Diamant brut

Les loupes télescopes sont de plus en plus prisées dans notre profession. Quantité d’appréciations dithyrambiques fleurissent à leur sujet. Leurs avantages ? Assurer une meilleure qualité de soins, grâce à la vision de détails qui échappent à l’œil nu, et conserver une meilleure posture de travail, puisqu’elles permettent de distinguer avec une grande précision, des éléments éloignés des yeux de 40 à 50 cm. On peut, de ce fait, se tenir droit et non plus penché sur le patient pour exercer son art.

En matière de loupes, les modèles disponibles sont nombreux et variés. Ils diffèrent par le type de monture : sur lunettes, bandeau frontal ou casque, de style flip-up ou dont les optiques traversent les verres (through the lenses, TTL).

Les grossissements varient de 2 à 4 fois, voire plus encore. Quant aux distances de travail, elles doivent être sélectionnées en fonction de la morphologie et des exigences de chaque opérateur.

Porter des loupes pour travailler n’est pas anodin : mal adaptées à l’utilisateur, elles peuvent provoquer ou aggraver à son insu des troubles musculo-squelettiques. Il est donc important de connaître tous les paramètres à prendre en compte au moment de leur acquisition.

La marque Zeiss étant réputée pour la qualité de ses optiques, c’est avec grand plaisir que j’ai testé leur modèle haut de gamme, les Eye Mag Pro F. Mon choix s’est porté sur des loupes montées sur lunettes classiques. Un dispositif sur casque est également disponible. Offrant plus de possibilités de réglages, il est en revanche beaucoup plus volumineux et moins confortable.

Les optiques étant interchangeables, j’ai pu tester sur la même monture, des loupes de x 3,5 et x 4,3. J’ai choisi une distance de travail de 400 mm qui me semblait bien adaptée à ma taille.

Aucun doute possible, la qualité de fabrication des Eye Mag Pro est l’une des meilleures du marché. Les optiques cylindriques, de type Kepler, mesurent 55 mm de long en x 3,5 et 65 mm en x 4,3. Elles sont fixées sur la monture des lunettes grâce à un système à trois articulations, dont une double rotule qui permet de régler leur position en hauteur et en inclinaison. Le réglage de la distance interpupillaire s’effectue en écartant les optiques l’une de l’autre, celles-ci pivotant à frottement doux autour d’un axe central.

Ce système est beaucoup plus simple à mettre en œuvre que ceux qui nécessitent de tourner une molette sur une barrette ou, pire encore, de régler séparément la position de chaque optique sur la barre. Peu encombrant, le dispositif offre une vision périphérique parfaite, bien pratique lorsque l’on souhaite regarder ailleurs qu’à travers les loupes. Le confort est pratiquement similaire à celui des modèles TTL, le poids en plus évidemment.

Si les réglages sont relativement rapides, ils sont en revanche très sujets à variations. Il faut donc réajuster les optiques chaque fois qu’on chausse ces loupes. Les rotules de fixation leur permettent de tourner dans tous les sens, ce qui complique inutilement leur positionnement et devient agaçant à la longue. De plus, cette obligation de manipulations supplémentaires n’est pas idéale pour l’hygiène.

Les montures sont disponibles en trois tailles selon la largeur du visage. Bien que les optiques puissent être suffisamment inclinées vers le bas, le système qui les relie à la monture m’a semblé trop court. Cela combiné à la hauteur réduite des verres ne m’a pas permis de les placer idéalement pour un port de tête confortable : j’ai dû me pencher beaucoup trop vers le bas pour travailler. Le modèle sur casque, que j’avais essayé rapidement sur un stand d’exposition, me semble autoriser une position plus ergonomique.

Je me suis vite rendu compte que la distance focale choisie était également trop courte pour moi. Une distance de 50 cm aurait sans doute permis une position plus harmonieuse de la tête et des bras. Cette erreur est facilement réparable puisque le fabricant propose plusieurs distances de travail sur chacun de ses modèles.

La qualité de ces loupes est vraiment excellente : netteté irréprochable, piqué remarquable… mais également grosse surprise : comparées à des loupes de grossissement nominal similaire achetées sur Internet, les Eye Mag Pro se sont révélées largement plus puissantes. Cela soulève un problème : peut-on se fier aux indications des fabricants concernant le grossissement de leurs loupes ?

Pour les spécialistes en ergonomie dentaire européens ou américains, les grossissements trop élevés sont à proscrire : passé un certain cap, la profondeur de champ diminue, obligeant à contracter les muscles de la nuque pour éviter les flous de bougé. J’ai très clairement ressenti cette contraction avec les Eye Mag Pro, même au grossissement 3,5. Certes, on peut être fasciné, voire totalement subjugué par ce que l’on découvre sous l’oculaire. Mais cela ne doit pas nous faire oublier le prix que notre corps doit payer pour cela.

Il convient donc d’utiliser ces modèles avec précaution : très utiles en endodontie ou en parodontie, il ne faut pas les porter en permanence pour éviter des tensions liées à l’accommodation et à l’inclinaison imparfaite de la tête.