Depuis 6 ans, Marie Civel alterne vie professionnelle et vie personnelle. Le remplacement lui permet de s’engager comme chirurgien-dentiste dans des missions humanitaires, de voyager et de faire aussi beaucoup de sport. Elle a participé au trophée automobile Roses des sables en 2010.
Aussi débrouillarde que déterminée, cette jeune Bretonne de 31 ans vit ses passions sans concession.
Comment l’humanitaire est-il devenu une passion ?
Je suis partie 1 an en Nouvelle-Calédonie avec des amis pharmaciens, en 2004, une fois ma thèse terminée. Après avoir démarché tous les chirurgiens-dentistes de Nouméa, j’ai appris qu’il y avait un grand besoin de soins dans la population et j’ai travaillé de dispensaire en dispensaire. Même si j’ai dû beaucoup prendre sur moi au début pour surmonter ma peur – j’ai vécu là-bas mes expériences les plus marquantes –, je me suis sentie utile, et assez vite plutôt à l’aise dans cette pratique d’urgence.
Vous vous êtes engagée dans des ONG ?
Je ne suis pas engagée mais bénévole au sein d’associations humanitaires telles que Voiles sans Frontières1, dont le siège est à Lorient, et Munay2, qui est basée à Nantes. La première m’a envoyée, avec un chirurgien-dentiste de Sainte-Anne-d’Auray, à 4 heures de pirogue, dans les îles du delta du Sine-Saloum (Sénégal) pour une mission test et, par l’intermédiaire de la seconde, je suis allée soigner des enfants dans la cordillère des Andes au Pérou.
Et le sport automobile ?
J’adore le sport depuis toujours. Le Paris-Dakar était un rêve de mon père, qu’il n’aura pas accompli. Quand j’ai su qu’il existait un rallye auto plus accessible que le rallye des Gazelles, le trophée Roses des sables, j’ai été très tentée d’y participer. Après avoir suivi un stage d’entraînement en février 2010 avec une amie d’enfance, nous avons décidé de faire équipe ensemble.
Qu’est-ce qui vous a motivée dans cette course ?
Pour être parfaitement sincère, ce n’est pas le but humanitaire affiché (aide à l’association Les Enfants du désert), ni le goût de la vitesse puisque le trophée des Sables est une course d’orientation. Ce n’est pas non plus le désir de gagner, car je n’ai pas l’esprit de compétition. Ce qui m’a motivée, c’est l’envie de vivre une nouvelle expérience – se diriger à la boussole dans le désert pendant 10 jours, à bord d’un 4 × 4, sans se perdre complètement – et de se dépasser. Sans oublier aussi le défi de tout partager avec sa coéquipière, 24 heures sur 24, et de tout supporter.
Il faut être très volontaire et très pratique ?
C’est préférable (rire). Au Pérou, par exemple, j’ai dû travailler en plein air et sans eau courante, avec des moyens extrêmement restreints. Pour le trophée Rose des sables, il a fallu trouver un 4 × 4 fiable, convaincre des sponsors…
Cette liberté a-t-elle des contreparties ?
Oui bien sûr. Sur le plan personnel, je suis obligée de vivre avec un sac de voyage en permanence et m’adapter chaque fois, mais cela ne me gêne pas. Je ne gagne pas très bien ma vie mais je m’en contente, car c’est un choix. Sur le plan professionnel, c’est plus difficile car mon métier est également une passion. Je ressens des frustrations. Par exemple, je peux rarement suivre un plan de traitement dans sa totalité. J’ai aussi parfois du mal à suivre les formations nécessaires pour perfectionner ma pratique ou, quand je peux le faire, à pouvoir les mettre en œuvre.
Malgré ces limites, vous continuez ?
Oui, parce que je n’ai pas d’enfant pour l’instant, que j’adore à la fois partir puis rentrer en France où j’ai la chance d’exercer au sein de cabinets de chirurgiens-dentistes qui me comprennent et me soutiennent. J’exerce une activité que j’aime et je ne suis pas inquiète du lendemain. J’aurais davantage peur du poids de la routine, du quotidien.
À l’avenir, comment souhaiteriez-vous combiner votre vie professionnelle et vos passions ?
Dans l’idéal, je souhaiterais exercer en alternance et de façon complémentaire avec un chirurgien-dentiste qui aurait besoin des mêmes disponibilités que moi, au sein d’un cabinet, avec l’appui et l’organisation d’une équipe.
(1) Créée en 1997, Voiles sans Frontières (VSF) intervient en zones isolées, uniquement accessibles par voie maritime ou fluviale. Avec le concours de bateaux de grand voyage, VSF réalise des actions médico-sanitaires, mène des partenariats scolaires et éducatifs et des projets de développement au profit de populations enclavées. Ses zones d’intervention sont actuellement les fleuves Sine Saloum et la Casamance au Sénégal.
(2) Munay, qui signifie aimer en quechua (langue que parlent les Quechuas et qui fut celle des Incas), est une petite association nantaise. Créée en 1990, à l’initiative de Monique Manya, infirmière, et grâce à l’aide d’un médecin péruvien, elle soutient des projets de développement rural sans assistanat dans les domaines de la nutrition, de l’éducation, de la santé et de la protection infantile destinés aux populations paysannes de la cordillère des Andes au Pérou (région de Maras au début et d’Andahuaylas actuellement).
Cela fait maintenant 6 ans que Marie Civel exerce comme remplaçante. Elle a réussi à se constituer un réseau, on la connaît. Elle planifie son année parfois 1 an et au minimum 6 mois à l’avance avec des remplacements (elle travaille au moins 8 mois par an) qui lui permettront de partir. Sous une apparence fantaisiste, elle est en réalité un chirurgien-dentiste très organisée, condition sine qua non pour participer aux missions humanitaires.