TRIBUNE
La pression démographique et les carnets de rendez-vous surchargés ont conduit des chirurgiens-dentistes à plus de fermeté vis-à-vis des patients « pas sérieux » qui manquent leurs rendez-vous, voire à ne plus prendre de patients nouveaux qui ne soient pas recommandés. Indépendamment des conditions démographiques, les praticiens posent des limites aux travaux demandés par les patients.
Il m’arrive très souvent de refuser de nouveaux patients, car la démographie professionnelle est devenue problématique. Dans mon secteur, deux chirurgiens-dentistes sont partis en retraite sans être remplacés. Je dois donc utiliser le temps à bon escient. Quand je prends en charge un nouveau patient, je traite l’urgence si c’est le cas, puis je teste sa motivation. Il est difficile de perdre des heures de pédagogie pour des patients qui n’accordent que très peu d’importance à leurs dents. Si le patient adhère à mes explications, s’il comprend et accepte les pathologies présentes dans sa bouche, j’élabore un plan de traitement global. Si par contre le patient ne veut s’en tenir qu’aux soins prioritaires – c’est son droit – justifiés par une douleur ou une gêne esthétique, je réalise ces soins mais en l’informant – c’est un devoir – que j’ai constaté d’autres problèmes, et que je suis disponible pour approfondir la question quand il sera prêt. J’ai par ailleurs prévenu mes patients que je ne pouvais plus en prendre de nouveaux. Je leur ai rappelé l’importance de la ponctualité et les ai prévenus qu’un rendez-vous manqué leur coûterait 30 euros non remboursés. Conséquence inattendue pour moi : mes patients me demandent la faveur de soigner telle ou telle de leur connaissance. Finalement, cette situation m’a permis d’améliorer le degré d’engagement et de motivation de mes patients.
Oui, je refuse souvent de nouveaux patients. J’ai une importante clientèle constituée depuis plusieurs décennies et qui comprend des familles sur trois générations. Mon planning est complet sur plusieurs mois. Je refuse tout d’abord tous les patients non recommandés car je n’aurais plus d’espace-temps disponible pour mes anciens patients et leurs parents. Je garde quelques créneaux pour les patients cancéreux. Naturellement, je refuse de soigner les patients qui n’ont pas une bonne aptitude à l’exactitude. Il m’est aussi arrivé dans de rares cas de refuser certains travaux lorsque je percevais un désaccord avec le patient qui pouvait pousser à la faute.
Je ne refuse jamais de patients. Il peut m’arriver de refuser d’effectuer des travaux parce qu’ils sont nocifs comme la pose de bijoux sur les dents ou la pose d’une prothèse fixe lorsque la personne a une hygiène déplorable. Je refuse aussi de soigner des patients qui s’opposent au soin que j’estime absolument nécessaire. Ce fut le cas d’un homme reçu en urgence qui ne voulait pas d’une pulpectomie alors qu’il avait une pulpite ou de cet autre qui réclamait une extraction immédiate alors qu’il était auparavant nécessaire de traiter l’infection. J’ai aussi mis un terme aux soins apportés à une patiente qui était une insatisfaite chronique !