Clinic n° 04 du 01/04/2011

 

GÉRER

ÉQUIPE ET ESPACE

Fanny GRÉGOIRE  

Un très beau cabinet, c’est souvent un rêve. Un cabinet où l’on se sent bien, c’est une réalité à la portée de chaque praticien. Même quand il s’agit d’aménager un petit cabinet présentant de nombreuses contraintes. À condition de savoir se projeter et de savoir s’y prendre. Partage d’expériences.

« Votre cabinet, c’est comme un meuble Ikea. Pour qu’il puisse ressembler à la photo et résister aux charges que l’on mettra dessus, il faut d’abord lire et comprendre le mode d’emploi afin de l’assembler correctement pour qu’il soit beau et fonctionnel. Les différents référentiels édités par le ministère de la Santé, la HAS, l’AFAC, les guides de l’ADF, les livres et la presse médicale, sont autant de modes d’emploi… Aussi médiocre que soit votre local professionnel, ne baissez pas les bras. Mettre en évidence ses défauts et ses contraintes est le point de départ d’une réflexion profonde qui permettra de concevoir un réaménagement de votre cabinet. »

D’emblée, Franck Bellaïche donne le ton, dédramatise et simplifie. Son intervention au dernier congrès de l’ADF – au sein de la conférence « Le cabinet dentaire idéal » – a remporté un vif succès. Pour montrer comment tirer parti d’un cabinet présentant de nombreux défauts et en faire, à condition de le vouloir et de savoir ce que l’on veut, un cabinet en adéquation avec le type de pratique que l’on a choisi d’exercer, l’intervenant est parti de sa propre expérience.

Une transformation par petites touches

Schéma classique, en 2004, Franck Bellaïche a l’occasion de reprendre le cabinet dans lequel il a exercé en tant que collaborateur. Jeune – diplômé en 1997 – et confiant, il le rachète, sans se poser trop de questions. Il s’agit d’un petit cabinet dans un modeste pavillon implanté en zone rurale, à Boissy-l’Aillerie (95), à une cinquantaine de kilomètres de Paris. Il appartenait à un couple de chirurgiens-dentistes qui a exercé pendant 25 ans, sans y apporter de modernisation. Entouré d’une cour, il présente une surface utile inférieure à 50 m2 sur 2 niveaux : une salle d’attente ainsi qu’une salle de soins au rez-de-chaussée et, à l’étage, un bureau avec la seconde salle de soins.

Les salles de soins se résument à un fauteuil faiblement équipé – « fraisiers apparents sur la tablette et instrumentation en vrac dans les tiroirs » – avec des fils courant partout. Ce n’est pas ce que l’on peut rêver de mieux ! En 2004 et 2005, Franck Bellaïche doit se contenter de petits travaux d’électricité, indispensables pour la sécurité, et de peinture. Dès que possible, il fait installer des toilettes au rez-de-chaussée. Une priorité en termes d’hygiène puisque, jusque-là, une même pièce à l’étage abritait les toilettes et la stérilisation. Cette fois, il s’agit de travaux qui nécessitent une autorisation de la Direction départementale de l’équipement (DDE) puisqu’ils portent sur la création d’un appendice de 3 m2. Prévus pour 20 jours, ils dureront 2 mois en raison de difficultés techniques imprévues. Franck Bellaïche dirige son cabinet avec la même méthode de travail que ses prédécesseurs, tout en poursuivant des aménagements d’appoint sommaires jusqu’en 2006.

Les premiers temps, où le jeune omnipraticien exerce sans assistante, sont difficiles. «  Pendant 1 an et demi, j’ai travaillé plus de 60 heures par semaine. Ce n’était plus possible de continuer comme cela. »

Nouveau départ

Début 2006, point de départ d’une réflexion personnelle menée avec un coach professionnel, Franck Bellaïche découvre qu’il y a une autre façon de travailler et il décide de s’en donner les moyens. Il suit plusieurs cycles de formations médicales ainsi que d’autres en organisation et en gestion de cabinet lui permettant d’acquérir de bonnes méthodes de travail, une vision assez large de sa pratique et un perfectionnement important dans de nombreuses disciplines dentaires. Une habitude qu’il n’a pas lâchée depuis, affirme-t-il, allant jusqu’à 15 formations par an, car « plus on suit de formations, plus on étoffe l’offre de soins. Cela permet d’offrir à nos patients le choix d’une meilleure thérapeutique et, sur le plan personnel, c’est un moteur extraordinaire ».

Il passe rapidement à la mise en pratique avec pour objectif principal de travailler mieux avec moins de stress, moins de fatigue, et de façon plus qualitative. Toujours en 2006, il embauche une première assistante pour s’occuper des tâches administratives et une seconde, dès l’année suivante, après s’être formé en implantologie.

Côté installation, de 2007 à 2010, il entreprend des travaux et des aménagements d’envergure cette fois, en fonction d’un cahier des charges qu’il a établi pour coller à l’évolution de sa pratique professionnelle telle qu’il l’a projetée. Les travaux de fond confiés à un maître d’œuvre sont exécutés sans problèmes pendant l’été 2007. La cour est transformée en jardin soigné, les toilettes extérieures réaménagées en salle de prophylaxie, le rez-de-chaussée repensé pour privilégier l’accueil du patient. Une radio panoramique 3D permet de montrer aux patients leurs clichés. L’escalier, équipé de marches antidérapantes, conduit à l’étage où sont maintenant regroupées les 2 salles de soins – clones – ainsi que la salle de stérilisation (transformations successives de 2004 à 2010 par petites touches). Toutes les trois bénéficient aujourd’hui d’une organisation extrêmement bien pensée et du meilleur de la technologie, pour faciliter chaque geste du praticien. Tout l’équipement du fauteuil a été conçu pour faciliter l’ergonomie du travail, en privilégiant l’instrumentation sans fil (périphériques et microscope). Le poste de travail laisse une place importante à l’assistante clinique, permettant un travail à quatre mains. Enfin, une tablette triangulaire surmontée d’un écran tactile (avec un logiciel de démonstration dentaire) assure une transmission de l’information optimale au patient.

Bien sûr, toutes les contraintes identifiées n’ont pas trouvé une solution satisfaisante à 100 %. En particulier, il n’a pas été possible d’aménager ce cabinet pour répondre aux normes d’accessibilité prévues pour 2015 (cabinet en étage). Toutefois, l’expérience de Frank Bellaïche montre qu’une remise en question régulière assortie d’une forte motivation permet de concrétiser un projet de réaménagement pour servir la pratique d’un omnipraticien au fur et à mesure de l’évolution de sa pratique professionnelle.

Le « cabinet idéal » n’existe pas, mais le chemin qui y mène offre une aventure exceptionnelle avec des perspectives professionnelles variées ainsi qu’une expérience personnelle et humaine des plus enrichissantes.

Sources bibliographiques

• Binhas E. S’installer, déménager, réaménager son cabinet dentaire. Rueil-Malmaison : CdP, 2008.

• Missika P, Drouhet G. Hygiène, asepsie, ergonomie, un défi permanent. Rueil-Malmaison : CdP, 2001.

• Évaluation des risques professionnels en cabinet dentaire. Dossier ADF.

• Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie. www.santé.gouv.fr

• Guide d’installation des cabinets dentaires. Dossier ADF.

Repenser son projet de cabinet

Comment amorcer le changement ?

Il faut savoir ce que l’on veut. Dans un premier temps, il est impor­tant de commencer par inscrire noir sur blanc la liste de ses attentes personnelles, celles des ­assis­tantes et celles des patients puis, dans un second temps, faire reposer la conception du cabinet sur des notions précises, dites « piliers », constituants incontournables de notre vision.

Quels sont mes buts personnels et professionnels en tant que praticien ?

• Travail agréable.

• Moins de stress.

• Satisfaction professionnelle.

• Plus-value du cabinet.

• Satisfaction des patients.

• Fidélisation et renouvellement des patients.

• Sécurité financière.

• Plus de temps personnel, etc.

Quels piliers ?

• Réglementation, gestion, locaux, personnel, formation.

• Offre de soins, organisation administrative, organisation clinique.

• Système de contrôle et d’amélioration, investissement.

Établir une autoévaluation

Après avoir analysé au mieux les réglementations, et identifié les attentes des trois acteurs principaux que sont le patient, le praticien et les assistantes, il est facile d’établir une courte check-list d’autoévaluation regroupant tous les points de contrôle. Recourir à ce type de check-list d’autoévaluation permet de pointer les dysfonctionnements pour remettre son cabinet à niveau. C’est l’exercice auquel s’est livré Franck Bellaïche en 2010, en faisant un bilan sans complaisance des aménagements qu’il a apportés successivement à son cabinet.

• Beau, agréable : oui/non.

• Propre, aseptique : oui.

• Bonne odeur : oui.

• Image de marque : oui/non.

• Réglementaire : oui/non.

• Technologique : oui/non.

• Fonctionnel : oui/non.

• Ergonomique : oui/non.

• Aménagement : oui/non.

• Évolutif : non.

• Accessible : non.