ORTHOPÉDIE DENTO-FACIALE
Asmae BENKADDOUR* Moustafa EL ALLOUSSI** Salwa REGRAGUI***
*Professeur de l’enseignement supérieur
Chef du département d’orthopédie dento-faciale
**Professeur de l’enseignement supérieur au service de odontologie pédiatrique
***Résidente au service d’orthopédie dento-faciale
(Rabat, Maroc)
Département d’orthopédie dento-faciale Faculté de médecine dentaire Rabat Instituts, BP : 6212 Maroc
La classe III squelettique est une anomalie morphologique dans le sens sagittal. Le proglissement mandibulaire, quant à lui, est une anomalie fonctionnelle, qui, non traité, risque de se transformer avec la croissance, en vraie classe III squelettique.
Le traitement précoce des deux formes cliniques de la malocclusion de classe III s’avère indispensable. Il visera le rétablissement d’un guide antérieur, dont le but est de freiner la croissance mandibulaire et/ou développer la croissance maxillaire, afin de permettre une évolution équilibrée de l’ensemble neuro-musculo-squelettique (3, 8, 10).
La classe III squelettique est une anomalie morphologique dans le sens sagittal, dans laquelle le maxillaire occupe une position reculée par rapport à la mandibule et qui s’accompagne le plus souvent d’un hypodéveloppement du maxillaire dans le sens transversal. Le proglissement mandibulaire, quant à lui, est une anomalie fonctionnelle se traduisant par un articulé inversé antérieur et des rapports dentaires de classe III en raison d’une position avancée de la mandibule. Néanmoins, ce problème risque de se transformer avec la croissance en vraie classe III squelettique.
Un traitement précoce des deux formes cliniques de la malocclusion de classe III s’avère indispensable. Il visera le rétablissement d’un guide antérieur, dont le but est de freiner la croissance mandibulaire et/ou de développer la croissance maxillaire, afin de permettre une évolution équilibrée de l’ensemble neuro-musculo-squelettique [1-3].
Le diagnostic de la classe III est clinique, confirmé par l’analyse radiographique. Chez l’enfant, les symptômes ne sont pas encore très marqués, raison pour laquelle ils doivent être relevés avec attention [4].
L’examen clinique exobuccal et endobuccal révèle certaines caractéristiques maxillo-faciales propres aux classes III squelettiques, l’étroitesse du maxillaire dans le sens transversal se traduisant par une arcade en forme de V, l’effacement des pommettes, l’accentuation du pli naso-génien, la rétrusion et la finesse de la lèvre supérieure, l’éversement de la lèvre inférieure (fig. 1 à 6).
L’examen de la téléradiographie de profil objective le décalage entre les bases osseuses et la présence de compensations incisives de classe III squelettique (linguo-version de l’incisive inférieure et vestibulo-version de l’incisive supérieure) [5].
Par ailleurs, le diagnostic différentiel entre le proglissement et la vraie classe III squelettique est indispensable : il permet au praticien de préciser si le problème est dentaire ou squelettique et de choisir entre un traitement simple, un traitement orthopédique par activation de la croissance du maxillaire et freinage de celle de la mandibule, ou encore un traitement orthodontique ou orthodontico-chirurgical à la fin de la croissance.
La manœuvre de Denevrèze, qui consiste à guider la mandibule en relation centrée pour recentrer les condyles dans leur cavité glénoïde, permet de confirmer un proglissement si l’on obtient au moins un bout à bout incisif [3].
Le traitement précoce interceptif et ou orthopédique sera instauré le plus tôt possible dans les formes simples et dans les cas de proglissement sévère. Il sera entrepris dès la denture temporaire, sinon en denture mixte stable afin de freiner si possible la croissance mandibulaire, développer la croissance maxillaire dans le sens postéro-antérieur et transversal et créer également une butée incisivo-canine profonde [6].
Si, le plus souvent, l’utilisation d’un appareil est impérative pour réaliser une interception, parfois cette thérapeutique pourra se réaliser sans. L’objectif sera d’obtenir une correction partielle ou totale de la dysmorphie et d’empêcher son aggravation avec la croissance [7].
Ce traitement visera la suppression de certains facteurs qui entravent l’établissement d’une croissance normale. Il comporte la rééducation des dysfonctions oro-faciales, la plastie du frein lingual avec allongement lingual, le meulage sélectif des dents temporaires et la réalisation des pistes de rodage de Planas.
L’acquisition d’un équilibre fonctionnel physiologique est indispensable tant pour le déroulement favorable du traitement que pour sa stabilité. La rééducation d’une ventilation buccale ou d’une déglutition atypique est donc un élément essentiel du traitement. Il est à noter qu’une langue basse peut vestibuloverser les incisives mandibulaires, ce qui aggrave la classe III ; il faudra donc les linguo-verser [4, 8].
Il arrive aussi qu’un frein court présentant une insertion proche de la pointe de la langue entraîne une dyskinésie, une position basse de la langue qui peut être responsable d’une prognathie mandibulaire ; dans ce cas, une frénectomie linguale semble nécessaire et sera suivie d’une série d’exercices qu’il faut exécuter dès la première semaine, au moins 3 fois par jour, pour acquérir une nouvelle proprioception de la langue libérée [8, 9] (fig. 7 à 9).
Ce meulage doit affecter en particulier les canines qui sont le plus souvent pointues et responsables de perturbations occlusales entraînant un proglissement. Il donne ainsi le champ libre au dynamisme mandibulaire. Le blocage antérieur qui s’oppose à la rétropulsion naturelle de la mandibule s’en trouve levé et on assiste, dans les jours qui suivent, au repositionnement de la mandibule [7, 10] (fig. 10).
Elles consistent en un apport de composite au niveau des organes dentaires, sous forme d’un plan de morsure qui permet une libération des mouvements mandibulaires et une réorientation du plan occlusal. Ce plan permet aussi de freiner les promandibulies et aide aux sauts d’articulés croisés [7, 10, 11] (fig. 11 à 13).
En denture mixte stable, on utilise un appareillage multi-attaches partiel prenant en charge les deux premières molaires et les incisives maxillaires. Un arc en expansion est inséré dans les attaches et les bagues pour vestibuler les incisives supérieures et corriger l’articulé inversé. Cet arc peut être accompagné ou non d’un Quad Helix permettant de corriger le sens transversal. Si l’articulé inversé est trop important, des cales en verre ionomère sont placées sur les faces occlusales des premières molaires pour faciliter le déplacement de la dent en occlusion inversée [11, 12] (fig. 14 et 15).
Une telle plaque permet la vestibulisation des incisives supérieures. Le vérin est activé deux fois par semaine et l’épaisseur de la résine réalise la surélévation de l’articulé (fig. 16 à 18).
Si un problème du sens transversal est associé, on peut utiliser un vérin à double action : postéro-antérieure et transversale.
C’est la thérapeutique orthopédique de choix de la classe III, si le problème est d’origine maxillaire. Elle consiste en l’application d’une force orthopédique postéro-antérieure sur un appui facial antérieur, par l’intermédiaire d’élastiques reliés à un double arc interne scellé sur les premières molaires maxillaires. Les élastiques sont croisés au niveau antérieur et à direction oblique en bas et en avant pour provoquer une légère rotation horaire du maxillaire favorable pour le verrouillage antérieur. L’appareil doit être porté pendant 14 heures par 24 heures, ce qui nécessite une bonne coopération du patient.
Le masque de Delaire peut être associé à un disjoncteur, si le patient présente une déficience transversale du maxillaire.
Si ce masque est utilisé avant l’éruption des premières molaires supérieures, l’appui interne sera assuré par une plaque en résine scellée [5, 13] (fig. 19 et 20).
La fronde mentonnière n’est plus utilisée, car elle est nocive pour les articulations temporo-mandibulaires.
La rééducation des fonctions, la frénectomie linguale, le meulage des canines en interférence, la vestibulisation des incisives supérieures par appareillage multi-attaches ou par plaque à vérin ainsi que la correction du sens transversal constituent les procédés de la thérapeutique interceptive à visée orthopédique puisqu’ils permettent de retrouver rapidement un guide antérieur correct et de restaurer la croissance des maxillaires dans le sens sagittal et transversal. Le masque de Delaire, quant à lui, permet d’appliquer un traitement orthopédique par activation de la croissance du maxillaire principalement. Ainsi, pour de meilleurs résultats, il doit être entrepris le plus tôt possible, dès que l’on voit l’enfant.
Par ailleurs, lorsque l’anomalie est héréditaire (l’un des parents est porteur de la dysmorphose), on ne peut changer le potentiel génétique de l’enfant mais, en agissant précocement, on peut repositionner le maxillaire dans les conditions normales : remis en avant de la mandibule, il sera entraîné par celle-ci.
Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :
La manœuvre de Denevrèze permet de faire le diagnostic différentiel entre le proglissement et la vraie classe III.
• a. Vrai
• b. Faux
Le masque de Delaire est la thérapeutique orthopédique de choix de la classe III si le problème est d’origine mandibulaire.
• a. Vrai
• b. Faux