ÉTHIQUE
Chirurgien-dentiste, titulaire d’une maîtrise de philosophie et d’un master d’éthique médicale et biologique
Qu’est-ce qui change, qu’est-ce qu’on garde ?
Il fut un temps où le Soleil et les planètes tournaient autour de la Terre. Mais dans ce système, les planètes décrivaient des trajectoires curieuses ; les observations scientifiques contradictoires s’accumulèrent ; et on passa du système géocentrique au système héliocentrique (Copernic, Galilée). Kepler, ensuite, expliqua les trajectoires (elliptiques et non circulaires) des planètes. L’ancien système était bien renversé. Newton (par la théorie de la gravitation) confirma les lois de Kepler. Cependant, on ne rendait pas compte des mouvements d’Uranus (nouvelle contradiction au XIXe siècle). Mais ici le système ne fut pas renversé mais expliqué en postulant l’existence d’une autre planète que la découverte de Neptune confirmera.
On révise ses croyances lorsqu’une nouvelle information vient bousculer le système existant. Nous venons de le voir, cela peut se faire soit en remettant en cause l’ensemble (ou presque) du système1, soit en corrigeant ou précisant le système2. Pour décrire la révision des croyances, le logicien3 « distingue deux types de théories selon le contexte où a lieu le changement » : il s’agit soit d’une rectification (de quelque chose qu’on connaissait mal), soit d’une mise à jour (de quelque chose qui a évolué).
En fait, nous pouvons imaginer une infinité de mondes possibles, mais dans tous les cas, lorsqu’un nouveau message B vient contredire une croyance A, il faut restaurer « la cohérence des croyances ». L’ensemble des mondes possibles contenant A et B ne doit pas être vide, dans A *B, A et B doivent être « compatibles » (cela renvoie à l’axiome de préservation). Imaginons un monde où A égale « seules les femmes peuvent mettre au monde » et que nous vient B égale « aucun individu n’est mis au monde par une femme », B et A ne peuvent coexister car il n’y a aucun monde possible (non contradictoire) correspondant à l’intersection de ces deux ensembles A et B. Soit on rejette B, soit on révise complètement A.
Imaginons un monde où A égale « l’implantologie en deux temps chirurgicaux » et où B égale « des recherches montrent un succès proche en un temps chirurgical », alors on rectifie nos croyances. L’axiome de succès indique ici que A *B doit contenir B. Dans ce cas, l’implantologie contient l’idée de la chirurgie en un temps. D’une manière générale, nos révisions se conforment à la notion de « changement minimal » : ajuster un système en place que le réviser entièrement. Cela renvoie à l’axiome de conservation : « Si B se déduit de A, A reste inchangé. » L’axiome d’inclusion stipule que « A *B conserve la partie de A compatible avec B ». Enfin, l’axiome de préservation combiné à celui d’inclusion permet de conclure que « la croyance rectifiée est la conjonction des deux » : l’implantologie avec chirurgie en un ou deux temps.
La logique, dans sa partie axiomatique, formalise bien ces révisions. Préserver, conserver, inclure des conceptions, chacun en fait l’expérience dans sa vie personnelle ou professionnelle. Nous verrons par la suite comment expliquer les changements d’opinion personnelle ou de pratique, l’évolution des sciences ou encore la conduite d’un diagnostic.
1. Passage du géocentrisme à l’héliocentrisme.
2. L’existence de Neptune.
3. Pour la source et l’ensemble des citations, voir D. Zwirn, H. Zwirn. La révision des croyances. Pour la Science 2005;49:90-95.