Clinic n° 04 du 01/04/2011

 

ASSURANCE VIE

GÉRER

PATRIMOINE

Robert GROSSELIN  

Au-delà des considérations de rentabilité et de fiscalité, le cadre juridique et civil de l’assurance vie vient d’être fortement modifié pour les couples mariés en communauté. État des lieux et conseils.

L’assurance vie cumulait jusque-là tous les avantages, avec une fiscalité neutre pendant l’épargne et faible au dénouement, qu’il intervienne lors de retraits ou au décès. Ces vertus ont été progressivement écornées et seul l’avantage civil, celui qui permet de désigner les bénéficiaires de son choix en cas de décès, reste intact et contribue à justifier que l’assurance vie conserve une place majoritaire dans les placements financiers de chacun.

Nous avons évoqué, dans le numéro de février dernier, les considérations relatives à la rentabilité et incité à une réflexion stratégique sur l’état des contrats en cours. Nous abordons ici un autre aspect juridique, concernant plus particulièrement les époux mariés sous un régime de communauté avec, pour conseil principal, la nécessité de faire le point afin d’éviter aux siens, en cas de décès de l’un des époux, des désagréments financiers inattendus.

Lorsque les époux sont mariés en communauté ou sans contrat, ils développent pendant la durée du mariage un patrimoine réputé commun, quelle que soit, en règle générale, la contribution de chacun à cet enrichissement. Cependant, ils sont réputés conserver des avoirs individuels qu’on dénomme les biens propres (à chacun) parce qu’ils ont été reçus par donation, succession, ou qu’ils étaient détenus avant le mariage. Lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, l’origine et le devenir sont parfaitement identifiés. En revanche, lorsqu’il s’agit de biens financiers, la traçabilité n’est pas toujours aisée et elle concerne en particulier des capitaux placés sur des contrats d’assurance vie. Lors du décès, jusqu’à l’été dernier, seuls se dénouaient les contrats au nom du défunt, ceux du conjoint survivant restant un actif propre. Dorénavant, l’administration fiscale dit qu’il faut payer des droits de succession sur la moitié de la valeur des contrats dont le conjoint survivant est personnellement titulaire alors qu’ils ne se dénouent pas puisqu’il reste vivant.

On comprend l’extrême nécessité d’identifier les capitaux d’origine individuelle puisqu’ils ne doivent pas être concernés. Nous donnons à cet égard deux conseils. À ceux qui reçoivent des capitaux dits propres, il est sage de les placer sur un nouveau contrat, exclusivement dédié à recevoir ces capitaux individuels. À ceux qui avaient reçu par le passé des capitaux et les ont versés sur un contrat préexistant, donc commun, le conseil est de reconstituer le montant des capitaux concernés ainsi que leur progression. Et à tous d’établir un document dit déclaration d’emploi ou de remploi.

L’acte d’emploi ou de remploi, annexé à un contrat d’assurance vie, atteste de l’origine des capitaux. Il permet d’affirmer le caractère propre, c’est-à-dire individuel, démarche particulièrement nécessaire lorsque les époux sont mariés sous un régime de communauté. En effet, la concomitance d’un versement avec la perception d’une succession ne suffit pas aux juges pour les caractériser et, dans tous les cas, pourrait risquer de limiter son capital au montant versé sans prendre en compte les intérêts. Les conséquences sont aussi fâcheuses en cas de divorce que lors du décès. Par mesure de sécurité complémentaire, il est bienvenu de demander au conjoint d’attester de l’origine des fonds.

Quant à la majorité des capitaux, celle qui constitue un actif commun, il faut, pour éviter une taxation au décès du premier époux, reconsidérer ses contrats. S’il s’agit de capitaux à placer, on souscrira un nouveau contrat en souscription conjointe, c’est-à-dire Monsieur et Madame, avec dénouement au premier décès – et lorsque les enfants figurent dans la clause bénéficiaire – avec démembrement, le conjoint recevant l’usufruit (quasi-usufruit) et les enfants la nue-propriété. Cette formule exonère de toute fiscalité tant le conjoint survivant que les enfants.

La démarche de souscription de nouveaux contrats avec souscription conjointe peut aussi s’envisager par le remploi de capitaux issus de contrats d’assurance vie préexistants de plus de 8 ans d’antériorité. La taxation aux contributions sociales s’appliquant dorénavant aussi bien en cas de retrait qu’en cas de décès, les rachats ne constituent plus une erreur de stratégie, sauf pour des contrats souscrits ou alimentés avant 1998, ceux-ci bénéficiant encore d’avantages particuliers. La souscription conjointe retrouve donc des indications alors qu’elle était tombée en désuétude.

Mon conseil

Matthieu GROSSELIN, conseil en gestion de patrimoine, cabinet EGA

Les dernières années ont été riches en réfor­mes. Il faut les prendre en compte et s’adapter à la nouvelle donne, celle-ci ayant pour principale conséquence que, dorénavant, on n’hésite plus à racheter un ancien contrat pour en ouvrir de nouveaux dont les caractéristiques optimiseront la situation.

Les frais d’entrée dans de nouveaux contrats, désormais comprimés à un niveau modeste, et l’assujettissement aux contributions sociales, tant en cours de vie du contrat que lors du décès de l’assuré, suppriment les réticences antérieures. Parfois, on ira même jusqu’à penser que purger des plus-values de contrats aux taux actuels de contributions sociales peut s’avérer profitable. Dans tous les cas, ce ménage à l’intérieur de ses placements doit être opéré avant 70 ans et sans excès, c’est-à-dire sans être systématique. Une bonne lecture de sa situation patrimoniale indiquera rapidement les arbitrages à opérer.

En matière d’assu­rance vie, le check-up de sa situation comprend trois registres : l’allocation d’actifs, c’est-à-dire la contrepartie des placements, la rédaction des clauses bénéficiaires, c’est-à-dire l’attribution des capitaux en cas de décès, et le traitement fiscal, tant en cours de vie qu’à la suite du décès.