Quel que soit le rendement, enfin connu, de son contrat d’assurance vie pour l’année 2010, ce ne sont plus dorénavant les chiffres qui comptent. Les meilleurs gestionnaires sont victimes de l’impéritie des États. Ce qu’il faut comprendre.
Contrairement au ressenti, l’année 2010 a été très bonne pour les placements en actions, même si le CAC 40 a reculé. Que l’on juge la performance des fonds à faible volatilité – moins de 10 % – ou ceux dont le potentiel de variation se situe au niveau des actions du CAC 40 (compter 25 %). Les premiers ont servi entre 5 et 10 % de plus-values, les seconds entre 10 et 25 %. Ces chiffres dérangent mais ils sont une réalité. Ils dérangent parce que la grande majorité des épargnants, échaudés par les pertes du début de la décennie (2001 à 2003) et de la crise financière (2007-2008) se sont réfugiés dans les fonds en euros, classés sécuritaires parce que la loi leur garantit une rémunération annuelle positive. Mais voilà que non seulement les rendements se « ratatinent » mais qu’en plus, ayant pour contrepartie majoritaire des obligations des États de la zone euro, on s’interroge sur la véritable sécurité de ces créances. En un mot, sur la capacité des États concernés à rembourser à l’avenir et à l’échéance leur dette. La préoccupation est telle que la Banque centrale européenne a dû recapitaliser, renforcer donc sa propre capacité financière en procédant à une augmentation de capital. L’argent circule, change de camp, mais il n’y a pas création de richesse. Tout cela incite à la prudence.
La préoccupation est donc légitime pour les épargnants qui doivent dorénavant connaître les caractéristiques de leurs fonds en euros comme ils le faisaient auparavant pour les fonds en actions. Il leur revient, par prudence, d’interroger leur assureur ou leur CGP (Conseil en gestion de patrimoine) sur le contenu de leur fonds en euros et la manière d’en évaluer l’actif, tout comme l’état comptable de ses réserves.
Cette situation, dont les gouvernements aux budgets dispendieux sont les seuls responsables, est injuste vis-à-vis de certains gérants qui ont piloté leurs fonds euros avec talent au cours des 15 dernières années. Le fonds en euros a-t-il vécu, tout comme se sont éteintes les Sicav monétaires il y a 10 ans ?
Cette catégorie d’épargne, malmenée en outre par les ministères du Budget depuis quelques années, est affectée par la baisse du taux des obligations d’État. Elle constitue pour nos lecteurs la quasi-totalité de leur épargne dédiée à compléter leurs allocations de retraite le moment venu. Il convient donc, pour leur parfaite information, de rappeler plusieurs modalités de fonctionnement des fonds en euros.
Les compagnies d’assurance sont tenues de disposer de réserves, définies par la loi et renforcées en 2010, susceptibles de couvrir une fraction de leur engagement vis-à-vis des épargnants. Mais une fraction seulement.
Les gérants de chaque fonds se définissent une politique d’allocation des avoirs collectés, la majorité étant en obligations, au sein desquelles les obligations d’État sont majoritaires. Mais leur notation actuellement de qualité peut, demain, être dégradée, ce qui signifiera qu’il y a risque. À côté de ces obligations, on trouve une poche d’actions (de 3 à 7 %, selon les compagnies) et de l’immobilier. Dans la comptabilité de l’assureur, les obligations d’État sont réputées valoir leur montant nominal pendant toute leur vie, bien que le cours de l’obligation fluctue, comme celui d’une action.
Autant il y a de fonds en euros, autant il y a de situations différentes, à l’exception de taux minimum de rendement garanti par la loi. De cette situation découle la politique de chaque compagnie, celle-ci disposant du droit de déterminer, en décembre ou en janvier, le pourcentage qu’elle va servir en rémunération de l’année écoulée.
Et là, tout est permis. Si la performance des placements internes et l’état des réserves sont fondamentaux, c’est la politique commerciale de l’établissement qui constitue, en fait, l’élément déterminant.
Si la compagnie a décidé de fermer à la souscription un fonds en euros, elle se contentera du « minimum syndical ». Si elle veut conquérir des souscriptions l’année suivante, elle dopera son rendement. La loi interdit heureusement, depuis l’été 2010, d’offrir des promotions de rendement aux nouveaux venus. D’usage courant jusqu’à récemment, cette pratique ne coûtait rien à la compagnie puisque ce sont les épargnants en place qui réglaient les frais de cette promotion. Pas très moral !
Matthieu GROSSELIN, gestion de patrimoine – Cabinet EGA
• Demander à son CGP ou à la compagnie, ou à sa mutuelle, la composition de son fonds en euros pour en apprécier la solvabilité et les perspectives de rémunération.
• Conserver une part majoritaire de ses avoirs financiers sur des fonds en euros mais en diversifiant sur plusieurs contrats ou dans un contrat d’assurance vie offrant plusieurs fonds en euros permettant des arbitrages internes.
• Allouer une fraction de ses avoirs sur des OPCVM à faible volatilité (moins de 10 %) susceptibles de battre significativement les fonds en euros.
• Maintenir une poche significative (15 à 25 % selon son âge et le montant de son épargne) sur des fonds en actions, dits dynamiques à volatilité comprise entre 10 et 25 %, éventuellement assortis du stop loss et de l’écrêtement des plus-values, pour profiter de la volatilité générale des marchés.
• Ne pas hésiter à ouvrir de nouveaux contrats d’assurance vie ou contrats de capitalisation pour bénéficier de structures récentes, intégrant en particulier les parts de SCPI.
• Enfin, ne pas se laisser contaminer par la morosité ambiante : 3 % de rendement si l’inflation reste à 1,5 %, c’est positif, et se rappeler que l’économie mondiale, dont profiteront les entreprises européennes, a beaucoup plus de croissance que les pays de la CEE.