Clinic n° 06 du 01/06/2011

 

ORTHODONTIE

Salwa REGRAGUI*   Asmae BENKADDOUR**  


*Professeur de l’enseignement supérieur
Chef du Département d’orthopédie dento-faciale
Faculté de médecine dentaire
BP 6212
Rabat Instituts, Maroc
**Résidente au service d’orthopédie dento-faciale
Faculté de médecine dentaire de Rabat
Université Mohammed V-Souissi
Rabat, Maroc

L’agencement des dents sur leur arcade ne permet pas toujours de réaliser une prothèse satisfaisante sur le plan esthétique et fonctionnel.

Ainsi, toute démarche prothétique cohérente doit, dans certains cas, faire appel à une orthodontie préprothétique qui permettra, en plaçant les dents piliers dans les meilleures conditions parodontales et mécaniques, d’améliorer le pronostic et l’esthétique de la future prothèse, de faciliter sa réalisation et de minimiser les pertes tissulaires.

Les rapports dentaires intra-arcades et interarcades ne permettent pas toujours de réaliser une prothèse satisfaisante sur les plans esthétique et fonctionnel tout en respectant des critères d’économie tissulaire et de tolérance parodontale. Ainsi, dans certains cas où les dents servant d’appui n’occupent pas la place qui est anatomiquement la leur, la prothèse ne peut être réalisée qu’au prix de certains sacrifices tels que la perte de la vitalité pulpaire et une altération du parodonte en raison d’une déviation de la transmission des forces occlusales par rapport à l’axe de ces dents.

L’orthodontie préprothétique permet, grâce à des déplacements dentaires appropriés, d’améliorer le pronostic et l’esthétique de la future prothèse, de faciliter sa réalisation et de minimiser les pertes tissulaires.

Ainsi, une intervention orthodontique sera nécessaire pour régler les conséquences de l’absence d’une ou de plusieurs dents (par agénésie, inclusion, ou extraction). Parmi les troubles occlusaux secondaires le plus souvent observés, figurent le non-parallélisme des axes bordant l’édentation, l’apparition de diastèmes et de malpositions isolées (égression, version, rotation) ainsi que la perturbation du plan d’occlusion [1, 2].

Indications de l’orthodontie préprothétique

Outre la correction des rotations dentaires, des décalages sagittaux (classe II ou III), transversaux (articulés inversés, déviation des milieux interincisifs) et verticaux (supraclusion ou béance), l’orthodontiste est également sollicité dans les situations suivantes :

Correction des axes des dents supports de prothèse (fig. 1 à 8)

L’extraction d’une dent entraîne la version des dents adjacentes dans l’espace d’extraction. Souvent, c’est le cas des deuxièmes molaires qui se mésioversent par suite de l’extraction des premières molaires. Les répercussions peuvent être occlusales (prématurité sur la cuspide disto-vestibulaire, égression de la dent antagoniste), parodontales (difficulté de brossage et création d’une poche parodontale sur la face mésiale) et même neuro-articulaires (à cause de la prématurité déjà citée) [3].

L’intervention orthodontique qui consistera à redresser l’axe de la molaire mésioversée permettra le plus souvent :

• de conserver la vitalité pulpaire des préparations ;

• de limiter les risques d’une pathologie parodontale ;

• de faciliter l’insertion de la prothèse ;

• de faciliter la rétention de la future prothèse en augmentant la hauteur des préparations ;

• d’orienter les forces masticatoires selon l’axe des dents couronnées [4].

Rétablissement du plan d’occlusion

Dans les cas d’égressions causées par l’absence de la dent antagoniste, le plan d’occlusion doit être rétabli (fig. 1 à 8). C’est notamment le cas des bridges de remplacement d’une première molaire absente où se pose le problème d’insuffisance de hauteur entre la crête gingivale et la face occlusale de la dent antagoniste égressée.

Le rétablissement du plan d’occlusion requiert un mouvement orthodontique d’ingression de la dent égressée [5, 6].

Réaménagement des espaces dus à des agénésies ou à des extractions (fig. 9 à 17)

Ainsi, en cas d’agénésie des incisives latérales maxillaires, l’orthodontie permet d’aménager un espacement mésio-distal compatible avec une restauration prothétique ou implantaire esthétique [7, 8].

Égression dentaire

Lors d’une égression dentaire, il est fait appel à l’orthodontiste pour respecter certains impératifs prothétiques tels qu’une limite cervicale adaptée, ainsi qu’un espace biologique suffisant (distance minimale de 3 mm à préserver entre la crête osseuse alvéolaire et les bords de la reconstitution prothétique, sous peine d’avoir une inflammation gingivale et une destruction de l’os crestal). Cette procédure est qualifiée de conservatrice puisqu’elle évite les inconvénients de l’élongation chirurgicale (résection osseuse de la dent pilier et des dents adjacentes pour nivellement des collets).

Dans ce cas, la force orthodontique doit être lourde et discontinue (250 g) pour déplacer la dent avec son environnement gingival sans déplacer l’os de soutien.

Cette extrusion orthodontique peut également être utilisée à des fins implantologiques grâce au gain de substance osseuse et tissulaire obtenu. Dans ce cas, la force orthodontique est légère et continue (< 20 g), permettant un déplacement intégral du complexe dento-parodontal. En effet, elle doit aboutir à l’extrusion totale des dents et au comblement simultané de l’espace radiculaire libéré par de l’os [9] (fig. 18 à 20).

La mise en place d’une dent incluse

La mise en place d’une dent incluse peut servir de pilier pour une restauration prothétique plus tolérable et moins étendue (fig. 21 et 22).

Conclusion

Inclure l’orthodontie dans le plan de traitement prothétique permet une simplification de la conception de la prothèse tout en améliorant son esthétique et son pronostic.

Toutefois, dans certains cas, le traitement orthodontique peut se substituer au traitement prothétique en fermant, par exemple, l’espace des dents extraites ou agénésiques.

L’intérêt du patient doit par conséquent constituer le motif principal d’une collaboration interdisciplinaire judicieuse entre prothèse et orthodontie.

Bibliographie

  • 1. Canal P, Garcia R. L’orthodontie préprothétique. Inf Dent 1989 ; 71 : 2317-2324.
  • 2. Ousehal L. L’apport de l’orthodontie à la prothèse : exemple du secteur antérieur. Pandentaire 2008. http://pandentaire.com
  • 3. Bernadat G. Redressement des molaires versées. Inf Dent 1999 ; 40 : 3106-3114.
  • 4. Barthelmi S, Moreau A. Séquences orthodontiques préprothétiques : applications cliniques. Cah Protheses 2002 ; 120 : 38-50.
  • 5. Philipe J. L’orthodontie de l’adulte. Les Ulis : SID, 1989.
  • 6. Valentin C, Pourrat F. Collaboration de l’orthodontiste et du prothésiste à la restauration des arcades dentaires. Rev Orthop Dento-Fac 1992 ; 26 : 423-439.
  • 7. Davis PJ, Dimmer A, Cooke MS. Incisor spacing : a sequential orthodontic restorative treatment approach. Quintessence Int 1992 ; 23 : 689-693.
  • 8. Rubler CG, Shroff B. Adjunctive orthodontic therapy in restorative dentistry. Dent Clin North Am 1993 ; 37 : 465-481.
  • 9. Bach N. L’extrusion orthodontique : considérations et application parodontales. J Assoc Dent Can 2004 ; 70 : 775-780.

Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :

1. L’orthodontie préprothétique permet de :

• a. Conserver la vitalité pulpaire des dents piliers ;

• b. Faciliter la réalisation de la prothèse ;

• c. Réduire le coût de la prothèse­.

2. Lors de l’extrusion orthodontique à des fins implantaires, la force orthodontique doit être légère et continue.

• a. Vrai.

• b. Faux.

3. Le traitement de l’agénésie de l’incisive latérale maxillaire peut se faire par :

• a. Ouverture de l’espace de la dent absente ;

• b. Fermeture de l’espace de la dent absente.

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