Clinic n° 01 du 01/01/2012

 

ODONTOLOGIE PÉDIATRIQUE

Michèle MULLER-BOLLA*   Frédéric COURSON**  


*Département de santé publique, UFR d’odontologie de Nice, UNS
Université Nice Sophia Antipolis 24 av. des Diables Bleux 06357 Nice
**Département d’odontologie pédiatrique, UFR d’odontologie de l’université Paris Descartes
1, rue Maurice Arnoux 92110 Montrouge

L’approche préventive de la carie a grandement évolué ces dernières années. Elle est passée d’une prescription systématique de fluorures per os à une approche topique en fonction du risque de carie individuel. Une meilleure connaissance du processus carieux et de nouveaux outils diagnostiques permettent de reconsidérer le traitement des lésions carieuses non cavitaires en optimisant l’économie tissulaire. Leur interception fait désormais appel à des méthodes de reminéralisation, de scellement ou d’infiltration dont le succès dépend de la maîtrise des facteurs de risque grâce à une éducation thérapeutique personnalisée.

La nouvelle approche de la maladie carieuse par la dentisterie minimale a redonné à la prévention individuelle toutes ses lettres de noblesse. Primaire, la prévention intervient avant le début de la maladie et secondaire, elle a pour objectif de l’intercepter. Dans le premier cas, elle doit tenir compte du risque de carie individuel, faible ou élevé, alors que dans le second, ce risque est toujours élevé du fait même de la présence de la maladie carieuse (fig. 1). En amont du stade cavitaire de la lésion carieuse, les méthodes de dentisterie préventive, à différencier de la dentisterie restauratrice a minima, sont nombreuses et méritent donc d’être hiérarchisées pour aider le praticien dans son exercice quotidien.

Prévention primaire

En l’absence de lésions carieuses, le choix de la méthode de prévention primaire la plus adaptée passe par la détermination du risque de carie individuel. Celle-ci est fondée, selon la Haute Autorité de santé (HAS), sur la mise en évidence de facteurs de risque recherchés auprès de l’enfant et des parents à l’occasion de l’interrogatoire (hygiène bucco-dentaire non adaptée à l’âge, consommation quotidienne entre les repas d’aliments ou de boisson sucrées, prise régulière de médicaments sucrés ou générant une hyposialie) et de l’examen clinique (plaque visible à l’œil nu) [1]. En revanche, les lésions cavitaires ou non ne sont pas considérées pour l’évaluation du risque de carie individuel dans ce contexte de prévention primaire car on est en amont de leur apparition. La correction des facteurs de risque identifiés doit être immédiatement entreprise en accord avec l’enfant et les parents car il est important de ne pas surestimer leurs possibilités. Souvent, il est plus aisé de cibler chronologiquement les différents facteurs de risque à corriger pour contrôler efficacement la maladie carieuse. L’éducation thérapeutique de la famille doit donc toujours être personnalisée (fig. 2) [2, 3].

Hygiène bucco-dentaire

Réalisée avec un dentifrice fluoré, l’hygiène bucco-dentaire est incontournable, quel que soit le risque de carie individuel de l’enfant ou de l’adolescent qui influencera exclusivement la concentration en fluor du dentifrice. En denture temporaire, celle-ci est au maximum de 500 ppm si le risque de carie individuel est faible alors qu’elle peut passer à 1 000 ppm si l’enfant de plus de 2 ans est à risque de carie individuel élevé [4]. Cette recommandation trouve sa légitimité dans le fait qu’il n’a pas été mis en évidence une efficacité des dentifrices à 500 ppm (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas efficaces) dans la prévention de la carie alors qu’elle a été démontrée en denture temporaire pour une concentration de 1 000 ppm [5]. Son utilisation dépend d’un bilan fluoré négatif (sel non fluoré ou eau < 0,3 mg/l) et de la réalisation ou de la surveillance du brossage par les parents : ils doivent être attentifs à la quantité de dentifrice utilisée, qui ne doit pas excéder la taille d’un petit pois [3, 5]. Par ailleurs, ils doivent privilégier un dentifrice non parfumé car la quantité ingérée, inversement proportionnelle à l’âge entre 2 et 6 ans, est augmentée avec la quantité utilisée et sa saveur sucrée [6]. En pratique, le choix de prescription dépend du rapport bénéfice/risque que le praticien et les parents acceptent de prendre. Ainsi, il semble plus raisonnable de prescrire un dentifrice dosé à 1 000 ppm à un patient à risque de carie individuel élevé du fait de la présence de lésions carieuses actives bien que le risque de fluorose légère ou modérée existe. La méthode horizontale doit être la règle pour une élimination optimale de la plaque [7].

Après l’âge de 6 ans, il n’y a pas de méthode de brossage dont l’efficacité prime sur une autre. Le praticien doit contrôler l’efficacité des mouvements pratiqués par l’enfant pour les corriger dans les zones mal nettoyées [7]. Le brossage est recommandé au moins deux fois par jour avec un dentifrice à 1 000-1 500 ppm si le risque de carie individuel est faible mais à une concentration supérieure à 1 500 ppm si ce risque est élevé [8]. Dès lors, la préférence du praticien doit s’orienter vers des dentifrices à 2 400-2 800 ppm dont la fraction préventive (proportion de sujets n’ayant pas développé de carie à l’échelle des dents du fait de l’exposition au dentifrice) est supérieure à celle des dentifrices à 1 000-1 250 ppm, soit 36 % (IC 95 % : 27-44) versus 23 % (IC 95 % : 19-27) [5]. Utilisés sans risque chez les enfants de plus de 10 ans, ils nécessitent la surveillance des parents entre 6 et 10 ans, le contrôle de la déglutition n’étant pas encore optimal (fig. 2 et 3) [3, 6].

Autres topiques fluorés

Avant 6 ans, le seul autre topique fluoré à pouvoir être utilisé en complément du dentifrice est le vernis fluoré exclusivement indiqué chez les enfants à risque de carie individuel élevé [8]. Le meilleur rapport coût/efficacité de ce vernis, commercialisé à des concentrations de 1 000 à 56 300 ppm, a été déterminé pour une application semestrielle de vernis d’au moins 22 600 ppm. Il doit être appliqué sur toutes les dents de façon méthodique pour n’oublier aucune surface dentaire à moins de privilégier l’utilisation d’un vernis coloré (fig. 4).

Après 6 ans, d’autres topiques, sous forme de gels ou de solutions, peuvent être utilisés. Leur comparaison n’a pas permis de mettre en évidence une différence statistiquement significative d’efficacité entre une application semestrielle de vernis d’au moins 22 600 ppm, l’utilisation régulière de gels (12 300-12 500 ppm), de solutions (230-900 ppm) et de dentifrices fluorés (1 000-1 500 ppm) qui avaient respectivement des fractions préventives de 46 % (IC 95 % : 30-63), 28 % (IC 95 % : 19-7), 26 % (IC 95 % : 23-30) et 24 % (IC 95 % : 21-28]) [9]. En dépit d’une tendance à la supériorité des vernis fluorés, ils ne peuvent se substituer aux dentifrices fluorés facilement accessibles, culturellement approuvés et identifiés comme ayant le meilleur rapport coût/efficacité [3]. Le vernis fluoré d’au moins 22 600 ppm est un des rares topiques qui, utilisé de façon concomitante au dentifrice, améliorait significativement la fraction préventive du seul dentifrice fluoré [9]. En revanche, gels ou solutions fluorées utilisés en complément du dentifrice n’augmentaient que de 10 % la fraction préventive du seul dentifrice fluoré et gels (≥ 12 300 ppm) et solutions fluorées (230-900 ppm) n’augmentaient que de 2 % la fraction préventive des seuls gels. Autrement dit, il y a peu d’intérêt à combiner ces différentes méthodes, à l’exception du dentifrice et du vernis fluoré, en référence aux revues systématiques Cochrane [9, 10].

Autres topiques non fluorés

Des recommandations récentes de l’American Dental Association (ADA) s’appuyant sur la dentisterie fondée sur la preuve permettent de faire le point sur certains de ces agents à base de chlorhexidine, polyol ou xylitol. Les topiques à base de chlorhexidine réduisent le taux des Streptococci mutans oraux. Cependant, quelle que soit leur forme galénique (vernis, gel ou solution à base de chlorhexidine), ils ne sont pas recommandés pour la prévention des caries coronaires, même s’ils doivent être utilisés en complément de produits fluorés. En revanche, la recommandation de confiseries à base de xylitol peut être envisagée après les repas chez les enfants de plus de 5 ans. Une dose quotidienne de 5 à 8 grammes répartie en 2 à 3 prises maximiserait ses effets sur la diminution de l’incidence de la carie. Cependant, la recommandation n’est pas formalisée car le niveau de preuve est à ce jour faible à modéré en fonction de la forme (tableau 1) [11]. En effet, les gommes à mâcher seraient plus efficaces que les pastilles ou bonbons du fait de la stimulation du débit salivaire provoquée par la mastication. Celle-ci a pour conséquence d’augmenter le pouvoir tampon de la salive, la clairance des sucres et l’apport d’éléments minéraux importants dans la balance de la carie [3]. Les auteurs de ces recommandations insistent sur leur éventuelle utilisation en complément des topiques fluorés et des scellements de sillons car ces derniers demeurent à ce jour les solutions de choix en prévention primaire ou secondaire [11]. Désormais, le xylitol est plus facilement évalué sous forme de dentifrice, bain de bouche, sirop ou même de lait, mais les preuves scientifiques manquent encore. Des revues systématiques Cochrane sont en cours dans ce domaine pour clarifier leur efficacité [4].

La phosphopeptide de caséine, dérivé du lait, combinée à des ions calcium et phosphate sous une forme amorphe (CPP-ACP, casein phosphopeptide-amorphous calcium phosphate) présenterait une activité carioprotectrice due en particulier à la disponibilité des ions phosphate et calcium à la surface de l’émail [3, 12]. Si la majorité des études ont été réalisées chez l’adulte, un essai clinique randomisé effectué chez les enfants a fait valoir une efficacité des dentifrices contenant 2 % de CPP-ACP équivalente à celle des dentifrices fluorés à 1 100 ppm dans la prévention de la carie [12]. Cependant, l’efficacité des produits à base de CPP-ACP, existant sous des formes galéniques très variables (gommes à mâcher, comprimés, boissons, pâtes, gels, solutions), n’a pas été encore précisément quantifiée à ce jour, bien que leur effet dose dépendant ait été clairement mis en évidence. Ils ne peuvent donc pas se substituer en prévention primaire aux autres méthodes d’apport topique de fluor [3, 12].

Fluor systémique

Le fluor est classiquement recommandé chez les enfants à risque de carie individuel élevé, à partir de l’âge de 6 mois, au dosage de 0,05 mg/kg/24 h sans excéder 1 mg [8]. Pourtant, la grande majorité des études qui ont démontré son efficacité ont été réalisées il y a plus de 20 ans, à une époque où les topiques fluorés, en particulier les dentifrices, étaient moins utilisés et la prévalence de la carie plus élevée qu’actuellement [13]. Or, la supériorité des topiques fluorés sur le fluor systémique fait l’unanimité [3, 8, 13]. Par ailleurs, la seule étude récente de niveau de preuve élevée, réalisée auprès d’adolescents examinés de 12 à 17 ans, n’a pas mis en évidence la supériorité d’efficacité du fluor systémique sur d’autres méthodes exclusivement basées sur l’éducation ou sur l’utilisation d’autres topiques fluorés [14]. La réalisation d’essais cliniques randomisés permettrait de trancher définitivement sur ces habitudes d’autant plus difficiles à changer qu’elles sont ancrées dans les esprits depuis plusieurs dizaines d’années [13]. Dans l’attente de la prescription fluor per os peut être envisagée chez les enfants âgés de 6 mois à 2 ans car c’est la seule méthode de prévention qui permettrait de faire la différence entre la prise en charge d’un enfant de cet âge à risque de carie individuel faible et celle d’un enfant à risque élevé.

Scellement de sillons

Les scellements de sillons sont classiquement indiqués chez les sujets à risque de carie individuel élevé ou sur les molaires permanentes anfractueuses des sujets à risque faible [1]. Or, la détermination du risque de carie individuel selon la méthode de la Haute Autorité de santé et l’identification de puits et fissures anfractueux ciblent la quasi-totalité des sujets jeunes [1, 3, 4], ce qui mérite réflexion. Au regard de la littérature médicale, les méthodes de détermination du risque de carie individuel sont nombreuses et aucune n’a fait l’unanimité à ce jour, chacune étant dépendante de la politique de prévention et de la prévalence de la carie du pays dans lequel elle a été déterminée. Néanmoins, la tendance générale semble s’orienter vers une simplification des méthodes car la multiplication des items surestime le risque de carie individuel et diminue la sensibilité de la méthode correspondante. L’item le plus important, classiquement retrouvé dans toutes les méthodes évaluées, est la présence de lésions carieuses actives en bouche [14]. Autrement dit, toute personne qui a au moins une lésion active doit avoir toutes ses molaires permanentes scellées pour prévenir le développement de caries à leur niveau. Chez les autres sujets à risque de carie individuel élevé selon la méthode de la Haute Autorité de santé, du fait de l’interrogatoire ou de la présence de plaque visible sans coloration, le scellement des molaires permanentes, en particulier anfractueuses, doit être envisagé au cas par cas. Quoi qu’il en soit, l’enregistrement de tous les items cités par la Haute Autorité de santé doit perdurer pour optimiser l’éducation de l’enfant et de son entourage.

Suite à l’analyse des études de plus haut niveau de preuve, il a été recommandé d’appliquer des matériaux de scellement à base de résine le plus rapidement possible, pendant la période de minéralisation postéruptive des molaires permanentes (2 à 3 ans), sous réserve d’une isolation salivaire satisfaisante. L’efficacité des scellements dépend donc de la qualité du protocole et du choix du matériau de scellement qui influence son taux de rétention dans le temps [15-17]. L’efficacité des matériaux à base de ciment verre ionomère (chémopolymérisable ou modifié par adjonction de résine), en dépit de leurs caractéristiques, s’est révélée inférieure dès que le suivi dépassait l’année, du fait de leur moindre rétention [15]. Cela a d’ailleurs conduit la Haute Autorité de santé et l’American Dental Association à restreindre leur indication aux situations cliniques n’autorisant pas une isolation salivaire optimale [1, 16]. Concernant les matériaux de scellement à base de résine, le risque relatif de développer une carie après scellement diminuait de 0,13 (IC 95 % : 0,09-0,20) à 1 an à 0,40 (IC 95 % : 0,31-0,51) à 5 ans, du fait de leur moindre rétention dans le temps [15]. Ce résultat fait valoir tout l’intérêt d’un contrôle régulier de l’intégrité des scellements pour envisager une éventuelle réparation ou une nouvelle application.

Au niveau des puits et fissures, en particulier occlusaux, les scellements de sillons se substituent avantageusement aux topiques fluorés, et en particulier aux vernis fluorés qui ont tendance à être les plus efficaces d’entre eux [10, 18].

Prévention secondaire

En complément des stratégies de prévention primaire évoquées dans le paragraphe précédent chez le sujet à risque de carie individuel élevé, se pose le problème de la prise en charge de la lésion non cavitaire par des méthodes thérapeutiques de reminéralisation ou de scellement. Ces lésions sont classiquement mises en évidence par un examen visuel minutieux, de préférence avec des aides optiques. Sur l’échelle ICDAS (international caries detection and assessment system) à 7 scores, elles correspondent aux scores ICDAS 1-4 (www.icdas.org) [3].

Scellement de sillons

L’efficacité des scellements de sillons dans l’interception des lésions carieuses initiales (ICDAS 1-2) des molaires permanentes a été démontrée par de nombreux essais cliniques randomisés dont la synthèse a été faite dans une revue systématique de la littérature [15]. Une recommandation s’appuyant sur la dentisterie fondée sur la preuve de l’American Dental Association préconise même leur indication sur une face occlusale au niveau de laquelle la dentine est superficiellement déminéralisée sous réserve de l’intégrité de l’émail [16], c’est-à-dire sur une lésion non cavitaire quels que soient les tissus déminéralisés (ICDAS 4). Dans ce cas, le matériau de scellement est obligatoirement à base de résine et est mis en place dans des conditions optimales d’isolation pour être parfaitement étanche et permettre ainsi l’arrêt de l’activité carieuse. D’une façon plus générale, en présence d’une lésion ICDAS 1-4 chez un enfant ou un adolescent et en particulier sur une dent permanente immature, le praticien doit automatiquement radiographier et mesurer la fluorescence laser de la dent correspondante, pour contrôler l’absence de déminéralisation dans les tiers moyen ou interne de la dentine qui conduirait à l’indication d’une restauration. L’usage intempestif d’une sonde n’est pas recommandé car elle pourrait transformer une lésion non cavitaire en une lésion cavitaire par effondrement d’une partie des tissus déminéralisés. L’air-abrasion, la sono-abrasion ou un instrument rotatif, aussi petit soit-il, ne doivent pas être utilisé pour contrôler l’intégrité des tissus. Toutes ces approches introduiraient un acte de dentisterie restauratrice a minima qui est un début d’atteinte à l’intégrité de la dent et un surtraitement de la lésion non cavitaire. La préparation mécanique des surfaces dentaires avant scellement est désormais déconseillée car il a été démontré qu’elle n’augmentait pas la rétention des matériaux de scellement [16]. Si elle a été décidée, elle est synonyme de « restauration a minima » et elle impose la mise en place d’un composite fluide après l’application d’un adhésif avec mordançage préalable si sa profondeur n’excède pas 2 mm.

Méthodes de reminéralisation

L’interception des lésions initiales occlusales des molaires permanentes par le scellement de celles-ci peut être remplacée par leur reminéralisation par des topiques fluorés. Ces méthodes présentent l’avantage de pouvoir être utilisées sur l’ensemble des faces dentaires [3, 4]. Chez l’enfant de plus de 6 ans, après correction du risque de carie individuel, l’utilisation régulière d’un dentifrice à 2 400-2 800 ppm favorise la régression des lésions initiales et, en cas de brossages irréguliers, l’utilisation d’un dentifrice à 5 000 ppm s’est également révélée efficace [5, 19]. En revanche, en denture temporaire, seules les applications topiques hebdomadaires de vernis fluoré d’au moins 22 600 ppm peuvent être envisagées, même si le niveau de preuve des études qui en font état est à ce jour insuffisant [4, 20]. Dans un contexte de dentisterie fondée sur la preuve qui prend en compte la demande du patient, il est important de signaler que cette dernière méthode implique plusieurs séances avec vérification de la reminéralisation par fluorescence laser. Par ailleurs, il est parfois inconfortable pour le patient de ne pas pouvoir boire ou manger pendant 2 à 4 heures après son application [4]. De ce fait, la reminéralisation des lésions initiales par application du vernis devrait se limiter aux surfaces lisses.

Les seuls topiques non fluorés à envisager pour la reminéralisation des lésions initiales sont les composants à base de CPP-ACP. Ils ont été évalués chez les enfants dans des essais cliniques qui avaient pour objectif d’évaluer leur efficacité dans la régression ou la reminéralisation des lésions non cavitaires. Ainsi peuvent être envisagés des chewing-gums de 10 à 54 mg de CPP-ACP ou des pâtes à 10 % de CPP-ACP à utiliser quotidiennement. Cependant, leur efficacité n’a pas été encore précisément quantifiée à ce jour et ils ne peuvent donc pas se substituer aux autres méthodes de reminéralisation mais, tout au plus, les compléter [4, 12].

Infiltration par une résine de basse viscosité

L’infiltration par une résine de basse viscosité (Icon, DMG, Allemagne) des lésions initiales et des lésions limitées dans le tiers externe de la dentine peut s’envisager au niveau des lésions non cavitaires proximales et vestibulaires (fig. 5 à 8). Elle entraîne un ralentissement de la progression de la déminéralisation au niveau proximal des dents postérieures et un meilleur rendu esthétique au niveau vestibulaire des dents antérieures lorsque l’Icon a été comparé à des applications répétées de vernis fluoré à 22 600 ppm [4, 21]. Ces résultats cliniques dépendent du respect du temps d’application de 3 minutes de la résine avant photopolymérisation qui, en odontologie pédiatrique, n’est pas toujours facile à faire accepter à l’enfant. Ces premiers résultats prometteurs demandent néanmoins à être confirmés par d’autres essais cliniques [4].

Suivi

Rien n’est jamais acquis en matière de santé bucco-dentaire. Ainsi, l’enfant et sa famille doivent régulièrement être revus pour contrôler la mise en application des conseils déjà donnés et adopter les messages en conséquence. Un examen bucco-dentaire minutieux doit être régulièrement réalisé. Dès lors, se pose le problème de la périodicité des contrôles qui n’a pas été clairement déterminée à ce jour. La revue systématique de Cochrane en date de 2008 n’a pas permis de définir un rappel tous les 6 mois comme une période clé. Il est plus souvent inhérent à la nécessité d’appliquer du vernis fluoré tous les 6 mois qu’à la périodicité indispensable à la prévention du développement de nouvelles lésions [22]. Encore une fois, le suivi doit être déterminé en accord avec les parents et l’enfant, en respectant une visite de contrôle tous les 2 à 6 mois chez les enfants à risque de carie individuel élevé et tous les 6 à 12 mois dans le cas contraire. Elle doit permettre de contrôler les facteurs de risque, d’améliorer la prévention déjà instaurée et de dépister les lésions asymptomatiques.

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ÉVALUEZ-VOUS !

TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :

1 Concernant le scellement de sillons :

• a. Il est systématiquement appliqué sur les sillons des molaires anfractueuses chez un sujet à risque de carie individuel faible ;

• b. Il peut être réalisé sur des lésions carieuses occlusales non cavitaires limitées à l’émail ;

• c. Il est réalisé avec un matériau de scellement à base de ciment verre ionomère sur les lésions non cavitaires limitées à l’émail.

2 L’application de topiques fluorés :

• a. Est recommandée pour la prévention primaire des caries avant et après 6 ans ;

• b. Est recommandée pour intercepter les lésions carieuses non cavitaires uniquement sur les faces lisses ;

• c. Nécessite de ne pas boire ni manger dans l’heure qui suit leur pose.

3 Pour la reminéralisation de lésions carieuses non cavitaires des dents temporaires chez un enfant de 5 ans, on peut :

• a. Appliquer un vernis fluoré à 22 600 ppm tous les 6 mois ;

• b. Recommander des chewing-gums contenant 10 mg de CPP-ACP uniquement en complément d’autres méthodes ;

• c. Recommander l’utilisation de dentifrices à 2 500 ppm au moins 2 fois par jour.

4 Concernant l’hygiène bucco-dentaire, il faut :

• a. Prescrire un dentifrice à 1 000 ppm chez un enfant de 3 ans à risque de carie individuel élevé ;

• b. Recommander l’utilisation d’un dentifrice parfumé chez un enfant de 4 ans pour le motiver dans son brossage quotidien ;

• c. Recommander un dentifrice à 2 400 ppm en cas de risque de carie individuel élevé entre 6 et 10 ans sous réserve de la surveillance des parents.

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