Clinic n° 02 du 01/02/2012

 

SOCIÉTÉ

INTERNET

Philippe DE JAEGHER  

Si l’internet se démocratise de plus en plus, qu’en est-il du développement de la démocratie à travers la toile ?

Tour à tour outils d’information ou de propagande, de résistance ou d’endoctrinement, tous les médias entretiennent des rapports ambigus avec la démocratie. L’internet n’échappe pas à ces contradictions, et s’il constitue un formidable instrument de communication, il permet aussi un contrôle inédit sur chaque individu.

L’exemple chinois illustre parfaitement cette situation. Baidu, le moteur de recherche local qui totalise autant de requêtes que Google dans le reste du monde, offre aux 500 millions d’internautes du pays une liberté très surveillée. Lors des soulèvements en Iran ou dans les pays arabes, l’accent a été mis sur le rôle joué par les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la mobilisation des opposants. Mais à côté de ces situations insurrectionnelles, que peut être un usage démocratique de l’internet ?

De fait, il existe un certain nombre d’initiatives pour faire la promotion d’une utilisation citoyenne de la toile, au service de la transparence et de la démocratie. Le courant, déjà bien engagé dans les pays anglo-saxons, est relayé, en France, par un certain nombre d’associations ou d’institutions. Elles militent pour rendre ouvertes et accessibles à tous les données numériques produites par les services publics (1, 2). Elles parient que cela permettra à différents acteurs de les agréger, de les analyser et de créer des applications innovantes, favorisant ainsi la transparence et une meilleure information des citoyens.

Un pas a été franchi le 5 décembre dernier avec le lancement de la plateforme française Data.gouv (3). Elle propose 352 000 jeux de données publiques, issus de plus de 90 acteurs présentés sous une forme permettant leur réutilisation. Certes ces informations intéressent en premier lieu des professionnels, mais un simple citoyen peut par exemple consulter la qualité des eaux de sa commune. Un professionnel de santé, en parcourant le site de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) et ses bases Éco-Santé, y trouve les chiffres de la démographie médicale (4), notamment l’évolution du nombre de chirugiens-dentistes et leur répartition par départements. D’autres séries de données présentent la consommation de soins de santé des bénéficiaires du régime général de la Sécurité sociale par types d’actes. Sur Data-Publica, il est possible de consulter l’évolution du nombre de chirurgiens-dentistes en 10 ans dans différents pays et régions d’Europe (5). Certes, nous sommes loin des révélations fracassantes de WikiLeaks. Mais si les révélations de ce site ont fait beaucoup avancer les choses, l’information ne peut se contenter du sensationnel et doit également aider à décrypter le quotidien.

À l’instar du scrutin présidentiel de 2008 aux États-Unis, la campagne électorale qui s’annonce en France est promise à un développement inédit sur la toile. Les querelles de chiffres qui opposeront les candidats auront-elles cette fois-ci des spectateurs plus avertis ?

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