Clinic n° 09 du 01/10/2011

 

REPORTAGE

Anne-Chantal de Divonne  

Après 3 années de travaux, la faculté, le centre de soins et une partie de la recherche en odontologie sont réinstallés dans un même lieu entièrement rénové et sur un espace trois fois plus grand, au cœur du CHU de Strasbourg. Ce nouvel ensemble, doté d’équipements de pointe, rivalise aujourd’hui avec les plus grandes facs européennes.

Les travaux ne sont pas tout à fait terminés mais, déjà, Youssef ­Haïkel et Matthieu Schmittbuhl, respectivement doyen de la faculté d’odontologie et chef du pôle de médecine et chirurgie bucco-dentaires de l’hôpital de Strasbourg, savourent les bienfaits des transformations radicales de leurs locaux communs situés en plein cœur du CHU de Strasbourg.

La surface totale a été multipliée par trois, passant de 2 500 à 8 500 m2 grâce à la construction de nouveaux bâtiments reliant entre eux les anciens. En même temps que son extension, le site a été entièrement repensé et refondu pour favo­riser une symbiose chère au doyen et au chef de pôle entre l’enseignement universitaire, la pratique dans le service de soins et la recherche.

L’articulation entre la fac et le centre de soins se fait par l’intermédiaire d’un nouvel ouvrage qui abrite les trois nouveaux amphithéâtres (au lieu d’un seul auparavant) dans le prolongement de l’aile nord de l’ancien pavillon Leriche. « Formation, recherche et clini­que sont liées depuis longtemps en odontologie. Mais nous étions contraints car les locaux n’étaient pas adaptés. Cette nouvelle structure extraordinaire nous donne la possibilité de renforcer très fortement la formation clinique des étudiants avec un volume horaire plus important », se réjouit Matthieu Schmittbuhl. « Nous avons les mêmes objectifs », renchérit Youssef Haïkel, « travailler ensemble est essentiel pour améliorer la formation. Entre nous, pas de prés carrés qui empêcheraient d’avancer. Quand l’hôpital a de l’activité, les étudiants travaillent et sont formés. »

Un lien très fort avec la recherche, dont une partie des locaux est installée au deuxième étage, existe également au centre de soins. De nombreux enseignants sont impliqués dans des projets de recherche clinique et de recherche fondamentale, notamment avec l’unité mixte de recherche UMR INSERM 977 « Biomatériaux et ingénierie tissulaire » adossée à la fac. Ce laboratoire de renommée internationale travaille particulièrement dans le domaine de la fonctionnalisation des biomatériaux et de leur bio-intégration (ostéo-intégration, intégration épithéliale et conjonctive, régénération tissulaire).

Trois ans de travaux

La réalisation de l’ambitieux projet hospitalo-universitaire a été lancée en 2008 et confiée à l’agence Tekton Architectes. Durant une première phase, les travaux ont été concentrés sur le pavillon Leriche, un bâtiment remarquable des années 1880 qui a été conservé mais a bénéficié de deux extensions sur la façade arrière. La restauration de son imposante façade, lui a redonné sa majesté originale. L’intérieur a été totalement reconfiguré, dégageant les volumes nécessaires à l’installation de 8 unités de soins. Le chantier s’est poursuivi au mois d’avril dernier par la restauration des bâtiments de l’ancienne clinique dentaire qui, à son achèvement, accueillera les locaux administratifs et les espaces d’enseignement de la faculté.

Un partenariat industriel

Parallèlement à la création de locaux et à la reconfiguration des bâtiments, les partenariats établis avec les industriels depuis plusieurs années ont permis la mise en place, à l’hôpital, des dernières technologies dans des domaines où des investissements majeurs devaient être réalisés. « L’hôpital nous a beaucoup aidés pour cette nouvelle structure mais, dans des domaines de pointe, le partenariat industriel est la seule façon pour nous d’avoir les meilleurs équipements », explique Youssef Haïkel. Les équipements en imagerie ont été financés aux trois quarts par l’industrie dont l’apport a aussi été essentiel pour la CFAO, l’implantologie…

Résultat, côté fac, de nouveaux moyens de communication permettent de faire évoluer les méthodes d’enseignement. Les trois nouveaux amphithéâtres sont reliés à quatre salles d’opération par un système audiovisuel high-tech qui permet la retransmission d’interventions en direct et de façon interactive. La première retransmission d’un cas d’implantologie a eu lieu le 17 juin dernier.

Huit unités de soins

Côté centre de soins, l’offre est organisée en 8 unités sur un seul espace de 4 500 m2 :

– les patients reçus pour une première consultation ou une urgence sont examinés dans un espace spécifique doté de trois fauteuils ;

– avec un plateau de chirurgie très performant regroupant deux blocs opératoires, l’équipe de médecine et chirurgie buccale est spécialisée dans le traitement des pathologies chirurgicales, la prise en charge des patients à risque (patients atteints d’affections cardiaques, en attente de greffe…) et le diagnostic précoce de cancers buccaux. Des praticiens spécifiquement orientés vers l’implantologie prennent en charge les patients tout au long de la semaine, au lieu des 2 jours qui leur étaient réservés auparavant ;

– une unité ODF accueille adultes et enfants. Elle est particulièrement impliquée dans la prise en charge pluridisciplinaire des dysmorphoses complexes, comme les fentes labio-palatines, en interagissant avec les équipes de chirurgie pédiatrique, maxillo-faciale et plastique ;

– l’équipe de l’unité fonctionnelle de prothèse, qui regroupe dix-neuf fauteuils, traite les cas simples et complexes. Des consultations plus spécifiques orientées vers le traitement des dysfonctions de l’articulation temporo-mandibulaire et les troubles de l’occlusion sont également organisées. Des restaurations prothétiques maxillo-faciales plus complexes sont aussi effectuées dans le cadre de prises en charge multidisciplinaires en étroite collaboration, notamment avec les services de chirurgie maxillo-faciale et d’ORL ;

– une unité de soins spécifique accueille les enfants. À côté de box réservés aux soins courants, quatre fauteuils dans des salles fermées sont équipés pour des soins sous sédation consacrés aux enfants non-coopérants ou pour les actes lourds. Un espace est destiné aux bébés présentant des symptômes particuliers. Cette unité fonctionne en synergie avec le Centre national de référence pour les manifestations odontologiques des maladies rares qui est coordonné par Marie-Cécile Manière. Le Centre accueille des patients venus de toute la France dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire. Il effectue le diagnostic, prend en charge cliniquement des malformations bucco-dentaires, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte, et donne des avis à distance (aide au diagnostic, orientation des patients, conseils thérapeutiques) ;

– une unité de soins d’odontologie conservatrice et d’endodontie, équipée de dix-neuf postes de soins, intègre de multiples aspects de la dentisterie : traitement des lésions carieuses et de leurs complications, traitements endodontiques et dentisterie esthétique. Elle est dotée d’espaces de soins sous sédation, ce qui permet à l’équipe d’odontologie conservatrice d’assurer la prise en charge de patients adultes aux besoins spécifiques (patients phobiques ou présentant des déficiences physiques, mentales ou médicales). L’arrivée prochaine d’un microscope permettra de mettre en place de nouvelles activités, notamment dans les domaines de l’endodontie et de la microdentisterie ;

– l’unité de soins de parodontologie traite l’ensemble des pathologies mais est particulièrement impliquée en recherche clinique et participe à la prévention de la maladie parodontale dans le cadre de maladies systémiques (diabète, maladies cardio-vasculaires…) ;

– l’unité de radiologie bénéficie des modalités d’imagerie les plus récentes et les plus performantes du moment, avec notamment deux appareils de type scanner (cone beam CT) ;

– enfin, le laboratoire de prothèses issu de la fusion des laboratoires hospitaliers et universitaires, situé au rez-de-chaussée jardin, est doté d’une plateforme CFAO ultramoderne issue de partenariats avec les industries.

L’avenir anticipé…

Dotés de leur nouvelle structure, le doyen et le responsable de pôle ont de nombreux projets pour l’avenir. Ils veulent mettre rapidement à l’implantologie les étudiants de 6e année. « Le chantier est en cours, explique Youssef Haïkel. Notre objectif est que chaque étudiant sortant de son cursus initial ait posé un implant. » Un département de dentisterie esthétique doit aussi ouvrir prochainement. L’espace est prévu et aménagé. Reste à trouver les partenaires qui aideront au financement des équipements. « J’ai aussi prévu des extensions dans tous les services. On peut installer jusqu’à 100 fauteuils alors qu’il y en a 77 aujourd’hui. On dit que je suis mégalo », glisse avec une pointe d’humour Youssef Haïkel au cours de la visite. Pour celui qui va passer le témoin dans quel­ques mois, après 10 années en tant que doyen de la faculté, c’est simplement être prévoyant.

L’odontologie au CHU de Strasbourg en quelques chiffres

• 45 hospitalo-universitaires

• 74 attachés hospitaliers

• 55 membres du personnel hospitalier et technique

• 179 étudiants et 8 internes

• 1 280 passages par semaine (plus de 66 000 passages par an)

• 77 fauteuils

• 8 unités de soins, 2 blocs opératoires, 5 fauteuils consacrés aux soins sous sédation

• 1 laboratoire de prothèses

• 4 500 m2 consacrés au centre de soins

• Coût global de l’opération hospitalo-universitaire : 24 millions d’euros, dont 11,3 pour le centre de soins (1,3 en équipements)