LÉGISLATION
Florian LAURENT* Stéphanie FERRAND** Yves LAPOSTOLLE*** Pascal AUGUSTIN**** Philippe LESCLOUS*****
*Département de médecine buccale
et de chirurgie buccale
Université Paris Descartes
1, rue Maurice-Arnoux 92120 Montrouge
**Ordre national des
chirurgiens-dentistes
22, rue Émile-Menier 75016 Paris
***Département de médecine
buccale et de chirurgie buccale Université Paris Descartes
1, rue Maurice-Arnoux 92120 Montrouge
****Groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard
Université Paris-Diderot
46, rue Henri-Huchard 75877 Paris
*****Département de médecine
buccale et de chirurgie buccale
Université Paris Descartes
1, rue Maurice-Arnoux 92120 Montrouge
« Hors le seul cas de force majeure, tout chirurgien-dentiste doit porter secours d’extrême urgence à un patient en danger immédiat si d’autres soins ne peuvent lui être assurés. »
Cet article du Code de la santé publique reflète l’obligation pour l’odontologiste de porter assistance à son patient. S’il s’en abstient, il s’expose à des sanctions non seulement disciplinaires mais également pénales.
L’odontologie est une activité potentiellement à risque car elle a souvent recours à des gestes invasifs (anesthésies, incisions, lambeaux…). Tout chirurgien-dentiste peut ainsi être exposé à une urgence médicale pendant ou en dehors des soins [1].
En tant que citoyen, mais surtout en tant que professionnel de santé, le chirurgien-dentiste a le devoir de porter assistance à son patient lorsque celui-ci est en situation de détresse. S’il ne remplit pas cette obligation il peut, dans certains cas, être poursuivi pour « non-assistance à personne en péril ». Ce délit est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Il peut également être condamné à verser une indemnisation au patient ou à ses ayants droit.
Après avoir présenté les textes réglementaires puis les éléments qui constituent le délit de « non-assistance à personne en péril », nous étudierons la place du chirurgien-dentiste en tant que professionnel de santé ainsi que les applications concrètes pour la profession.
Article R. 4127-205 du Code de la santé publique : « Hors le seul cas de force majeure, tout chirurgien-dentiste doit porter secours d’extrême urgence à un patient en danger immédiat si d’autres soins ne peuvent lui être assurés. »
Article 223-6 du Code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
« Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »
Ces deux textes imposent au chirurgien-dentiste d’avoir une action face à une situation d’urgence médicale.
Par ailleurs, en mars 2006, le ministère de la Santé a créé une nouvelle formation : l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU). Cette formation a pour objectif de donner une base minimale de connaissances à tous les professionnels de santé sur la prise en charge des urgences médicales. Elle est devenue obligatoire pour tous les étudiants en odontologie depuis avril 2007. Elle a été vivement recommandée par le Conseil national de l’Ordre, pour les chirurgiens-dentistes en exercice [2 -4].
Ainsi, au travers de l’AFGSU, les étudiants et les praticiens peuvent acquérir une compétence pour faire face aux urgences médicales.
À notre connaissance, qu’il s’agisse de la jurisprudence ordinale ou de la jurisprudence pénale, il n’existe pas d’exemple de chirurgien-dentiste condamné pour avoir manqué à ces dispositions.
Au travers des déclarations d’assurance, on retrouve des situations d’urgence médicale survenues dans les cabinets dentaires : le Sou médical-Groupe MACSF, qui assure plus de 24 000 chirurgiens-dentistes, édite chaque année un compte rendu des déclarations en responsabilité civile et professionnelle faites par ses assurés. Dans ce rapport annuel, on retrouve des incidents divers (inhalations ou ingestions de corps étrangers, réactions allergiques…), des dommages corporels, des chutes et même des décès de patients [5 -8].
Ainsi, la notion de risque juridique lié aux urgences médicales est réelle et les praticiens doivent bien connaître le cadre juridique de ces situations et leurs obligations.
Le principal délit pouvant être reproché au chirurgien-dentiste lors d’une urgence médicale est celui de non-assistance à personne en péril. Il est constitué si trois éléments sont associés : un péril, une assistance non fournie et une abstention volontaire de la part du praticien.
Le péril doit porter sur la vie, la santé ou l’intégrité physique du patient. Il doit également être imminent, réel, constaté et non présumé, c’est-à-dire qu’il ne doit pas s’agir d’un péril éventuel ou hypothétique.
De plus, seule est prise en compte la nature du péril à l’heure même où la personne pouvant porter secours en a connaissance. Ainsi, concernant le délit de non-assistance à personne en péril, peu importe l’évolution ultérieure du patient.
Le péril peut être dû à des circonstances diverses : un événement extérieur, accidentel et imprévu, une maladie…
Pour déterminer si une assistance n’a pas été fournie, il faut tout d’abord définir ce que l’on entend par ce terme.
Cette assistance doit être possible. S’il est impossible au chirurgien-dentiste de porter secours à son patient, il ne peut pas être sanctionné. De plus, l’assistance ne doit présenter aucun risque pour le praticien qui la porte ou pour un tiers.
L’assistance peut se traduire « par une action personnelle ou par le fait de provoquer un secours ». Il ne s’agit pas d’effectuer l’un ou l’autre mais de choisir le mode d’action le plus efficace, voire de cumuler les deux solutions. Ainsi, provoquer un secours n’exclut pas le délit. Si le péril nécessite une action immédiate et que le praticien peut porter secours sans risque pour lui-même ou pour autrui, il doit le faire.
Lorsque l’assistance personnelle est trop dangereuse ou lorsque le secours est impossible ou inefficace, c’est l’assistance par un tiers qui est requise. Concrètement, cela se traduit par un appel à un service de secours.
En principe, l’efficacité de l’assistance est indifférente : le praticien aura satisfait à son obligation s’il a tout mis en œuvre pour porter assistance et peu importe le succès ou l’échec du secours.
Enfin, un praticien mettant lui-même en péril la santé de son patient (par une négligence par exemple), a également l’obligation de lui porter secours.
Dans le délit de non-assistance à personne en péril, seul le refus volontaire de porter assistance est incriminé, à l’exclusion d’une simple négligence ou d’une erreur de diagnostic. Pour apprécier le caractère volontaire de l’abstention, la jurisprudence prend en compte la connaissance ou la conscience du péril.
Le chirurgien-dentiste est un professionnel de santé mais également un professionnel médical.
En tant que professionnel médical, il doit connaître son patient afin d’anticiper un éventuel péril pouvant le menacer. En effet, certaines pathologies ou certains traitements peuvent provoquer, dans des circonstances particulières, des situations d’urgence médicale. Le praticien doit donc s’être renseigné sur l’état de son patient afin d’évaluer s’il présente des facteurs de risque médicaux : cette évaluation est matérialisée par le questionnaire médical.
Sur ce point, les tribunaux se montrent assez sévères : si le praticien ne demande pas suffisamment de renseignements, il se met lui-même dans l’impossibilité de juger de la gravité de l’état du malade.
Néanmoins, la non-assistance à personne en péril ne saurait être valablement reprochée à quelqu’un qui n’aurait pas connaissance du péril qui menace le patient.
Enfin, il faut considérer que le chirurgien-dentiste n’est pas un professionnel de l’urgence. En pratique, un médecin ou des secouristes professionnels en service sont obligés par la loi de faire des actes sur la victime, mais une personne sans formation peut se contenter d’appeler les secours.
Le chirurgien-dentiste est un professionnel de santé, il n’est pas considéré comme une personne sans formation.
Le chirurgien-dentiste est un professionnel médical et il a été indiqué précédemment que les juridictions se montrent sévères vis-à-vis des professionnels de santé. Cependant, le praticien de la médecine bucco-dentaire n’est ni un médecin ni un urgentiste.
Dans ce contexte, il est attendu d’un chirurgien-dentiste qu’il soit capable de prévenir et de prendre en charge une situation d’urgence médicale en fonction des moyens à sa disposition.
Pour avoir la capacité d’évaluer les risques potentiels de son patient, le praticien doit l’avoir interrogé sur ses antécédents médicaux et ses traitements en s’aidant d’un questionnaire médical. Ce questionnaire doit être conservé dans le dossier du patient et doit être révisé régulièrement.
Face à une situation d’urgence, le rôle du chirurgien-dentiste n’est pas d’établir un diagnostic étiologique précis ni de traiter en totalité le problème médical aigu. Il doit analyser la situation afin de déterminer son degré de gravité et mettre en œuvre les premiers gestes permettant de garantir la sécurité du patient. Pour cela, il s’appuie sur l’aide téléphonique du médecin régulateur du SAMU.
Ainsi, dans le contexte de l’urgence, le praticien agit dans le cadre d’un geste de sauvegarde en attendant l’équipe médicale.
Concrètement, chaque praticien doit :
• faire remplir un questionnaire médical à tous ses patients ;
• disposer du matériel et des médicaments d’urgence nécessaires,
• suivre une mise à jour régulière vis-à-vis des techniques d’urgence, par exemple au travers de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence (AFGSU) ;
• prendre contact avec le SAMU dès qu’il se trouve face à une situation d’urgence nécessitant des secours ou un conseil médical.
Le chirurgien-dentiste peut-être confronté à des urgences médicales durant son exercice. En tant que citoyen, mais surtout en tant que professionnel de santé, il doit être à même d’y faire face.
Avant de commencer des soins, il doit avoir pris des renseignements sur l’état général de son patient afin de prévenir la survenue d’un problème aigu.
Le fait de ne pas porter volontairement assistance à un patient en situation de détresse l’expose à des poursuites pénales et disciplinaires pour « non-assistance à personne en péril ».
Enfin, chaque chirurgien-dentiste doit régulièrement mettre à jour ses connaissances en matière de techniques d’urgence.
Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :
1. En tant que professionnel de santé, un chirurgien-dentiste a plus de responsabilité face à une urgence médicale qu’une personne sans formation médicale ou de secourisme.
• a. Vrai
• b. Faux
2. Le chirurgien-dentiste doit impérativement questionner son patient sur ses antécédents, pathologies et traitements afin d’évaluer un risque médical potentiel.
• a. Vrai
• b. Faux
3. Parmi les éléments suivants, quels sont ceux qui permettent à chaque praticien d’être prêt à faire face à une situation d’urgence médicale ?
• a. Faire remplir un questionnaire médical à tous les patients.
• b. Se former aux gestes d’urgence et suivre une mise à jour régulière.
• c. Disposer du matériel et des médicaments d’urgence.
• d. Actualiser régulièrement le dossier médical des patients.
• e. Contacter le SAMU, si nécessaire, pour un conseil médical ou l’envoi de secours.
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