Le succès colossal de l’assurance vie fait de l’ombre au contrat de capitalisation. Pourtant, celui-ci a toute sa pertinence dans une période où chacun cherche à renforcer son épargne pour ses vieux jours. Explications.
L’assurance vie détient actuellement 51 % de l’épargne financière des Français. Beau succès à mettre à l’actif des assureurs qui ont su faire évoluer le produit de base que l’État avait dû, à son origine, soutenir avec nombre de mesures fiscales incitatives. Souvent touchée, mais jamais coulée, l’assurance vie continue avec panache, et à juste titre, sa collecte financière malgré des nuages. Ainsi le cumulus du prélèvement annuel des contributions sociales sur le rendement des fonds en euros, promis pour (fin) 2011. En fait, celui-ci risque plus de spolier les finances de l’État que celles de l’épargnant, si les taux de prélèvements sociaux augmentent à l’avenir, ce qui est vraisemblable.
Mais revenons aux fondamentaux. L’assurance vie est essentiellement souscrite parce qu’elle permet de développer son patrimoine financier sans fiscalité annuelle et de le transmettre à très bon compte, surtout si les bénéficiaires ne sont pas le conjoint ou des descendants.
Depuis la loi TEPA d’août 2007, qui exonère totalement le conjoint de droits de succession et les descendants à hauteur de 160 000 € chacun, l’assurance vie n’a plus vocation à être dans tous les cas le seul placement financier. Il doit être majoritaire mais pas exclusif.
Le contrat de capitalisation est son cadet. Il appartient à la même famille puisqu’il relève du Code des assurances. Il peut détenir les mêmes fonds que le contrat d’assurance vie mais se distingue par le fait que le souscripteur n’est pas un assuré et qu’on ne désigne pas de bénéficiaire en cas de décès. Il n’exonère donc pas de droits de succession. Les versements y sont libres, tout comme les rachats partiels. Le contrat de capitalisation est multisupport, ce qui le distingue du bon de capitalisation, connu de longue date.
La différence essentielle est qu’en cas de décès, le contrat de capitalisation n’est pas dissous : il se transmet aux héritiers. Il n’y a pas vente des titres contenus dans le contrat. Ce dernier peut aussi faire l’objet d’une donation.
Voilà ce qui, pour l’essentiel, le distingue de l’assurance vie et lui donne droit de cité, d’autant que le souscripteur, par différence avec l’assurance vie, pourra être une personne morale, telle une SCI, voire une SELARL, ces sociétés ne pouvant placer leur trésorerie en assurance vie puisqu’elles ne sont pas mortelles.
Autre différence, au regard de l’impôt sur la fortune (ISF) : le contrat de capitalisation est taxable annuellement sur le montant dit nominal, c’est-à-dire les sommes qui lui ont été versées, quelle que soit leur évolution, en plus ou en moins.
Le contrat de capitalisation – ou souvent plusieurs contrats – est adapté au placement de capitaux significatifs reçus parfois en démembrement à la suite d’un décès (usufruit et nue-propriété) ou en cas de donation avec réserve d’usufruit. Concrètement, lorsque des parents décident de procéder à une donation financière en conservant l’usufruit, donc le rendement annuel, le placement de la totalité des capitaux sera bienvenu sur ce type de contrat. Il pourra y avoir autant de contrats que d’enfants pour faciliter la gestion.
Si l’assurance vie a vocation à se conserver jusqu’à son décès, même si tous les retraits individuels y sont possibles et fiscalement encouragés, le contrat de capitalisation constitue une cagnotte soit d’attente de réemploi, soit de complément de revenu sur lequel prélever prioritairement.
Ce sont donc deux formes de placement financier différentes et complémentaires, toutes deux étant gérées par des compagnies d’assurances et distribuées tant par les banquiers que par des conseils en gestion de patrimoine.
En matière de fiscalité de la capitalisation, c’est-à-dire lors du rachat total ou partiel de l’encours, le traitement est identique à celui de l’assurance vie avec la même distinction, selon que le retrait intervient moins de 4 ans après la souscription ou entre 4 et 8 ans.
Dès 8 ans, la taxation est avantageuse au-delà d’un seuil d’exonération des intérêts capitalisés. Il n’est qu’à 7,5 %. En revanche, s’ajoutent les contributions sociales dès le premier euro d’intérêt. Cette taxation ne s’applique naturellement qu’au gain capitalisé et pas au capital.
Matthieu GROSSELIN, gestion de patrimoine, cabinet EGA
Chaque situation patrimoniale est singulière, avec des solutions spécifiques lors du placement des capitaux en assurance vie ou en contrat de capitalisation. Il convient en général de déterminer clairement l’objectif prioritaire et l’avantage complémentaire recherchés. L’alternative est entre disposer de ressources complémentaires de son vivant (par retraits) et affecter ces capitaux, à son décès, au meilleur compte fiscal : telle et/ou telle personne de son choix, le plus souvent ses héritiers.
Le conseiller qui guide le placement de son client doit recueillir une réponse claire à cette question. Il complétera ensuite son interrogatoire par l’appréciation des besoins financiers, de la fiscalité personnelle et, naturellement, de la situation familiale, en particulier si le ménage est recomposé avec des enfants d’un lit précédent. Les réformes récentes, tant civiles que fiscales, qui ont fait du conjoint un héritier de plus exonéré de tout droit de succession, peuvent être spoliatrices pour des enfants qui ne percevront leur héritage que longtemps après le décès de l’un de leurs parents. L’assurance vie joue ce rôle de « variable d’ajustement » parce qu’elle est hors succession. Le contrat de capitalisation sera en revanche l’outil adapté à la gestion d’avoirs financiers dont l’usufruit revient au conjoint survivant et la nue-propriété aux enfants. En ouvrant plusieurs contrats de capitalisation plutôt qu’un seul, on peut lisser la fiscalité et, surtout, adapter la politique de gestion à la situation et à la sensibilité du nu-propriétaire.