Clinic n° 06 du 01/06/2011

 

INNOVATION

Frédérick GAULTIER  

MCU/PH, Université Paris
Descartes, Groupe hospitalier
Mondor-Chenevier, Service
d’Odontologie, AP-HP
Président de la Dental
Laser Academy
(www.dental-laser-academy.com)

INTRODUCTION

L’intérêt des lasers en chirurgie buccale est aujourd’hui indéniable. En effet, les incisions exsangues et la biomodulation ont définitivement ancré cette technologie dans notre pratique.

On distingue ainsi les lasers chirurgicaux des lasers permettant de réaliser une LLLT (Low Level Laser Therapy) ou biomodulation.

Le laser de référence pour la chirurgie des tissus mous est sans conteste le laser CO2. Il permet de réaliser...


INTRODUCTION

L’intérêt des lasers en chirurgie buccale est aujourd’hui indéniable. En effet, les incisions exsangues et la biomodulation ont définitivement ancré cette technologie dans notre pratique.

On distingue ainsi les lasers chirurgicaux des lasers permettant de réaliser une LLLT (Low Level Laser Therapy) ou biomodulation.

Le laser de référence pour la chirurgie des tissus mous est sans conteste le laser CO2. Il permet de réaliser des chirurgies exsangues peu douloureuses associées à une cicatrisation d’une qualité remarquable. Les lasers Nd-YAG et les lasers diodes permettent d’obtenir des résultats honorables mais restent nettement moins efficaces. Les lasers Er-YAG et Er,Cr : YSGG (Erbium) sont quant à eux des lasers polyvalents associant la chirurgie osseuse et celle non exsangue des tissus mous.

Concernant la LLLT, les lasers diodes tiennent une place centrale dans la biomodulation (accélération de la cicatrisation…) et la PDT (Photo­Dynamic Therapy).

GÉNÉRALITÉS

Le LASER est un acronyme : Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation (amplification lumineuse par une émission de rayonnement stimulée). C’est donc une transformation d’une énergie (électrique…) en énergie lumineuse particulière caractérisée par :

• une longueur d’onde unique λ (nm) : la monochromaticité ;

• une cohérence spatiale (même direction) ;

• une cohérence temporelle (même phase φ).

La lumière est constituée de photons, elle est à la fois onde et corpuscule : c’est une onde électromagnétique et un « grain » d’énergie (fig. 1).

La lumière correspond au spectre visible (750 nm à 420 nm) dans le spectre électromagnétique qui s’étend des ondes radio aux rayons gamma (γ) (fig. 2).

Un rayon laser peut être réfléchi, transmis ou absorbé.

L’absorption est l’effet laser qui ne survient que lorsqu’il existe une concordance entre la longueur d’onde du rayonnement et le spectre d’absorption de la molécule constituant le tissu visé. Autrement dit, l’absorption est fonction de la longueur d’onde du rayon laser, de l’eau et des chromophores contenus dans les tissus (substance absorbant la lumière dans les tissus) (fig. 3 et tabl. I).

BIOMODULATION

La biomodulation ou LLLT (Low Level Laser Therapy) est une forme de thérapie qui utilise la lumière rouge et infrarouge du laser pour produire différents effets sur les tissus de la cavité buccale :

•  effet anti-inflammatoire ;

•  effet anti-œdémateux ;

•  activation de la néovascularisation ;

•  optimisation de la cicatrisation ;

•  effet antalgique.

La LLLT permet de moduler la douleur postopératoire en chirurgie buccale lors de l’extraction de dents de sagesse incluses ou en chirurgie endodontique par exemple (fig. 4).

Indications

•  Traitement des mucites dues à la radiothérapie et à la chimiothérapie.

•  Accélération de la cicatrisation gingivale et osseuse.

•  Diminution des œdèmes et douleurs postopératoires.

•  Modulation cinétique et qualitative de l’ostéointégration implantaire.

•  Protocole expérimental de prise en charge des nécroses osseuses associées aux bisphosphonates.

LE LASER CO2, LE PREMIER CHOIX EN CHIRURGIE BUCCALE

Le laser CO2 (10 600 nm) est le laser de choix pour la chirurgie des tissus mous.

Ce laser, généralement muni d’un bras articulé avec miroirs, permet de réaliser des chirurgies exsangues efficaces sans suture avec une très bonne cicatrisation et un effet bactéricide (fig. 5).

Indications

•  Tumeurs bénignes : botryomycome, fibrome, épulis (fig. 6789 à 10).

•  Gingivoplastie, gingivectomie (fig. 1112 à 13).

•  Exérèse des leucoplasies (fig. 141516 à 17).

La lecture du lit cicatriciel est facilitée en cas de récidive : il n’y a pas de sutures à réaliser, donc pas de brides. De plus, il n’y a que très peu de myofibroblastes lors de la cicatrisation, donc pas de rétraction de la plaie.

• Frénectomie.

• Peeling, tatouage ou pigmentation ethnique.

• Hémangiome, lymphamgiome.

• Papillome, condylome.

• Operculisation d’implant.

• Traitement des péri-implantites.

• Chirurgie préprothétique : approfondissement vestibulaire, crêtes flottantes.

•  Gestion de la douleur aphteuse.

LES LASERS ERBIUM (ER-YAG ET ER,CR : YSGG) EN CHIRURGIE BUCCALE

Ce sont des lasers (Er-YAG 2 940 nm, Er,Cr : YSGG 2 780 nm) efficaces en chirurgie buccale du fait de leurs fortes absorptions dans l’eau, mais ils ne permettent pas une hémostase aussi efficace que le laser CO2.

Indications

• Frénectomie.

• Exérèse : épulis, fibrome, papillome, lichen plan, etc.

• Approfondissement de vestibule.

• Peeling, tatouage ou pigmentation ethnique.

• Operculisation d’implant.

• Résection apicale.

• Élongation coronaire.

• Ostéoplasties.

• Élargissement de crêtes osseuses fines (fig. 18a).

• Prélèvements osseux (fig. 18b).

• Forage en implantologie.

• Traitement des péri-implantites.

LES LASERS DIODES ET LE LASER ND-YAG EN CHIRURGIE BUCCALE

Les lasers diodes sont des lasers à semi-conducteurs (gallium arsenide, aluminium…).

Les lasers Nd-YAG sont des lasers dont la terre rare, le néodyme, dope le barreau de cristal d’ytrium aluminum galinéate.

L’énergie est distribuée par des fibres optiques en général de 200 µm ou 300 µm.

Le rayon a une pénétration tissulaire importante (4 à 6 mm) avec une bonne absorption dans les chromophores noirs (hémoglobine, bactéries et mélanine).

Indications

• Hémostase des petits vaisseaux.

• Chirurgie des tissus mous : beaucoup moins efficace que le laser CO2 avec plus de diffusion tissulaire et un effet thermique important pouvant générer une nécrose.

• Traitement des péri-implantites.

• PhotoDynamic Therapy (PDT) : utilisation d’agent photosensibilisant (type acide 5-aminolévulinique) qui, une fois activé, génère un stress oxydatif sur les tissus ciblés.

CONCLUSION

Les lasers tiennent aujourd’hui une place indéniable dans l’arsenal thérapeutique en chirurgie buccale. Le contrôle de la douleur postopératoire et l’orientation de la cicatrisation font que les lasers, en particulier le laser CO2, s’inscrivent dans une approche moderne en accord avec l’évolution de la discipline. Seuls des paramètres bien maîtrisés, en fonction de la situation clinique et des tissus cibles impliqués, permettent d’obtenir des résultats réitératifs qui mettent en jeu les processus cellulaires de biomodulation.

Lectures conseillées

Enwemeka CS, Parker JC, Dowdy DS, Harkness EE, Sanford LE, Woodruff LD. The efficacy of low-power lasers in tissue repair and pain control : a meta-analysis study. Photomed Laser Surg. 2004 Aug ; 22(4): 323-9.

Woodruff LD, Bounkeo JM, Brannon WM, Dawes KS, Barham CD, Waddell DL, ­Enwemeka CS. The efficacy of laser therapy in wound repair : a meta-analysis of the literature. Photomed Laser Surg. 2004 Jun ; 22(3): 241-7.

Rocca JP. Les lasers en odontologie. Éditions CdP. Rueil-Malmaison, 2006.