Retour vers le futur

Que signifie pour vous le sigle AET ? Rien, j’imagine. Ce concept, in extenso : anatomic endodontic technology, mis au point il y a quelques années par l’américain Ultradent, n’a jamais fait recette chez nous. Il faut dire que personne ne s’est démené pour le promouvoir. Pas grave puisque, de toute façon, le système vient d’être amélioré et remplacé par un autre, beaucoup plus astucieux.

Lorsque j’ai découvert la séquence instrumentale du TiLOS, j’ai été quelque peu perplexe : l’ensemble est une alternance assez compliquée de limes manuelles et mécanisées, tantôt en acier, tantôt en nickel-titane. La lecture de tout ce qui s’est écrit sur le sujet ne m’ayant guère convaincu, j’ai assisté à une conférence de son concepteur, le professeur Renato Leonardo, de l’université de San Paolo. Et là, j’ai mieux compris la logique du système et sa pertinence.

Évasement raisonné

Le constat de départ est simple : la plupart des canaux sont aplatis, ovales ou de section complexe dans leurs deux tiers cervicaux. Seule la partie apicale présente une section initialement circulaire.

Les instruments NiTi de forte conicité utilisés en rotation continue agissent comme un emporte-pièce. Ils transfèrent leur propre forme aux canaux, sans tenir compte de leur anatomie originelle. Ces limes élargissent exagérément leur partie centrale, au risque de fragiliser les racines et d’induire des perforations latérales. Elles laissent sur les côtés des zones non instrumentées où les débris dentinaires s’accumulent et se tassent du fait de leur rotation.

L’instrumentation NiTi est coûteuse et fragile. La société Ultradent, qui vend ses produits dans le monde entier, entend proposer la meilleure qualité de dentisterie possible à tous les patients, avec des techniques abordables et sans danger.

L’idée est donc d’élargir le canal juste ce qu’il faut, de manière judicieuse et raisonnée, en réduisant à l’extrême les risques de fractures instrumentales.

Technique hybride

TiLOS associe des limes manuelles, pour la préparation apicale, et des instruments mécanisés montés sur un contre-angle alternatif droite-gauche de 30° d’amplitude, pour l’évasement des deux tiers cervicaux. Ces oscillations permettent à la lime d’agir sur toutes les génératrices du canal, en lui donnant une forme homothétique, avec un risque réduit de fracture. Les premiers instruments, de faible diamètre, sont en acier pour une meilleure rigidité et une efficacité optimale. À partir du numéro 25, ils sont tous en NiTi, y compris les limes manuelles. Celles-ci, très souples, respectent au mieux les courbures des derniers millimètres, évitent le déport du foramen et sont virtuellement incassables dans les conditions normales d’utilisation.

La séquence se décompose comme suit :

• exploration conventionnelle à l’aide de limes manuelles 10 et 15 ;

• préévasement du canal à l’aide d’une ou de plusieurs des trois shaping files en acier montées sur le contre-angle alternatif. La longueur de travail est alors mesurée, de préférence à l’aide d’un localisateur d’apex ;

• poursuite de la préparation à l’aide d’une lime K manuelle en acier n° 20 jusqu’à la longueur de travail ;

• évasement en crown down à l’aide d’un ou de plusieurs instruments transitional en nickel– titane montés sur le contre-angle, puis finition apicale à l’aide d’une série de limes manuelles en NiTi de conicité 0,2, du numéro 25 au 45 si nécessaire.

Une abondante irrigation à l’hypochlorite après le passage de chaque instrument complète la procédure.

Les shaping files, en acier, ont un profil de lime K. Leur pointe va de 10 pour la première à 13/100^e de mm pour les deux autres, avec des conicités respectives de 2, 3 et 4 %. L’acier, relativement rigide, permettrait, mieux que le NiTi, d’agir sur toutes les parois en exerçant une pression latérale suffisante. Très efficaces, ces instruments élargissent modérément, mais d’une manière significative, l’entrée des canaux.

Les transitional files sont en NiTi. Elles mesurent 25/100^e de mm à la pointe et leurs conicités sont de 2, 4 et 8 %. Leur profil est celui d’une broche, avec des spires très espacées. On utilise une seule ou plusieurs de ces limes selon le cas, mais seulement celle de 2 % à la longueur de travail.

À la main, c’est le pied !

Les limes manuelles sont en acier jusqu’au numéro 20 et en NiTi au-delà, toutes avec une conicité de 2 %. Elles se distinguent par un manche extrêmement joli, en silicone translucide aux couleurs ISO, surmonté d’un petit tronc de cône en métal doré. Le manche est un peu plus large que celui des limes concurrentes, ce qui les rend très agréables et confortables à utiliser. Il ne faut pas effectuer de mouvement de va-et-vient mais des rotations partielles gauche-droite, suivies de retraits pour essuyer les spires. J’avais depuis longtemps oublié ce mode d’utilisation : je me suis rendu compte que finalement, la préparation était plus rapide car cela prend moins de temps de saisir une lime à la main que de la placer sur un contre-angle, de travailler avec puis de la remplacer par la suivante.

Ces instruments sont extrêmement solides, se faufilent partout et arrivent à élargir jusqu’à un diamètre important même les canaux relativement courbés, presque sans effort et en toute sécurité. Le fabricant recommande d’aller jusqu’à 5 numéros au-dessus de la première lime ayant atteint l’apex. C’est-à-dire 40 ou 45.

Prudence tout de même

À l’usage, le système s’avère plutôt confortable et sécurisant. Toutefois, il ne faut pas se tromper : les limes mécanisées ne doivent jamais être forcées en direction apicale, surtout dans les canaux courbes. Bien que relativement solides, celles en acier peuvent se fracturer si l’on insiste en faisant tourner le moteur trop vite ou trop longtemps. Celles en NiTi, malgré le mouvement alternatif, n’échappent pas à cette règle : elles sont parfaites pour élargir latéralement les canaux, mais doivent pénétrer très progressivement à quelques millimètres du foramen.

Les formes de préparation recommandées avec TiLOS ne correspondent pas exactement aux standards enseignés dans nos facultés où l’on prône plutôt la technique de Schilder et l’obturation à la gutta chaude. Il n’est cependant pas interdit de réaliser un step-back une fois atteinte la longueur de travail avec une lime 25 ou 30, de manière à obtenir une conicité apicale plus importante, et de lisser les parois avec une transitional file de conicité 0,2 ou 0,4 après passage de chaque instrument manuel.

Habitués que nous sommes à la rotation continue, le concept TiLOS peut sembler rétrograde et déroutant. Il rappelle les tout débuts de l’endodontie mécanisée : une préparation manuelle jusqu’à l’extrémité du canal, assistée par des limes à mouvement alternatif pour éliminer les interférences et augmenter sa conicité. Mais il est ici remis au goût du jour grâce à l’exploitation pertinente des pro-priétés respectives de l’acier et du nickel-titane.

Le système, même s’il ne met pas complètement à l’abri de la casse, est moins stressant que la rotation continue. Il ne nécessite qu’un équipement réduit, utilisable sur n’importe quel moteur d’unit, et fait appel à une instrumentation d’une qualité optimale à un coût raisonnable.