Clinic n° 09 du 01/10/2010

 

PROTHÈSE FIXÉE

Sébastien FELENC*   Josselin LETHUILLIER**  


*Membres fondateurs du FLAP (Formation
languedocienne appliquée à la prothèse)
11, hameau des sources
34980 Saint-Clément-de-Rivière
**Membres fondateurs du FLAP (Formation
languedocienne appliquée à la prothèse)
11, hameau des sources
34980 Saint-Clément-de-Rivière

La réalisation des joints collés implique de suivre des protocoles rigoureux prenant en compte l’ensemble des caractéristiques de l’adhésion. Parmi celles-ci, la gestion des excès de colle peut être hautement chronophage. Nous proposons ici de passer en revue les techniques préopératoires, peropératoires et postopératoires de gestion des composants de l’adhésion.

Les restaurations en céramique assemblées par un joint de collage sont devenues une pratique quotidienne à l’heure actuelle.

Ces vitrocéramiques présentent des résultats optiques hautement satisfaisants du fait de leur ultrastructure. En contrepartie, leurs propriétés mécaniques imposent de réaliser un joint de résine collé [1].

Du point de vue de la réalisation clinique, l’étape de collage est plus fastidieuse qu’un simple scellement. Plusieurs raisons en sont la cause :

• la multiplicité des étapes ainsi que la rigueur nécessaire au respect des protocoles rendent le processus dépendant de l’opérateur et consommateur de temps ;

• l’étape est cruciale du fait de son caractère irréversible, donc à sens unique (il ne sera pas possible de recommencer avec la même prothèse) ;

• la gestion de l’élimination des excès, voire même des composants de l’adhésion, est un point déterminant dont dépendent l’intégration parodontale et la longévité de la restauration du point de vue esthétique et fonctionnel [2].

Le premier point est une caractéristique de la prothèse adhésive. Les industriels cherchent et proposent de nouveaux matériaux permettant toujours plus de simplicité dans les protocoles afin de réduire ces contraintes. Pour autant, il ne doit pas s’agir de perdre en qualité ni de faire des concessions sur des étapes déterminantes.

Le deuxième point est invariable : le collage est un acte irréversible comme l’est tout acte de chirurgie, qu’il soit soustractif ou additif comme dans le cas présent.

Qu’en est-il de l’élimination des excès ? Tout praticien habitué aux procédés de collage sait que se joue là une grande part de la réussite du traitement [3].

L’exemple suivant (fig. 1 à 3) illustre la restauration d’une hémiarcade par des onlays collés. Le résultat est satisfaisant mais l’image radiographique de contrôle montre des excès de résine de collage. Leur élimination prendra un temps considérable. Il est bien évident que c’est en amont et au cours des étapes d’assemblage qu’il faut remédier à ce type d’inconvénients [4].

Nous proposons ici différentes méthodes permettant de gérer l’éviction de ces excès avec une organisation chronologique de la séquence clinique (tableau 1).

Techniques préopératoires de gestion des excès

Champ opératoire unitaire

L’utilisation d’un champ opératoire unitaire afin d’isoler le matériau de collage des dents voisines est certainement la méthode la plus simple et la plus efficace (fig. 4).

Fil rétracteur

La mise en place d’un fil de rétraction gingival dans le sulcus permet d’isoler cette zone du matériau.

Vaseline sur extrados

L’isolation par un enduit des faces proximales voisines et des extrados facilite l’échappement des excès (fig. 5).

Techniques peropératoires de gestion des excès

Photopolymérisation flash

La photopolymérisation flash de 3 secondes des composites de collage avant d’en éliminer les excès, technique proposée par D. Garber, peut s’appliquer avec les différentes familles de matériaux actuels.

Beaucoup ont dû l’essayer avec le Multilink® Automix (Ivoclar Vivadent). Sa composition chémopolymérisable optionnellement photopolymérisable rendait cet acte hors de propos car les excès étaient alors extrêmement solides. Cela reflète par ailleurs les excellentes qualités mécaniques du matériau.

Cette méthode est maintenant possible avec le Multilink® Automix Easy Clean-Up. Après une photopolymérisation flash de 3 secondes à faible puissance, les excès de matériau se clivent sous l’impact de la sonde. Le temps opératoire en est d’autant facilité (fig. 6).

Passage du fil dentaire avant photopolymérisation

Le passage du fil dentaire dans l’embrasure permet de cliver les excès de colle en cours de polymérisation ou juste après le flash (fig. 7).

Photopolymérisation finale et contrôles

Isolation du joint par un gel de glycérine

Le recouvrement du joint de collage par un enduit à la glycérine avant photopolymérisation finale empêche la couche inhibée superficielle de se former. Cette étape, trop souvent omise, permet de compter sur un joint totalement polymérisé. Certains choisissent de laisser le matériau d’assemblage en léger excès et de diminuer cette épaisseur au polissage.

Contrôles

Le contrôle est bien évidemment immédiat après la polymérisation, mais il est nécessaire d’apporter un regard neuf une semaine plus tard afin de vérifier l’état de surface du joint et de le corriger si nécessaire.

Techniques postopératoires de gestion des excès

Curette de Gracey dans l’embrasure

Le passage de curettes de Gracey permet d’éliminer les excès qui pourraient rester bloqués. Il faut insister sur le contrôle radiographique pour rechercher des spicules enfouis sous la gencive (fig. 8).

Strip interdentaire

Le strip interdentaire permet de polir le joint dans les embrasures.

Étapes finales de la session de collage

Polissage optimal

L’intérêt du polissage est évident, sa présentation ferait l’objet d’un chapitre entier et ne sera pas abordée ici.

Fluoration

Il est nécessaire, surtout sur des dents vitales, de terminer la séance de collage par le passage d’un vernis fluoré afin de favoriser une reminéralisation des prismes d’émail sectionnés. Cliniquement, cela diminue les sensibilités postopératoires au niveau des joints [5] (fig. 9).

Gérer les excès de colle

Cas n° 1

Le cas n° 1 illustre le collage de 2 couronnes en vitrocéramique au Multilink® Automix Easy Clean-Up.

Ces molaires traitées endodontiquement sont reconstruites avec des inlays composites depuis 10 ans (fig. 10). Les fêlures de l’émail en périphérie des restaurations posent l’indication de cercler les dents par des couronnes afin d’augmenter l’effet de ferrule [6].

La figure 11 présente la situation sous champ opératoire (ici OptraDam®, Ivoclar Vivadent) lors de la séance de contrôle des traitements endodontiques. L’étanchéité du composite et la qualité de la gutta-percha, associées au contrôle radiographique, valident l’obturation canalaire.

La figure 12 illustre les préparations. La faible hauteur prothétique disponible induit le choix d’une couronne collée. Le peu de rétention présent ne sera pas un handicap grâce au collage ; on ira même jusqu’à privilégier un maximum de conservation tissulaire par des limites supragingivales.

Afin de favoriser une anatomie harmonieuse, un puits central est réalisé, permettant de respecter une épaisseur de 2 mm de céramique sous les sillons centraux.

Le traitement de l’intrados de ces 2 couronnes en disilicate de lithium (block e.max CAD pour la chape puis stratification) (fig. 13) se fera par mordançage acide et silanisation après leur essayage sous champ.

La figure 14 montre la couronne insérée sous pression et les excès de composite de collage. Le Multilink® est parfaitement adapté pour ces restaurations indirectes en céramique de forte épaisseur. Le champ protège la préparation voisine de l’adhésion des excès.

La face proximale de la 37 est enduite d’une fine couche de vaseline puis le crampon est déplacé sur la 36. Les excès de colle (fig. 15) fusent autour du crampon, leur photopolymérisation flash va permettre de les retirer d’un seul tenant (fig. 16).

Le résultat au bout d’une semaine montre une bonne intégration de ces céramiques pressées (fig. 17). Ce contrôle différé permet de vérifier la totale élimination des excès de colle.

Le joint collé supragingival (fig. 18) permet un accès optimal à l’hygiène sans pour autant diminuer le résultat esthétique. Le parodonte ne sera pas agressé par la jonction dento-prothétique.

Cas n° 2

Ce cas concerne une incisive centrale fracturée (fig. 19). Une fois le traitement canalaire réalisé, la dent est éclaircie et reconstruite par un tenon fibré collé (fig. 20) afin de pouvoir bénéficier des qualités optiques des vitrocéramiques.

La couronne en vitrocéramique, réalisée en IPS e.max CAD (Ivoclar Vivadent) puis stratifiée (fig. 21), est collée sous champ en latex. Ici encore, on peut noter la facilité de clivage qu’offre le Multilink® Automix après une courte photopolymérisation. De ce fait, la gencive marginale est moins agressée par les nettoyages (fig. 22).

Dans le cas présent, le parodonte étant extrêmement fin, une limite prothétique juxtagingivale a été choisie et le joint de collage est invisible en Multilink® Automix Easy Clean-Up (fig. 23).

Conclusion

L’assemblage de la prothèse fixée constitue une étape charnière parce qu’elle signe la fin du processus thérapeutique et le début de la vie de la prothèse dans le milieu buccal.

La rigueur opératoire doit permettre la réalisation d’un joint pérenne et non iatrogène.

Le joint de collage est plus délicat à mettre en place, de ce point de vue, qu’un scellement. C’est une donnée clinique qui doit être prise en compte dès le début du projet thérapeutique.

Remerciements

Nos remerciements chaleureux vont aux laboratoires Creadent et Dossa à Montpellier pour la réalisation des pièces prothétiques.

Évaluez-vous

Testez vos connaissances suite à la lecture de cet article en répondant aux questions suivantes :

1. Comparée à une procédure de scellement, la réalisation d’un joint de collage est :

• a. globalement identique.

• b. plus opérateur dépendant.

• c. plus simple à réaliser.

2. La photopolymérisation flash se fait :

• a. à pleine puissance pendant 10 secondes.

• b. à faible puissance pendant 3 secondes.

• c. durant un certain temps.

3. Le meilleur moyen pour faciliter l’éviction des excès de colle est :

• a. le passage du fil dentaire.

• b. l’utilisation d’un champ en latex.

• c. la mise en place de vaseline sur l’extrado.

Découvrez la suite du questionnaire et les bonnes réponses sur notre site Internet www.editionscdp.fr rubrique Formation continue.

Bibliographie

  • 1. Burke FJT, Fleming GJTP, Nathanson D, Marquis PM. Are adhesive technologies needed to support ceramics ? An assessment of the current évidence. J Adhes Dent 2002 ; 4 : 7-22.
  • 2. Mansour YF, Pintado MR, Mitchell CA. Optimizing resin cement removal around esthetic crown margins. Acta Odontol Scand 2006 ; 64 : 231-236.
  • 3. Mitchell CA, Pintado MR, Geary L, Douglas WH. Retention of adhesive cement on the tooth surface after crown cementation. J Prosthet Dent 1999 ; 81 : 668-677.
  • 4. Felenc S, Lethuillier J, Fages M, Raynal J, Margerit J. Inlays-onlays céramiques : évolution des concepts de préparation. Alternative 2007 ; 35 : 15-24.
  • 5. Itota T, Torii Y, Nakabo S, Yoshiyama M. Effect of fluoride application on tensile bond strength of self-etching adhesive systems to demineralized dentin. J Prosthet Dent 2002 ; 88 : 503-510.
  • 6. Zarow M, Devoto W, Saracinelli M. Reconstruction of endodontically treated posterior teeth with or without a post ? Guidelines for the dental practitioner. Eur J Esthet Dent 2009 ; 4 : 312-327.