Clinic n° 08 du 01/09/2010

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric Besse  

Dans le dernier rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les dépenses de Sécurité sociale, la place réservée à la dentisterie est réduite du fait que nous représentons un faible pourcentage de ces dépenses et que nous sommes systématiquement en dessous des prévisions de l’objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (ONDAM).

Cependant, une petite phrase a fait tiquer la profession : elle affirme que 60 % du chiffre d’affaires...


Dans le dernier rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les dépenses de Sécurité sociale, la place réservée à la dentisterie est réduite du fait que nous représentons un faible pourcentage de ces dépenses et que nous sommes systématiquement en dessous des prévisions de l’objectif national des dépenses de l’Assurance maladie (ONDAM).

Cependant, une petite phrase a fait tiquer la profession : elle affirme que 60 % du chiffre d’affaires des cabinets dentaires sont le fait de dépassements. Bien sûr, habitués à gérer nos cabinets en faisant le grand écart entre les ententes directes, le hors nomenclature et le montant des soins conventionnés, nous savons ce qu’il en est exactement et qu’il est légal, admis et normal de pratiquer des tarifs permettant la survie économique de nos cabinets.

Or, voilà que nos députés décident de regrouper tous ces montants dans la rubrique « dépassements ». Cette décision est extrêmement grave et sa portée est infiniment plus lourde qu’un simple écart de langage. Cette appellation correspond à un acte de propagande stalinienne visant à conforter dans l’opinion publique l’idée que ces cochons de dentistes vivent en profitant de la Sécurité sociale tout en refusant de respecter la convention qu’ils ont pourtant signée.

Cette agression virulente intervient comme par hasard à un moment où les députés ont décidé de s’attaquer aux dépassements de l’ensemble des professions de santé. En effet, en refusant d’adapter ses ambitions à ses moyens, comme le ferait chacun d’entre nous, afin d’équilibrer ses comptes, et en continuant de rêver à un accès universel à la santé, la Sécu tente à tout prix d’adapter ses moyens à ses ambitions. Les prélèvements sociaux dans notre pays étant les plus élevés du monde, il est difficile de les augmenter pour accroître la ressource. De plus, avec la crise, le nombre de salariés diminue, donc les cotisations aussi. Il ne reste plus alors qu’à tailler dans les coûts, en commençant par réduire les revenus des professionnels de santé, mesure populiste donc populaire. Et dans un premier temps, afin de renouer avec l’idée d’une santé gratuite pour chacun, l’urgence est de supprimer les dépassements des professionnels de santé. Dans ce contexte particulièrement dangereux, notre profession, tellement décriée pour le coût de ses actes et la cherté de ses traitements, risque de se retrouver en première ligne.

Appeler dépassements des actes conformes aux données acquises de la science que la Sécurité sociale refuse de prendre en charge, et pour lesquels la convention nous a toujours laissé la liberté de fixer nos honoraires, est donc un moyen de préparer l’opinion publique à un écrasement des tarifs des chirurgiens-dentistes. Cet écart de langage volontaire et maîtrisé est une nouvelle agression, après tant de vexations des années passées. C’est la raison pour laquelle toutes nos associations professionnelles devraient réagir de manière beaucoup plus vive face cette petite phrase assassine.