Elle n’a toujours eu qu’une idée en tête : piloter. Enthousiaste et persévérante, Kathy Theimer* a fini par réaliser son rêve. Diplômée de la faculté de chirurgie dentaire de Paris Descartes (Montrouge) en 1985, elle continue d’exercer avec passion, mais s’envole à bord de son biplan dès qu’elle le peut. Aujourd’hui, sa priorité est d’allier enfin ses compétences dentaires et aéronautiques en les mettant au service d’une cause humanitaire.
D’où vous vient cette envie de voler ?
Depuis toute petite. Je ne sais pas vraiment pourquoi… Nous prenions souvent l’avion avec mes parents pour voyager à l’étranger et j’adorais traîner dans les aéro-ports… Et puis, lorsque nous étions en vacances à Juan-les-Pins, je passais mon temps à regarder les avions au-dessus de la plage : ils allaient atterrir sur la finale de l’aéroport de Nice qui est juste à côté.
Vos parents ont-ils eu une influence sur votre désir ?
C’est plutôt l’inverse. Pour eux, piloter était un métier d’homme et, en plus, dangereux.
Quand avez-vous eu le déclic ?
Tout a changé après la naissance de ma seconde fille. J’ai soigné un pilote de ligne et je me suis jetée à l’eau : je lui ai demandé comment m’y prendre. Il m’a amenée sur un aérodrome et le reste a suivi : tours d’avion, formation d’une année…
Pourquoi avoir tant attendu pour voler ?
C’était compliqué pour moi d’aller contre la volonté de mes parents. De plus, j’étais timide et réservée. J’ai pourtant passé un brevet d’initiation aéronautique à l’âge de 16 ans mais, après, je n’ai pas voulu me battre, pour ne pas les décevoir, même si j’en souffrais. Je me suis investie dans la dentisterie et je ne le regrette pas car j’ai rencontré un professeur de faculté unique, Michel Degrange, qui m’a transmis son savoir et sa passion.
Regrettez-vous de n’avoir pas été pilote de ligne ?
J’ai été comblée : deux enfants et un métier qui me passionne. J’aime le contact que j’ai avec les patients, faire des soins qui soulagent, trouver des solutions…
L’aviation est-elle réservée aux hommes ?
Le milieu de l’aéronautique est plutôt macho. Une femme qui pilote, ça pose un problème aux hommes. En ce qui me concerne, il a fallu du temps mais, petit à petit, en persévérant, ce milieu a fini par m’accepter.
Vous avez votre propre avion…
Un Stampe, oui, depuis 4 ans. C’est un biplan, en bois et en toile, de 1947. Il est gris et jaune et complètement refait, avec un moteur moderne. Je peux piloter, faire des petits tours ou de la voltige dès que j’en ai envie, car dans les aéroclubs il faut parfois réserver jusqu’à 2 mois à l’avance.
Comment l’avez-vous déniché ?
Un peu par hasard… Quand je l’ai vu, ça a été le coup de foudre. J’ai raclé mes fonds de tiroirs et je lui ai trouvé un hangar à Saint-Cyr-l’École. Un de mes amis qui est mécanicien s’occupe de son entretien. Cet avion, c’est ma danseuse.
Vous déplacez-vous souvent avec lui ?
Bien sûr. C’est un avion mythique, quand vous arrivez sur un aérodrome avec un avion comme celui-là, on vous trouve toujours une place dans un hangar. C’est comme une belle voiture de collection.
Vous faites de la voltige…
Oui… J’aime monter à la verticale puis, quand j’arrive « en haut » et que le moteur se retrouve à l’arrêt, l’avion bascule et se repositionne à la verticale mais l’avant face à la terre. Ensuite, je récupère le vol à plat. C’est difficile d’expliquer ce que je ressens, mais j’aime les sensations fortes de ce genre. Et je n’ai pas peur.
Rien ne vous semble difficile ?
Si, bien sûr. Affronter une météo difficile, atterrir lorsqu’il y a beaucoup de vent, avoir le soleil en face et ne rien voir…
Un souvenir marquant ?
Lors d’un vol, pendant ma formation de pilote, j’ai mal atterri : j’ai rebondi et cassé le train de l’avion. J’ai eu beaucoup de mal à me débarrasser de cet échec.
Votre plus beau vol ?
En montagne, dans les Alpes, au-dessus de la vallée Blanche, du Mont-Blanc… Entre le soleil, la neige et les nuages, les paysages sont féeriques.
Vous projetez de mettre vos compétences au profit d’une œuvre humanitaire ?
Je souhaite apporter mon aide aux populations qui en ont besoin. J’ai découvert l’existence d’ASI (Actions de solidarité internationale**), une ONG qui organise chaque année, sur des avions de tourisme, un périple en Afrique et qui travaille sur le long terme par le soutien d’initiatives locales.
Quelle pourrait être votre aide ?
Cette année, j’avais prévu d’emporter à bord de mon avion du matériel dentaire pour pouvoir, lors de mes escales, soigner sur place mais aussi former mes confrères africains et faire de la prévention. Malheureusement, pour les raisons géopolitiques que nous connaissons, il est impossible d’effectuer un tel périple dans des conditions de sécurité acceptables.
Alors, qu’allez-vous faire ?
Je vais poursuivre cet engagement par moi-même, choisir une destination et assurer un suivi à long terme. J’ai des idées : Madagascar notamment.
Que vous apporte l’aviation ?
La liberté et le plaisir. En plein vol, j’oublie tout…