Crise du logement

Nous avons reçu, à la rédaction du journal, ce curieux objet accompagné d’une notice commerciale vantant ses mérites et précisant son mode d’emploi. Commercialisé par Komet, U-Box est un support pour instruments de petite taille, capable d’accueillir indifféremment et conjointement fraises, limes endodontiques, forets ou inserts de détartreur. Entièrement modulaire, il peut être structuré selon les besoins du praticien. Le dispositif est constitué d’un cadre en U en acier inox et de 5 barrettes perforées du même métal, s’emboîtant les unes au-dessus des autres dans des rainures ménagées dans le cadre. Un couvercle présentant des graduations millimétrées comme une réglette endodontique s’enclenche sur le dessus, achevant de rigidifier l’ensemble. Sur la face avant, dans sa partie inférieure, le boîtier affiche une barrette verticale, munie d’un curseur siliconé, servant à enregistrer le nombre de cycles de stérilisation.

Selon le concepteur, ce dispositif répond d’une manière rationnelle au problème de tous les praticiens : rassembler en un seul lieu de taille réduite l’ensemble de la petite instrumentation nécessaire à une séquence opératoire. Grâce à sa forme étudiée, on peut panacher à loisir limes manuelles ou mécanisées, fraises à contre-angle ou turbine, pointes à polir ou forets d’implantologie, afin de tout avoir immédiatement sous la main. L’ensemble, très compact, est facilement décontaminé en fin d’intervention par trempage dans le bac de prédésinfection, puis nettoyé dans un bac à ultrasons ou un thermodésinfecteur. Sa conception ajourée permet non seulement aux liquides d’atteindre parfaitement les instruments à nettoyer mais également de faciliter leur inspection avant l’emballage et la stérilisation.

Comment ne pas être séduit par cet argumentaire élogieux, accompagné, sur le prospectus, de plusieurs illustrations convaincantes. Il ne restait plus qu’à vérifier, en situation réelle, la pertinence de ces propos. Chaque étage, comprenez chaque barrette, est traversé de multiples perforations, de grande ou petite taille. J’ai commencé par y placer toutes les fraises que j’utilise en général, et aussi quelques instruments à canaux. Première constatation : les limes sont tellement proches les unes des autres qu’il est impossible de les saisir avec les doigts comme sur les séquenceurs classiques lorsque l’on veut s’en servir. Il faut obligatoirement des précelles pour cela. Placées sur plusieurs rangées, elles deviennent également très difficiles à distinguer en vue latérale. De ce fait, leurs parties travaillantes sont pratiquement impossibles à inspecter à la recherche d’une éventuelle déformation ou souillure persistante.

Pour les fraises, c’est pareil, mais en pire. Le support étant en acier, elles se confondent avec lui dans cet environnement tout gris. Les fraises courtes affleurent à peine au-dessus du dernier étage, les plus longues en débordent un peu trop. J’ai voulu voir si je pouvais mieux placer ces instruments en retirant la barrette supérieure. Le cadre étant élastique et souple, cette opération s’avère très facile. Ce faisant, hélas, on déplace immanquablement chacun des autres étages. L’édifice, tout de guingois, ressemble alors à un building ébranlé par un tremblement de terre. Inutile d’insister sur l’agacement et le temps gaspillé à réordonner tout cela pour, finalement, revenir au point de départ : le retrait de l’étage du dessus ne fait que compliquer les choses. Les fraises n’étant plus suffisamment maintenues, elles prennent des positions obliques impossibles à contrôler.

Je me suis demandé si cet échec était dû à une maladresse de ma part ou à une faiblesse de conception du matériel. Estimant qu’en tant que chirurgien-dentiste, je ne devais pas être plus malhabile que la plupart des individus de ce pays, j’ai finalement opté pour la seconde hypothèse. Quoi qu’il en soit, un fabricant devrait toujours penser à ses utilisateurs les moins doués lorsqu’il lance un nouveau produit. Je crains qu’en l’espèce, cet objectif soit assez difficilement atteint.

En lisant plus attentivement la notice, j’ai découvert qu’U-Box a été conçu par la société Stériex. Celle-ci a mis au point un nouveau concept de stérilisation externalisée. Le principe consiste à livrer à cet organisme tout son matériel souillé afin qu’il soit traité dans les règles de l’art et livré stérile selon des standards de qualité irréprochables. On comprend, dès lors, l’intérêt du prestataire de services à recevoir des dispositifs les plus compacts possibles rassemblant le maximum de petit matériel pour réduire les volumes à traiter. C’est oublier qu’au-delà d’un certain point, la miniaturisation devient un vrai handicap pour l’utilisateur final. Accumuler, même en ordre, autant de matériel dans un si petit espace devient un non-sens. Il existe sur le marché des séquenceurs de fraises et d’instruments endodontiques très simples, peu encombrants et parfaitement adaptés à nos exigences, sans avoir besoin de systèmes plus ambitieux.