l’école de médecine - 75006 PARIS www.due-garanciere.fr

Issus de la moelle osseuse, les ostéoclastes sont très impliqués dans l’homéostasie osseuse et sont sous la dépendance des ostéoblastes. Dans les conditions physiologiques, l’espace desmodontal sépare la dent de l’os alvéolaire et permet de protéger la surface dentaire sous-jacente, limitant ainsi l’activité ostéoclastique au remaniement osseux.

Les traumatismes dentaires violents (expulsion, intrusion ou fracture radiculaire notamment), induisent fréquemment des...


Issus de la moelle osseuse, les ostéoclastes sont très impliqués dans l’homéostasie osseuse et sont sous la dépendance des ostéoblastes. Dans les conditions physiologiques, l’espace desmodontal sépare la dent de l’os alvéolaire et permet de protéger la surface dentaire sous-jacente, limitant ainsi l’activité ostéoclastique au remaniement osseux.

Les traumatismes dentaires violents (expulsion, intrusion ou fracture radiculaire notamment), induisent fréquemment des complications parodontales, en particulier la destruction de la surface cémentaire pouvant conduire à la formation de plages mises à nu et non protégées. La surface dentinaire en contact direct avec l’os alvéolaire est ainsi exposée à l’activité ostéoclastique. C’est ainsi que se forment les lacunes de résorption de remplacement, où la phase de digestion est suivie d’une formation concomitante d’os alvéolaire.

En résumé, la dent n’est plus reconnue par l’organisme en tant qu’organe, les ostéoclastes pouvant ainsi la détruire comme s’il s’agissait d’os alvéolaire dans des conditions physiologiques afin d’entretenir l’homéostasie du tissu osseux.

Les conséquences cliniques de cette pathologie sont importantes et difficiles à prendre en charge. La destruction progressive de la dent est plus ou moins rapide mais de toute façon inévitable. Elle survient en général sur une dent qui a préalablement reçu un traitement endodontique et il n’est pas rare de noter, dans les cas les plus avancés, la présence d’une couronne retenue dans l’os alvéolaire uniquement par le matériau d’obturation canalaire.

La progression de la vitesse de résorption est variable et dépend de plusieurs facteurs tels que l’âge du patient, son métabolisme, le temps d’exposition extraoral de la dent et le type de traitement de la racine avant réimplantation, la sévérité du traumatisme et la surface de destruction du ligament [1]. Chez les patients jeunes (âgés de 7 à 16 ans), la résorption de remplacement peut conduire à la destruction complète de la dent en 1 à 7 ans. Chez l’adulte, le processus est plus long et peut demander jusqu’à 20 ans [2]. Ces résorptions de remplacement sont clairement discernables sur les clichés radiographiques qui doivent être pris régulièrement dans le cadre du suivi d’un patient ayant subi un traumatisme. Les éléments suivants permettent de confirmer le diagnostic :

• perte de l’image radiographique de l’espace desmodontal ;

• incrustation osseuse dans l’épaisseur dentinaire ;

• diminution de l’épaisseur et de la longueur radiculaire.

Cliniquement, l’ankylose dentaire est diagnostiquée par la perte de la mobilité physiologique de la dent et la présence d’un son métallique au test de la percussion.

Chez les patients jeunes, le processus d’éruption de la dent est perturbé par l’ankylose radiculaire. Aux signes précédents s’associe une rétention de la dent en infraposition qui tend à s’accentuer avec le temps [3].

En l’absence de suivi régulier, c’est d’ailleurs souvent cette rétention qui incite les patients à consulter leur praticien ou leur orthodontiste.

La résorption de l’organe conduit, d’une part, à la perte prématurée de la dent chez un patient généralement jeune et, d’autre part, à une perturbation du développement osseux pour lequel la présence de la dent est indispensable.

Prise en charge thérapeutique

En présence d’une résorption de remplacement, plusieurs attitudes thérapeutiques peuvent être considérées :

• extraction de la dent et restauration esthétique provisoire dans l’attente de la maturité du patient permettant d’envisager une solution définitive (prothèse partielle amovible, bridge collé) ;

• extraction et fermeture orthodontique ;

• extraction et transplantation.

Quelle que soit la solution considérée, l’extraction de la dent est nécessaire. Néanmoins, l’imbrication osseuse dans l’épaisseur de la racine complique la procédure et, surtout, la rend particulièrement mutilante. En effet, l’absence de plan de clivage entre la dent et l’os alvéolaire impose la réalisation d’une ostéotomie plus ou moins large conduisant à une destruction souvent importante pouvant même concerner les tables osseuses.

Lorsque le remplacement de la dent devra être envisagé, notamment par la mise en place d’un implant, la perte osseuse engendrée par l’extraction, d’une part, et la perturbation du développement, d’autre part, imposeront le recours à des techniques de régénération ou de greffe osseuse.

Pour éviter ces dégâts collatéraux, la décoronation constitue une possibilité thérapeutique intéressante. Cette technique consiste à stimuler le processus de résorption qui, progressivement, conduira à la destruction de tout l’organe tout en préservant le capital osseux, la racine en destruction se comportant comme un « guide ». Le maintien de ce capital osseux permettra ainsi à l’implantologiste de placer l’implant dans le site receveur préservé tant en épaisseur qu’en hauteur.

La décoronation peut ainsi être considérée dans les cas d’ankylose d’incisive permanente associée à une résorption radiculaire avancée, chez un enfant ou un adolescent pour lesquels une restauration prothétique/implantaire future sera considérée. C’est une technique chirurgicale simple qui, d’une part, permet d’induire une apposition osseuse verticale et, d’autre part, est techniquement plus simple à mettre en œuvre que toutes les autres techniques chirurgicales d’augmentation verticale de crête, par greffe ou par distraction, difficiles à envisager chez des patients jeunes [4, 5].

Cas clinique

Le jeune JML, âgé de 12 ans au moment du traumatisme, a subi une expulsion de son incisive centrale maxillaire droite (fig. 1). Il a été immédiatement pris en charge dans de bonnes conditions par son praticien traitant : dent conservée dans un milieu isotonique, réimplantée dans les 2 heures et maintenue en place par une contention semi-rigide (fig. 2 et 3). Il a été adressé à l’issue de ce traitement d’urgence pour une prise en charge du traitement endodontique de la dent.

La contention a été déposée 2 semaines après l’accident, après confirmation de la cicatrisation parodontale (fig. 4 et 5), et le traitement endodontique a été commencé la semaine suivante. Après nettoyage du canal, une médication à base d’hydroxyde de calcium est laissée en place pendant 4 semaines (fig. 6). Cette médication est utilisée afin d’anticiper les risques de résorption radiculaire et est conseillée avant l’obturation définitive du canal.

La dent étant mature, le traitement endodontique est complété de façon conventionnelle à la séance suivante et le système endodontique est obturé avec une technique de compaction à chaud de gutta-percha scellée avec un ciment à base d’oxyde de zinc eugénol (Pulp Canal Sealer™, Sybron Endo).

La radiographie postopératoire objective une obturation dense et compacte et permet également de distinguer des zones de résorption apicale (fig. 7).

Les contrôles cliniques et radiographiques réalisés régulièrement mettent en évidence des résorptions de remplacement et une destruction progressive et rapide de la racine sur toute sa hauteur (fig. 8). L’équipe thérapeutique, consciente que ce processus pathologique est irréversible, décide en accord avec les parents d’intervenir avant que la destruction radiculaire soit complète et oblige à recourir à une intervention chirurgicale complexe pour éliminer le matériau d’obturation résiduel.

L’extraction de la dent aurait pu être envisagée mais a été jugée trop risquée et mutilante. La décoronation a été décidée afin de guider la destruction naturelle de la dent et de participer à la régénération osseuse dans la future zone d’implantation.

Étapes chirurgicales

Les étapes chirurgicales sont illustrées par les figures 9 à 15.

Conclusion

Facile à réaliser, la décoronation doit réellement être considérée comme une solution de remplacement thérapeutique intéressante pour la prise en charge des dents en cours de résorption. Le respect des étapes chirurgicales, notamment de l’obtention d’un saignement intracanalaire et du positionnement infraosseux de la racine réséquée, est l’élément primordial pour obtenir une bonne régénération osseuse.

Pour qu’elle soit mise en œuvre, le matériau d’obturation canalaire doit pouvoir être éliminé facilement. Si la technique d’apexification au MTA est actuellement considérée comme la procédure de choix pour le traitement des dents immatures, il convient de garder à l’esprit que l’élimination de ce matériau est impossible et peut compromettre l’accès à la décoronation en cas d’échec.

Ces considérations montrent la complexité du traitement des dents traumatisées qui, malgré une prise en charge adaptée, peuvent évoluer vers un échec et nécessiter un traitement complémentaire. Toute décision d’intervention doit prendre en considération les risques d’échec et les éventuelles complications lors des procédures de prise en charge complémentaire.

La résorption de remplacement radiculaire et l’ankylose d’une dent sont des complications fréquentes survenant après un traumatisme.

L’extraction de la dent est souvent la seule option thérapeutique considérée, ce qui n’est pas sans poser de problèmes chez des patients généralement jeunes et qui devront patienter parfois plusieurs années avant de recevoir un implant.

La décoronation permet d’éviter l’extraction difficile et mutilante et de préserver un capital osseux crucial pour les techniques de restauration à venir.

Bibliographie

  • [1] Andersson L, Bodin I, ­Sörensen S. Progression of root resorption following replantation of human teeth after extended extraoral storage. Endod Dent Traumatol 1989;5:38-47.
  • [2] Ebeleseder KA, Friehs S, Ruda C, Pertl C, Glockner K, Hulla H. Study of replanted permanent teeth in different age groups. Endod Dent Traumatol 1998;14:274-278.
  • [3] Andreasen FM, Pedersen BV. Prognosis of luxated permanent teeth. The development of pulp necrosis. Endod Dent Traumatol 1985;1:207-220.
  • [4] Malmgren B. Decoronation : how, why, and when ? ­J Calif Dent Assoc 2000;28, 846-854.
  • [5] Malmgren O, Malmgren B. Rate of infraposition of reimplanted ankylosed incisors ­related to age and growth in children and adolescents. Dent Traumatol 2002;18:28-36.