Clinic n° 08 du 01/09/2010

 

PROTHÈSE FIXÉE

Amal EL YAMANI*   Jamal EL BERNOUSSI**   Hicham SOUALHI***   Idriss BERRADA FETHI****  


*Professeur agrégé
**Professeur d’enseignement supérieur
***Chirurgien-dentiste,
spécialiste en prothèse fixée
****Chirurgien-dentiste,
spécialiste en prothèse fixée
*****Service de prothèse fixée
Faculté de médecine dentaire
BP 6212
Rabat-Instituts, Rabat, Maroc

La demande esthétique des patients allant croissant, les techniques céramo-céramiques ont représenté une avancée considérable pour les restaurations dentaires. Ainsi, le recours aux matériaux céramiques devient chaque jour plus pertinent au regard des progrès réalisés dans l’amélioration de leurs performances mécaniques et esthétiques ainsi que de leur biocompatibilité.

Parmi, ces procédés, le système In-Ceram® occupe une place particulière. Il présente trois matériaux différents, les céramiques d’infiltration Alumina, Zirconia et Spinell dont les caractéristiques mécaniques, optiques et de précision leur permettent de répondre à la totalité des situations cliniques aussi bien du point de vue de l’esthétique que de la pérennité. De plus, face à la multitude des systèmes céramo-céramiques disponibles actuellement, le système In-Ceram® présente le plus grand recul tant au laboratoire qu’en clinique.

Au cours de l’histoire de la dentisterie, la recherche de restaurations prothétiques « naturelles » a toujours été le but suprême des chirurgiens-dentistes, des prothésistes et des fabricants. À chaque période de cette histoire, les chercheurs ont mis à profit les avancées techniques pour élaborer des restaurations prothétiques toujours plus esthétiques et plus résistantes mécaniquement.

L’apparition des constructions céramo-métalliques a considérablement élargi le champ d’application des céramiques dentaires en augmentant la résistance de ces prothèses céramo-métalliques. Cependant, cela s’est fait au détriment des qualités principales de la céramique que sont la tolérance biologique et le rendu esthétique. La présence d’une infrastructure métallique, particulièrement dans le secteur antérieur, constitue une barrière à la circulation de la lumière et contribue à assombrir les tissus gingivaux environnants.

Les recherches pour améliorer les constructions céramiques avaient comme objectif d’augmenter la résistance du matériau céramique afin de pouvoir l’utiliser sans support métallique.

McLean [1, 2] a proposé de renforcer la céramique sans support métallique avec une base alumineuse. Cet axe de recherche a été poursuivi par Riley et Sozio [3] qui ont participé à l’élaboration du procédé Cerestore : le renforcement de la céramique était réalisé par une infrastructure en alumine injectée puis frittée. La résistance était encore améliorée mais pas suffisamment pour envisager des constructions plurales. De plus, le protocole de laboratoire était long et fastidieux.

En 1985, Michaël Sadoun a mis au point le slip-casting, procédé d’élaboration simple permettant d’obtenir une coque d’alumine avec une capacité de résistance suffisamment importante pour permettre de réduire son épaisseur et de la rendre comparable à une chape métallique conventionnelle.

Ce n’est qu’en 1989 que le procédé est commercialisé sous l’appellation In-Ceram®. Cette nouvelle céramique montre la plus grande résistance non seulement à la flexion mais aussi à la rupture de toutes les céramiques disponibles actuellement.

L’élaboration de céramiques de haute résistance sera le fer de lance de la recherche de ce nouveau siècle.

Composition du système In-Ceram®

Depuis 1989, la société Vita commercialise des matériaux compatibles avec cette technique dont les noms et caractéristiques varient avec la composition des particules (tableau 1) [4, 5] :

• In-Ceram® Alumina (grains d’alumine) ;

• In-Ceram® Spinell (particules d’oxyde mixte aluminium magnésium : MgAl2O4).

• In-Ceram® Zirconia (alumine dopée a 30 % de zircone).

Dans l’In-Ceram® Alumina, la proportion d’alumine contenue dans le produit slip-cast est de 85 % au moins avec des particules de taille comprise entre 0,5 et 3,5 µm.

Après frittage (1 100 °C), la chape d’alumine poreuse est infiltrée lors d’une deuxième cuisson (1 120 °C) par un verre d’oxyde.

La forte agrégation des particules d’alumine et la réduction de porosité par l’interpénétration des deux phases confèrent à la restauration ses propriétés mécaniques (de 450 à 500 MPa).

L’In-Ceram® Spinell est renforcé par une poudre de magnésium aluminate de structure cristalline de type MgAl2O4. Les grains de 1 à 5 µm occupent un volume de plus de 85 % qui confère à la restauration ses propriétés mécaniques (350 MPa). Le Spinell est 40 % plus translucide mais 20 % plus fragile que l’Alumina.

L’In-Ceram® Zirconia® est renforcé par de l’alumine pour 67 % et de la zircone pour 33 %. Les grains de 1 à 5 µm avec un volume de plus de 85 % confèrent à la restauration ses propriétés mécaniques (de 700 à 750 MPa). Les grains de zircone ont un pouvoir d’absorption des contraintes par changement de volume de 3 % et font obstacle à la propagation des fractures.

Technique du système In-Ceram®

Ce procédé, mis au point par Sadoun en 1985, permet la réalisation d’une infrastructure renforcée en alumine secondairement stratifiée par une céramique de coefficient de dilatation thermique adapté [4].

Cette technique utilise la barbotine (suspension stable de grains dans un milieu aqueux), agglomérée sur un modèle en plâtre spécial absorbant le milieu de dispersion des grains.

La déshydratation et le frittage soudent les grains entre eux. À ce stade, le matériau, ressemblant à de la craie, est facilement mis en forme de façon artisanale.

Aussi à partir de blocs frittés, il peut aussi être usiné par machine-outil (par exemple Cerec Inlab®).

Les espaces libres entre les grains sont secondairement infiltrées par un verre pour obtenir la résistance mécanique finale.

Les grains occupent la majeure partie du volume et sont soudés entre eux afin de stopper la propagation d’éventuelles fissures dans la matrice. Le verre d’infiltration choisi confère la teinte de base à l’armature.

Cette technique permet la fabrication d’infrastructures en céramique à recouvrir par une céramique à vocation esthétique.

Propriétés par rapport à celles des autres systèmes

Propriétés mécaniques

L’In-Ceram® se caractérise par une résistance à la flexion supérieure à celle des autres types de céramique. Les valeurs de résistance à la flexion sont représentées dans le tableau 2 [6].

Précision d’adaptation

Les constructions ainsi réalisées se caractérisent par une grande précision d’adaptation, laquelle est au moins égale à celle obtenue avec les constructions métalliques et supérieure à celle réalisée par les complexes céramo-métalliques [7, 8].

Cette précision est due à la technique d’élaboration de l’infrastructure mais aussi à la stabilité dimensionnelle de celle-ci lors de la cuisson de la céramique cosmétique.

Selon les différentes études, les valeurs du joint obtenues sont inférieures aux 120 µm considérés par McLean [2] comme cliniquement acceptables et durables.

Qualités esthétiques

La présence d’une infrastructure alumineuse intervient dans le rendu final de la restauration prothétique. Cependant, cette infrastructure ne présente pas l’opacité des chapes métalliques.

Le système In-Ceram® Spinell est plus translucide que les systèmes In-Ceram® Alumina et Zirconia qui gagnent en opacité avec la résistance mécanique.

La gamme In-Ceram® (Spinell, Alumina, Zirconia), par ses degrés de translucidité variés, permet de répondre à différents types d’indications cliniques tout en assurant un très bon rendu esthétique [9].

Ainsi, un système translucide est un avantage pour des piliers pulpés ou sans dyschromies afin de permettre la diffusion de la lumière ; a contrario, un pilier dépulpé ou décoloré nécessite une armature plus opaque [7].

Qualité de la liaison céramique-résine ou possibilité de traitement de surface

La technique In-Ceram® offre la possibilité de sceller ou de coller les restaurations.

Pour le collage, la résistance de l’adhérence résine-céramique est conditionnée par les possibilités de traitement de surface [10, 11]. Si le sablage et le silanage peuvent être utilisés pour toutes les autres céramiques, l’absence de phase vitreuse lors de l’utilisation des céramiques alumineuses ou riches en zircone ne permet pas la réalisation de mordançage à l’acide fluorhydrique.

Le traitement par sablage de l’intrados de la prothèse avec de l’alumine à 50 µm permet d’améliorer simplement la rétention finale. Un dépôt artificiel de silice par projection (Rocatec®) ou par calcination (Silicoater®) permet d’utiliser les propriétés des silanes. Les valeurs d’adhérence obtenues immédiatement sont très importantes (40 MPa).

Le scellement avec du ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMAR) permet d’obtenir des valeurs d’adhésion moyennes (12 MPa) mais reproductibles et selon un protocole de mise en œuvre simple [12].

Indications selon les types d’In-Ceram®

L’In-Ceram® Alumina autorise la construction d’éléments unitaires à la fois résistants et translucides tant au niveau des dents antérieures que des dents cuspidées et de petits bridges antérieurs (bridge antéro-supérieur de 3 à 4 éléments, bridge antéro-inférieur de 3 à 6 éléments).

L’In-Ceram® Zirconia est un matériau plus résistant qui permet d’étendre le champ d’application à des bridges postérieurs de 3 éléments, des inlays-core ou des éléments de prothèse implantaire. Cependant, il n’y a pas de recul suffisant quant à la longévité des bridges postérieurs [9].

L’In-Ceram® Spinell est un matériau plus translucide, avec lequel sont réalisés inlays, onlays et facettes [13]. Il est utilisé au niveau des bords cervicaux ou des faces vestibulaires des dents antérieures nécessitant la translucidité, surtout chez les jeunes patients. Son champ d’indication peut s’étendre à la réalisation de couronnes unitaires antérieures. Il améliore de façon très nette la translucidité face à une infrastructure alumine qui arrête la lumière.

Règles de la préparation pour couronnes In-Ceram®

Au stade de la procédure clinique, la technique de préparation revêt une importance capitale.

En raison de l’éventuelle apparition et de la propagation de fissures dans la céramique ainsi que de l’insuffisance ductile du matériau, les erreurs et défauts de préparation sont nettement moins tolérables que pour les restaurations métalliques [1, 13].

Ligne de finition

Forme

La limite de préparation doit être en forme d’épaulement avec angle interne arrondi. La céramique résiste mieux à la compression mais mal à la traction ou au cisaillement. L’épaulement permet d’augmenter la résistance à la fracture, l’angle interne arrondi permet une meilleure reproduction du profil par la céramique et rend plus facile l’adaptation de la barbotine [14].

Une préparation en congé est également possible dans la mesure où il existe un appui mécanique ; le congé épargne la substance dentaire pour plus d’économie tissulaire, mais la résistance à la fracture est meilleure pour les couronnes avec épaulement que pour celles avec congé [15].

Les congés plats, les préparations en biseau et les chanfreins sont contre-indiqués.

Situation

La situation de la limite peut être supragingivale, ce qui assure :

• respect de l’intégrité parodontale ;

• accès et nettoyage faciles du joint dento-prothétique.

Un matériau d’assemblage translucide est alors nécessaire.

La limite peut également être intrasulculaire, ce qui permet :

• de respecter les impératifs esthétiques majeurs ;

• de masquer une éventuelle dyschromie ;

• d’augmenter la rétention.

Un scellement au verre ionomère est alors à réaliser.

Forme du contour

Il faut procéder à une :

• réduction axiale de 0,7 à 1,2 mm (face vestibulaire : de 0,8 à 1,2 mm ; face proximale : 0,7 mm ; face palatine : de 1 à 1,2 mm) ;

• réduction incisale, voire occlusale, de 1,5 à 2 mm ;

• limite de la préparation bien circulaire sans dénivellation ;

• réduction homothétique aux formes de contour anatomiques.

Indépendamment de cela, il faut bien sûr garantir la stabilité et la rétention de la couronne sur le moignon en prévoyant une hauteur de travée suffisante et une convergence plus marquée, de 10 à 14°, pour faciliter la mise en forme au laboratoire [4].

Protocole de laboratoire

Les étapes de laboratoire seront illustrées à travers un cas clinique de réalisation d’un bridge en In-Ceram®, pour le remplacement de la 13, s’étendant de la 11 à la 14 (fig. 1 et 2).

Modèle de travail

Le modèle de travail sera confectionné dans un plâtre de haute précision, il sera secondairement scié.

Un vernis espaceur est appliqué sur les modèles positifs unitaires (dies) en 2 ou 3 couches pour permettre une insertion sans friction de la future chape (fig. 3).

Le vernis devra être appliqué à 2 mm de la limite cervicale pour ne pas altérer la qualité d’adaptation cervicale.

Pour les bridges céramo-céramiques, une ailette de renfort est modelée dans la zone de l’élément intermédiaire. Elle sert à bien positionner la barbotine ainsi qu’à favoriser et accélérer l’absorption du liquide pendant l’application [9].

Duplication

Le maître modèle est dupliqué avec un silicone de laboratoire (fig. 3). Le duplicata est coulé dans un plâtre spécial en respectant scrupuleusement les instructions de mélange données par le fabricant (plâtre spécial Vita In-Ceram® : 20 g, eau distillée : 4,6 ml) (fig. 4).

Application de la barbotine

La barbotine sera appliquée à l’aide d’un pinceau, tout d’abord au niveau de l’intermédiaire en cas de bridge, puis elle viendra recouvrir les piliers en aménageant une jonction intermédiaire (fig. 5). Une attention particulière doit être portée à la conception de l’armature et des connecteurs afin de créer un support favorable au soutien du matériau cosmétique [9].

Les parois de l’armature doivent avoir une épaisseur minimale de 0,7 mm en périphérie et de 1 mm en occlusal. En raison du dégrossissage réalisé après frittage, il faudra appliquer une épaisseur de barbotine plus importante.

Les zones de jonction doivent avoir une forme arrondie et concave en évitant les entailles vives.

Traitements thermiques

La pâte crue est laissée à l’air libre pendant 30 minutes puis l’ensemble est placé dans un four à une température jusqu’à 120 °C pendant 6 heures Cette manœuvre a pour but de déshydrater le plâtre, ce qui entraîne sa rétraction, laquelle favorise la séparation de la chape de son support.

Premier traitement

Après cette déshydratation, l’ensemble est porté en 2 heures à 1 100 °C en atmosphère aérienne. Cette température est maintenue pendant 2 heures. Le refroidissement s’effectue four fermé jusqu’à 700 °C. Cette étape permet le frittage du matériau. Après ce premier traitement, la chape a une consistance crayeuse et des modifications d’épaisseur et de forme peuvent être envisagées.

Second traitement

Ce traitement se fait selon le protocole suivant :

• déshydratation du verre à 600 °C pendant 5 minutes dans un four conventionnel ;

• la chape est enfournée dans un four directement à 1 000 °C puis la température est amenée à 1 080 °C en 15 minutes toujours en atmosphère aérienne et maintenue pendant 2 heures à 2 h 30 pour des unitaires et 3 h 30 à 4 heures pour les bridges ;

• le refroidissement s’effectue jusqu’à 900 °C porte du four fermée.

Cette deuxième cuisson permet d’infiltrer la fritte avec un verre teinté qui la colore et qui comble les porosités de l’infrastructure (fig. 6).

Élimination de l’excédent de verre

Après refroidissement, l’excès de verre est éliminé par sablage (l’alumine à 50 µm), puis on procède à un fraisage avec des instruments diamantés.

Montage de la céramique cosmétique

Après ajustage de l’armature sur le modèle de travail (fig. 7), la céramique cosmétique Vitadur Alpha est montée sur l’armature, selon la technique habituelle du céramiste (fig. 8 9 à 10). La céramique Vitadur Alpha est choisie en raison de son accord en coefficient de dilatation thermique avec la chape alumineuse, ce qui assure un bon résultat tant sur le plan mécanique qu’esthétique (fig. 11 12 13 14 à 15).

Conclusion

La demande esthétique des patients oblige le praticien à rechercher de plus en plus de techniques de restauration capables de redonner un aspect naturel à la denture. Toutefois, ce type de restauration nécessite une grande rigueur dans le respect du protocole opératoire tant lors des étapes cliniques que de laboratoires.

Bibliographie

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  • 2. McLean JW. The science and art of dental ceramics. Berlin : Quintessence Publishing Co. Inc., 1980.
  • 3. Sozio RB, Riley EJ. The shrink-free ceramic crown. J. Prosth Dent 1983;49:182-187.
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  • 5. Poujade JM, Zerbib C, Serre D. Céramique dentaire. Encycl Med Chir Odontologie 2004;23-065-G-10.
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  • 7. Laborde G, Lacrois P, Margosian P, Laurent M. Les systèmes céramo-céramiques. Real Clin 2004;15:89-104.
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  • 9. Daniel X, Courant G. In-Ceram® zirconia : la nouvelle dimension céramo-céramique. Synergie prothétique 1999;1:5-18.
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  • 13. Garber D, Goldstein R. Inlays et onlays en céramique et en composite. Restaurations postérieures esthétiques. Rueil-Malmaison : CDP, 1995.
  • 14. Mauny F, Sadoun M, Daniel X. Les préparations coronaires périphériques pour procédés céramo-céramiques. Real Clin 1996;7:459-470.
  • 15. Morin F, Daniel X, Valentin CM. Le slip casting : conception et mise en œuvre. Cah Prothese 1990;70:19-30.

Évaluez-vous

1. Les céramiques In-Ceram® sont plus résistantes que :

a. les céramiques feldspathiques.

b. les céramiques Empress.

c. les céramiques Procera.

2. Le traitement de surface des céramiques In-Ceram® est réalisé par :

a. mordançage à l’acide orthophosphorique.

b. mordançage à l’acide fluorhydrique.

c. sablage.

d. silanage.

3. La ligne de finition préconisée pour une préparation en vue de recevoir une couronne céramo-céramique en In-Ceram® est :

a. un épaulement à angle interne arrondi.

b. un épaulement chanfreiné.

c. un congé large.

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