INTERVIEW
Patrick HESCOT et Alain Moutarde, qui ont élaboré le rapport de la mission Handicap et santé bucco-dentaire, expliquent les évolutions proposées de l’organisation des soins.
Se donner les moyens de lisser ce qui empêche les personnes en situation de handicap d’avoir accès au droit commun. Le bâti fait déjà l’objet d’une réglementation. Nous nous sommes intéressés à la manière de lever des freins beaucoup plus sensibles et délicats.
Les réseaux de soins spécifiquement dentaires sont très louables. Ils ont apporté une solution au problème de la prise en charge de la personne handicapée. Ils ont mis au point des solutions de terrain très pragmatiques alors qu’il y avait un vide dans ce domaine. Aujourd’hui, il faut aller plus loin. On ne peut pas garder des réseaux purement bucco-dentaires car la problématique du handicap est liée à de nombreux autres domaines de la santé : à la mobilité, à la nutrition, éventuellement aussi au diabète ou à des problèmes cardiaques… Le volet dentaire doit donc s’intégrer dans un système de prise en charge plus vaste. Le rapport ambitionne la mise en place de mesures de santé publique globales. Il s’agit non pas de « créer des réseaux » mais de « mettre en réseau » des structures de santé accessibles à tous, parmi lesquelles certaines permettent de compenser le handicap.
Lors de la remise du rapport, Mme Morano a estimé intéressant, pour favoriser un maillage territorial, de nommer un chirurgien-dentiste dans chaque maison départementale de la personne handicapée (MDPH). Il ne serait pas un super-soignant du département. Son rôle serait d’orienter le patient en fonction de son handicap vers la structure la plus adéquate, et ce en collaboration avec les praticiens qui auront l’aptitude à prendre en charge la personne handicapée immédiatement. Les conseils départementaux sont bien placés pour désigner ce chirurgien-dentiste.
C’est avant tout un rapport de santé publique. Il n’y a donc pas de raison pour qu’un changement de ministre empêche la mise en œuvre des mesures. Et puis, ce rapport est très pragmatique. Les actions peuvent être rapidement appliquées en s’appuyant sur la profession.
Nous mettons en évidence que la profession, à 93 % libérale, s’était autosaisie du dossier avec passion mais qu’elle n’avait pas toujours été soutenue. Ce ne sont pas les idées ni les moyens humains qui manquent mais la mise en avant et la modélisation des actions les plus cohérentes pour les généraliser.
C’est une idée chère à l’UFSBD. Nous considérons qu’à côté du paiement à l’acte, il faudrait des paiements au forfait ou per capita. Cette idée commence à faire son chemin dans la profession. Lors du dernier séminaire de l’ADF, il n’y a pas eu d’opposition radicale à la forfaitisation sur certains actes. Les participants ont estimé qu’une réflexion était à mener sur le sujet. Et que la prévention, en particulier à l’égard des personnes handicapées, pouvait servir de support à une expérimentation.
D’abord, le praticien libéral et la personne en situation de handicap ont une certaine appréhension l’un par rapport à l’autre et se méconnaissent. Une fois les barrières tombées, le problème disparaîtra. L’expérience de praticiens qui se sont impliqués, dans certains départements, dans la problématique du handicap et de la santé bucco-dentaire le montre. Cela dit, il revient aux syndicats d’avoir le courage et la volonté de défendre, dans le cadre des négociations pour la convention en 2011, une prise en charge valorisée d’au moins 50 % partout en France. Car il y a unanimité sur le fait qu’un soin à une personne handicapée nécessite de prendre le double de temps que d’habitude.
• Un forfait annuel de prévention, fixe quel que soit le nombre de visites, la difficulté de l’acte et le temps passé. Il serait pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie. Son montant inclurait le bilan et les soins de prévention. Ce système de forfait pourrait être utilisé au moment de l’entrée d’une personne dans un institut médico-éducatif (IME).
• Une extension du programme de soutien à M’T dents dans les IME qui comprend des séances de sensibilisation et de motivation animées par la profession dentaire en CP et en 5e.
• Des outils de communication spécifiques serviraient de support aux praticiens pour expliquer et rassurer. Les outils seraient « testés » dans une centaine de cabinets dentaires « pilotes » et volontaires, avant d’être généralisés.
• Un kit de prévention bucco-dentaire pour sensibiliser les parents d’enfants handicapés à la nécessité d’une bonne hygiène et leur donner des conseils de prévention et des informations concernant la prise en charge des actes et la façon de trouver un cabinet dentaire dans leur département.
• La formation du personnel des établissements (et des aidants à domicile).