Clinic n° 03 du 01/03/2011

 

GÉRER

PASSIONS

Fanny GRÉGOIRE  

Praticien à Paris dans le VIIe arrondissement, Christian Chaufour, 55 ans, navigue en Bretagne du Nord. Après avoir participé sur des bateaux modernes aux plus grandes courses de voile, comme la Fasnet en mer d’Irlande, il s’est passionné pour les voiliers de tradition. Au-delà de son goût pour les vieux gréements, c’est un certain art de vivre – l’esprit du yachting classique – qui l’anime.

D’amateur, vous êtes devenu un passionné. Quel a été l’élément déclencheur ?

Ma passion réelle pour les vieux gréements remonte à une ­dizaine d’années. Elle date de ma rencon­tre avec Philippe Menhinick. Il m’a parlé de son bateau, le fabuleux Nan of Fife, et j’ai été conquis. Ce voilier, qui affiche 25 mètres hors tout (20 m de coque) et 306 m2 de voiles, a été construit en 1896, 2 ans avant Pen Duick, le bateau d’Eric Tabarly, également réalisé par William Fife Junior en Écosse. C’est aujourd’hui le plus ancien et le plus beau yacht français en état de naviguer, grâce au formidable travail de restauration entrepris par Philippe Menhinick lui-même pendant 2 ans.

Qu’est-ce qui vous séduit dans le yachting classique ?

L’esthétique des bateaux, la beauté et la magie des courses ainsi que les valeurs d’un sport authentique que je peux partager avec un milieu de connaisseurs.

Avez-vous barré vous-même le Nan of Fife ?

Oui, épisodiquement. Nan est un bateau à la fois très technique et très difficile à manœuvrer qui nécessi­te un équipage de 15 personnes. J’étais très heureux d’en faire partie comme membre d’équipage. En effet, de 2001 à 2006, je l’ai loué avec des amis pendant quelques semaines pour participer aux Régates royales de Cannes et aux Voiles de Saint-Tropez où régatent les plus beaux bateaux du monde.

Avez-vous eu d’autres coups de cœur ?

J’ai racheté un Morning 34 – le sister ship de Morning Cloud, le bateau ayant appartenu à Edward Heath, Premier ministre britannique – et j’ai pu le garder 3 ans, de 2002 à 2005. Ce yacht m’a ­perm­is de particip­er aux régates Cowes-Dinard, 165 miles, compétition annuelle entre l’île de Wight et la capitale de la Côte d’Émeraude. Cette course mythique, créée en 1906 sous l’impulsion du roi d’Angleterre Édouard VII, rassemble chaque année de 120 à 130 unités de toutes tailles.

Dinard est-il votre port d’attache ?

Oui, car c’est à Dinard, où mon grand-père avait une villa, que j’ai fait mes débuts à la voile. J’avais 10 ans. À 19 ans, j’ai eu mon premi­er bateau en bois, un Beloug­a. À 28 ans, j’ai acheté mon premier Requin, Mao ti toi.

Aujourd’hui, vous êtes toujours fidèle au Requin ?

Doenna est mon quatrième Requin. Réalisé par les chantiers Bertin en 1962, c’est sans doute le plus beau de la flotte (n° 232). Il a été présenté au Salon nautique de Paris de 2010, par l’AFPR (Association française des propriétaires de Requins) dont je suis le vice-président depuis 4 ans. Avec Pascal Civel, son précédent propriétaire, chirurgien-dentiste égale­ment, il a été 3 fois champion de France : en 2002 à Saint-Quay-Portrieux, en 2005 à Arcachon et en 2006 à La Trinité.

N’avez-vous pas été tenté de passer au Dragon ?

Effectivement, beaucoup de propriétaires de Requin peuvent préférer le Dragon, qui a une tout aussi belle ligne mais qui a une activité de régate plus importante, en particulier internationale. Ce n’est pas mon cas. Le Requin marche mieux par petit temps et il a l’avantage d’avoir une cabine, ce qui permet d’aller plus au large. C’était très appréciable au début, avec mes fils en bas âge.

Le sponsoring est-il interdit en yachting classique ?

Les noms des sponsors ne peuvent pas apparaître, ni sur les voiles ni sur la coque des bateaux. Un voilier d’exception comme le Nan of Fife est sponsorisé, sans aucun signe apparent, par Rhum Clément depuis sa restauration.

Quel est votre programme de courses pour 2011 ?

Pour le moment, a priori, du 14 au 17 juillet, les Voiles Classiques de La Trinité, à bord d’un très beau 8 mètres JI de 1924, avec des amis. À Noirmoutier avec le Requin fin juillet, la Lancel Classique, et mi-août, les régates du Bois-de-La-Chaize. Enfin peut-être en septembre, les Voiles de Saint-Trope­z, si j’obtiens une dérogation pour courir avec Doenna (bateau de moins de 10 mètres).

Comment conciliez-vous navigation et exercice ?

Pour le moment, je me consacre à mon activité professionnelle. Je pratique essentiellement l’implantologie et la prothèse sur implant. Les deux autres chirurgiens-dentistes s’occupent l’une des soins, l’autre de la parodontie. Je ne pourrai pas consacrer vraiment plus de temps à la navigation avant d’avoir 65 ans, c’est-à-dire pas avant d’avoir acheté les murs de mon cabinet. Toutefois, j’espère, d’ici à 3 ans, pouvoir passer à la semaine de 4 jours.

L’appellation « yachting classique »

En réalité, il n’y a pas de définition bien précise. Cette appellation varie en fonction de chaque club. Mais pour les compétitions, le CIM (Comité international de Méditerranée), par exemple, se montre vigilant lors des jauges initiales des yachts comme des autres voiliers en compétition.

Les 80 ans du Requin

En 2010, le Requin a fêté ses 80 ans, salués par la sortie d’un livre Voilier de légende, le Requin. Il s’agit d’un ouvrage d’une centaine de pages, le premier du genre concernant le Requin, avec 250 photographies d’Yves Suinat. Il est édité par l’Association française des propriétaires de Requins (sur commande, sur le site de l’association, www.classe-requin.fr).