INTERVIEW
Le projet de réforme du gouvernement n’aura pas d’impact direct sur les retraites des chirurgiens-dentistes. Pour pérenniser le système des retraites complémentaires, les responsables de la CARCDSF prévoient une réforme en 2012. Il est question d’intégrer un nouveau paramètre : l’espérance de vie.
Guy Morel : Le régime complémentaire est un des sujets princeps de notre réflexion. La réforme mise en place en 1997 arrive à son terme dans le strict respect de la feuille de route. Dès l’automne, nous allons discuter et mettre en place une nouvelle réforme avec pour échéance 2040.
Jean-Pierre Thomas : Cette nouvelle réforme est nécessaire car 2010 marque une inversion de la courbe démographique. Les effectifs actifs de la caisse, aujourd’hui à leur maximum, commencent à baisser. Certes, le numerus clausus a légèrement augmenté ces dernières années mais les pouvoirs publics ne veulent pas trop le desserrer. D’ailleurs, la profession est toujours partagée entre ceux qui défendent l’idée que le nombre des chirurgiens-dentistes doit baisser parce que la carie disparaît et ceux qui pensent que la stabilisation du nombre des praticiens est nécessaire pour faire face à l’apparition de nouveaux besoins.
GM : D’autres paramètres affectent les réflexions de la caisse : féminisation de la profession, changement de mentalité de nos jeunes, évolution marquée vers le salariat et les plateaux techniques afin d’avoir un exercice modulable…
JPT : Jusqu’à présent nos régimes par répartition étaient en excédent technique. Ce n’est déjà plus le cas dans les régimes salariés. Pour nous, l’objectif est de maintenir l’équilibre entre les cotisations et les prestations afin de garder notre marge de manœuvre. Selon les audits, notre régime n’est pas menacé : notre caisse est saine et pérenne. Mais pour l’avenir une réforme est nécessaire. Et le plus tôt sera le mieux. C’est pourquoi nous prévoyons son lancement dès janvier 2012.
GM : Nous commencerions le déficit technique en 2016/2018 puis le déficit technique et financier aux environs de 2020. En rupture totale de rentrées, la caisse pourrait néanmoins continuer à verser des prestations jusqu’aux environs de 2028.
JPT : L’idée est de réformer régulièrement afin d’éviter d’entamer les réserves. Nos leviers sont connus : durée de cotisation, âge de départ, niveau de prestations et niveau des cotisations. Le recul de l’âge de la retraite a un double avantage car le temps de cotisation s’allonge tandis que celui des prestations diminue. En France, il est question de 62 ans. Cette progression de deux ans n’aura aucun impact direct puisque le départ à taux plein de nos régimes complémentaires est 65 ans. Aux Pays-Bas, c’est déjà 67 ans… Chaque pays va à sa cadence, mais tous vont dans la même direction.
JPT : À âge égal, les prestations ne seront pas forcément celles d’aujourd’hui. Mais dire qu’ « on n’aura rien » pour sa retraite n’a pas de sens. Le problème en France est d’avoir fixé un âge couperet pour la retraite à 60 ans ! Il faut comprendre que la retraite est un choix à partir de 60 ans. C’est à chacun de choisir où il met la position du curseur entre 60 et 70 ans en fonction des ressources dont il veut disposer. C’est un système à la carte.
GM : Arrêter de travailler à 65 ans comme aujourd’hui va conduire inévitablement à une diminution du montant de la retraite parce que celle-ci sera versée plus longtemps. Aussi convient-il de prendre en compte l’espérance de vie pour calculer un montant de retraite qui lui correspond. D’autres sujets doivent être abordés. En particulier, la retraite va devoir prendre en compte la dépendance médicalisée.
Par ailleurs, aujourd’hui il y a lieu de réagir face aux générations les plus jeunes quand on sait que chaque membre du couple sous quelle que forme que ce soit a généralement des droits propres.
GM : C’est indispensable. La retraite ne doit pas dépendre seulement de la caisse mais d’un ensemble cohérent, diversifié.
GM : La France a un statut particulier de monopole que l’Europe accepte dans la mesure où nous respectons les règles de la solidarité. Mais nous devons être vigilants. Car notre système est sans arrêt remis en question mais confirmé par de nombreuses décisions de justice. Par pur libéralisme, certains voudraient disposer du libre choix de leur caisse de retraite et de la gestion de leur capital retraite.
JPT : Les directives européennes impactent nos retraites. Récemment, l’une d’entre elles a eu pour conséquence de retirer 4 des 8 trimestres donnés aux femmes par enfant mis au monde, pour les attribuer à l’homme, dans le cas où celui-ci l’aurait éduqué. L’Europe a aussi un impact sur la pérennité des droits. Lorsqu’un praticien poursuit sa carrière dans plusieurs pays, il faut des règles afin que les droits soient comparables avec ceux d’un praticien qui aurait eu une activité dans un seul pays. Ce n’est pas acquis. Car dans certains pays, les droits à la retraite ne sont ouverts qu’après un nombre d’années d’exercice minimal. Nous travaillons sur ce type de question.
GM : La réforme a conduit à un partage de l’effort, y compris des retraites liquidées. C’était une première en France. La valeur des points acquis avant 1995, quand le coût était faible, a été revue à la baisse. Les points acquis chèrement après la réforme de 1995 ont été diminués en valeur de façon plus modérée, mais pas anodine ! Quant aux nouveaux points créés depuis la réforme de 2006, ils sont acquis au rendement d’équilibre. En effet, toute variation de la cotisation entraîne une variation de la valeur du point afin que le système reste à l’équilibre d’années en années. Une revalorisation automatique est prévue dans la loi tous les ans. C’est pourquoi le jeune qui commence en 2006 aura une vraie retraite car les paramètres d’équilibre auront toujours été respectés.
*Avantage social vieillesse devenu Prestation complémentaire de vieillesse