Clinic n° 07 du 01/07/2010

 

FINANCES

GÉRER

PATRIMOINE

Robert GROSSELIN  

Le débat ambiant, médiatique et politique, substitue l’inquiétude à la perplexité. Alors qu’on traite des régimes collectifs, chacun perçoit qu’il faut se préoccuper de sa propre situation. Peut-on prévoir ses besoins et ses ressources ? Analyse.

Prenons de la distance avec le contexte actuel qui peut se résumer à incertitude économique et augmentation des prélèvements obligatoires. Raisonnons. L’objectif est d’espérer conserver son train de vie une fois la carrière cessée. Toutes considérations de situation personnelle restant égales (couple, famille, santé, validité…), les besoins matériels sont, après la cessation, normalement inférieurs à ceux de la période active du fait de l’absence d’endettement durable et grâce à une diminution significative de l’imposition sur le revenu. Celle-ci est assise sur le revenu professionnel alors qu’ultérieurement, les ressources ne seront pas toutes imposables selon le même mécanisme. Ainsi, la consommation de son capital (retraits en assurance-vie par exemple) est, et restera, plus faiblement taxée que le reste. Le coût des enfants disparaît normalement, bien qu’aujourd’hui nombre de praticiens de plus de 50 ans aient de jeunes enfants, ce qui conduit à aménager le cahier des charges et la feuille de route patrimoniale. Cette projection comptable individuelle et indicative contribuera, d’une part, à apaiser les inquiétudes et, d’autre part, à éviter de procéder à des investissements inadaptés à la logique de la retraite.

Pour une meilleure lisibilité, il est bienvenu de retracer ses besoins en matière de train de vie en excluant l’impôt sur le revenu et l’ISF mais en intégrant les impôts locaux attachés aux résidences personnelles. Les prélèvements obligatoires, étant fluctuants, évolutifs et imprévisibles, constitueront la variable qu’il faudra ajuster.

Les actifs du retraité se répartissent en trois catégories : les logements dont il a la jouissance, qui constituent une richesse non liquide puisqu’il en jouit, les actifs sociaux et les actifs patrimoniaux. Les actifs sociaux relèvent des régimes obligatoires de retraite et des régimes facultatifs (Madelin, PERP ou PERCO), tous se dénouant en rente viagère. On avancera, à titre indicatif, qu’il serait souhaitable que ces allocations assurent plus de la moitié des besoins. Ils varient sensiblement d’un couple à un autre, entre célibataire et ménage. La troisième catégorie est l’actif patrimonial, constitué de l’immobilier locatif et de placements financiers, ces derniers en quasi-totalité, dans le contexte actuel, dans le cadre de l’assurance-vie.

S’ajoute la trésorerie accumulée le cas échéant dans une SELARL, celle-ci devenant une coquille patrimoniale, et/ou dans l’épargne dite salariale.

L’avantage de l’actif patrimonial est qu’il va servir des ressources régulières dont on peut faire évoluer la nature, en particulier au regard des prélèvements obligatoires. Ainsi, actuellement, il peut être intéressant pour un retraité de céder un bien immobilier locatif pour lui substituer un contrat d’assurance-vie. Les retraits qui y seront opérés échapperont à la progressivité de l’impôt sur le revenu.

Ce type de patrimoine aura été bâti pendant la vie active, motivé par le souci premier de son dénouement en fin de carrière plutôt que de la transmission aux siens. L’immobilier se sera servi du crédit, le financier aura profité de soutiens fiscaux et sociaux pour constituer des cagnottes avec, de façon privilégiée dorénavant, le dispositif total d’épargne salariale (voir Clinic d’avril 2010) incluse dans le PEE qui se dénoue en capital et est aisément mobilisable pendant la vie active.

S’il est relativement facile de déterminer un revenu foncier brut, c’est-à-dire avant charges et prélèvements, le net est plus aléatoire du fait de travaux ou de contraintes imposées par la loi aux propriétaires. On sait ce que coûtent les charges de syndic. Pour les placements financiers, on peut se fixer des objectifs d’épargne et de capitalisation en déterminant quel capital est nécessaire à une échéance donnée pour disposer d’un complément de ressources pendant les 15 ou 20 ans suivants. Ce seront respectivement 120 000 € et 150 000 € si l’on veut 10 000 € par an, prélevés sur un placement qui rapporte 3 %. Nous retenons ce taux de 3 % pour éviter des projections irréalistes qui pourraient être affectées, en pouvoir d’achat, par le niveau de l’inflation.

Sachant que la vie active doit être vécue, nous avons pour habitude de dissuader les praticiens qui sont en première partie de leur carrière (disons jusqu’à 40-42 ans) d’épargner dans des cadres se dénouant exclusivement en rente et à l’âge de la retraite. Cette position ne signifie pas qu’il faille être cigale. Mais la fourmi préférera l’épargne dont on peut disposer, s’il y a lieu, avec un blocage réduit à 5 ou 6 ans.

Mon conseil

Matthieu GROSSELIN, gestion de patrimoine, cabinet EGA

En publicité, la règle fondamentale est de rappeler les évidences. La gestion de patrimoine doit respecter le même principe. Pour espérer s’assurer une sécurité matérielle au-delà du cabinet, il faut, pendant sa vie active, dépenser moins que son bénéfice. Évidence mal respectée chez les libéraux dont le train de vie est trop souvent en dérapage, à l’image de celui de l’État, du fait d’engagements (emprunts d’opérations de défiscalisation en particulier) ou d’accidents, tels le divorce mais aussi les aléas physiques du praticien. La première pierre à la constitution d’un patrimoine retraite est d’adapter sa couverture « frais généraux » et « incapacité temporaire » à ses besoins réguliers, établis sans complaisance.

La deuxième évidence est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. La répartition entre immobilier et financier, et avec diversification de biens ou d’établissements financiers au sein de chaque catégorie, est essentielle. Elle passe par des arbitrages en cours de vie, par la vente de biens immobiliers ou la reconfiguration de ses contrats d’assurance-vie.

Enfin, troisième règle d’or, évidente mais pas toujours respectée, veiller à la liquidité des placements. La capacité de pouvoir récupérer son capital, au moment prévu ou prématurément, qu’il s’agisse d’immobilier ou de placement financier, est un gage de sécurité matérielle durable, ne serait-ce qu’au regard de l’adaptation de ses ressources aux prélèvements obligatoires.