Au nom de la liberté individuelle, on ne peut porter atteinte à l’intégrité d’autrui sans son consentement. Il n’est pas possible d’administrer des soins sous la contrainte. En cas de risque vital et lorsque le patient persiste à refuser les soins, la question est celle de savoir si le médecin doit s’incliner devant la volonté du malade ou s’il peut passer outre.
Conformément à l’article L. 111-4 du code de la santé publique, « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix ». Ce principe est d’ordre public et le fait qu’un malade soit détenu n’y change rien.
Qu’en est-il alors en cas de risque vital ? L’article L. 1111-4 semble clair : « Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
Si l’on est passé, en quelques décennies, d’une conception plutôt paternaliste en matière d’administration des soins à une conception prenant en compte l’autonomie du patient, la loi n’a pas clairement défini l’attitude à adopter face à un patient dont le refus de soins met en jeu un risque vital. Et sur le plan pénal, l’atti-tude des médecins se situe à la frontière de deux infractions : si le médecin ne soigne pas le patient, il pourrait être poursuivi pour non-assistance à personne en danger, coups et blessures involontaires ou même homicide involontaire et, a contrario, s’il soigne le patient en dépit de son refus, il peut faire l’objet d’un dépôt de plainte du malade pour atteinte à son intégrité physique.
Le Conseil d’État a jugé à deux reprises, dans des affaires relatives au problème de la transfusion sanguine des témoins de Jéhovah, que les médecins ne portaient pas atteinte aux droits du patient lorsque, après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissaient, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état. Dans une des affaires, il avait été d’une part fait injonction à un centre hospitalier de s’abstenir de pratiquer toute nouvelle transfusion sur un malade qui s’y était opposé et d’autre part interdit à l’équipe soignante d’un hôpital public de procéder à la transfusion sanguine forcée du patient.
En outre, les juges ont décidé que l’injonction de s’abstenir de procéder à la transfusion cesserait si la patiente « venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ».
L’obligation pour le médecin de sauver la vie ne prévaut pas de manière générale sur celle de respecter la volonté du malade.
Il n’est possible de passer outre le refus de soins d’un patient qu’en cas de risque vital pour ce dernier, et qu’après avoir tout tenté pour le convaincre de l’utilité des soins. Les soins devront alors être limités à ce qui est strictement indispensable pour le patient.