Clinic n° 06 du 01/06/2011

 

TRIBUNE

« Éviter les situations d’urgence et les patients en souffrance »

Sandra Miranda Chirurgien-dentiste et juriste manager en santé

Lorsqu’ils grandissent et que des soins sont nécessaires, la visite d’un enfant autiste chez le chirurgien-dentiste de famille devient souvent très difficile, voire impossible. Elle est malheureusement effectuée dans l’urgence, à l’hôpital et sous anesthésie générale. Conséquence : alors que, d’après la...


« Éviter les situations d’urgence et les patients en souffrance »

Sandra Miranda Chirurgien-dentiste et juriste manager en santé

Lorsqu’ils grandissent et que des soins sont nécessaires, la visite d’un enfant autiste chez le chirurgien-dentiste de famille devient souvent très difficile, voire impossible. Elle est malheureusement effectuée dans l’urgence, à l’hôpital et sous anesthésie générale. Conséquence : alors que, d’après la littérature scientifique anglo-saxonne, 75 % des patients autistes peuvent être suivis dans une filière de soins ordinaire, on peut estimer que dans la réalité les proportions sont inversées !

Les enfants autistes sont les patients les plus difficiles à soigner car ils sont très anxieux. De plus, ils ont du mal à exprimer leur douleur, ce qui les conduit à des gestes d’automutilation. Et un enfant autiste qui prend l’habitude de s’automutiler conserve ce comportement même si l’origine de la douleur est éliminée.

Préparer la visite

À la suite de ces constats, une équipe de 25 personnes s’est constituée il y a 1 an et demi autour du service d’odontologie du centre hospitalier Le Vinatier à Lyon. Son objectif est de pointer les difficultés des enfants autistes pour les aider, par un parcours bien spécifique, à préparer leur visite chez le chirurgien-dentiste et à prévenir l’apparition de troubles du comportement provoqués par l’environnement anxiogène du cabinet dentaire. Cette équipe travaille dans le cadre d’une recherche-action « autisme et santé orale ». L’équipe a mis au point des outils de médiation et de communication (voir encadré) pour les jeunes autistes jusqu’à l’âge de 16 ans. Un parcours spécifique de soins avec plusieurs séances bien ciblées pour les préparer et accompagner les parents est en place. Les outils sont fournis aux familles au fur et à mesure des séances. Le projet est entré dans une phase active au mois de janvier 2011. Mon rôle est d’assurer son suivi sous ses deux aspects : la recherche et la prise en charge active lors de ces séances d’éducation à la santé orale. Je ne réalise pas de soins. Le programme comporte aussi un volet conseil au chirurgien-dentiste.

Perspectives

Ce sont les bons résultats observés sur des jeunes et des adultes qui nous ont incités à lancer le programme. Une étude pilote a été engagée avec les 50 premiers patients suivis. Nous souhaitons à l’avenir pouvoir modéliser un parcours de prise en charge pour le rendre reproductible dans d’autres réseaux de soins dans le milieu libéral. Nous voulons aussi adapter notre démarche à une population adulte et vieillissante et l’appliquer directement dans les lieux de vie, au sein des institutions. La difficulté dans cette démarche est le temps important qu’il faut accorder à l’enfant pour qu’il coopère à son hygiène dentaire puis aux soins.

Des outils

Des outils ont été spécialement créés afin de permettre à l’enfant de mieux préparer les différentes visites chez le dentiste :

• un cabinet de découverte et d’éducation thérapeutique permettant l’appropriation de l’environnement dentaire ;

• un carnet de liaison permettant d’assurer le suivi dentaire et comportemental de l’enfant ;

• une banque d’images (pictogrammes, photographies, bandes dessinées, animations) pour transmettre un message, permettant une information visuelle et une mise en situation ;

• une bande-son reproduisant les bruits des instruments utilisés par le dentiste. Elle favorise la prévision des événements et privilégie la diminution des angoisses liées à des stimuli nouveaux.