ÉDITORIAL
Docteur en chirurgie dentaire
Professeur assistant affilié, Université du Washington
Exercice exclusif de l’implantologie, Paris
Lakewood est une jolie petite ville située dans la banlieue de Denver, au Colorado. C’est là qu’en 2004, un praticien américain, le Dr Miloni, crée un centre d’implantologie intégrant des spécialistes en chirurgie et en prothèse implantaire ainsi qu’un laboratoire de prothèse. Le succès est au rendez-vous. Trois ans plus tard, le centre s’installe dans un bel immeuble de Denver et occupe un plateau de 1 200 m2.
Le recrutement des patients ne se fait...
Lakewood est une jolie petite ville située dans la banlieue de Denver, au Colorado. C’est là qu’en 2004, un praticien américain, le Dr Miloni, crée un centre d’implantologie intégrant des spécialistes en chirurgie et en prothèse implantaire ainsi qu’un laboratoire de prothèse. Le succès est au rendez-vous. Trois ans plus tard, le centre s’installe dans un bel immeuble de Denver et occupe un plateau de 1 200 m2.
Le recrutement des patients ne se fait plus par le réseau classique des généralistes mais par une communication agressive dirigée directement vers les patients : création d’une marque (ClearChoice), publicité à la télévision, dans les journaux, site Internet, consultation et radiographies 3D gratuites, possibilité de « chatter » en direct avec un spécialiste, vidéos de patients et notamment de cette femme, Beverly, qui déclare avec une voix cassée par l’émotion : « My husband was back with his beautiful smile, his sparkling blue eyes… and his beautiful, beautiful teeth ! »
Au plan technique, on propose surtout le remplacement des dents par quatre implants et la réalisation dans la journée d’un bridge provisoire. Six mois plus tard, le bridge d’usage est réalisé. Il en coûte au patient environ 25 000 US$ par arcade.
Les praticiens fondateurs s’entourent d’hommes d’affaires et décident de développer le concept ClearChoice grâce à de nouveaux centres franchisés, à ce jour 34 aux États-Unis.
Que faut-il penser de tout cela ? En première analyse, c’est un point positif pour le patient que de faire réaliser l’ensemble des phases de diagnostic et de traitement dans une même structure par une équipe de praticiens expérimentés et bien équipés.
En deuxième analyse, il n’est pas difficile d’imaginer que de nombreuses dents qui auraient pu être traitées et conservées ne le seront pas, que des patients influencés par une présentation simplifiée et légèrement édulcorée du traitement implantaire réclameront eux-mêmes l’extraction de dents qui auraient pu être sauvées. Les praticiens auront-ils, dans ce contexte de forte pression commerciale (investissements importants, coût du partenariat ClearChoice), la capacité d’opérer ce sursaut éthique qui consiste, dans certains cas, à solliciter le parodontologiste ou l’endodontiste et sauver la denture d’un patient pourtant déjà conditionné ?