Installé depuis 4 ans dans le village de Saint-Étienne-du-Bois, près de Bourg-en-Bresse, dans l’Ain, Xavier Lamy est dentiste équin. Plus précisément, pour employer l’appellation consacrée, « technicien dentaire équin ». Un métier aussi ancien que la civilisation romaine, ainsi que l’attestent plusieurs études, et qu’il exerce depuis 13 ans, après une formation aux États-Unis. Treize ans d’une expérience qui, à 45 ans, lui valent une belle clientèle et un emploi du temps bien chargé.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce métier ?
Je suis cavalier depuis l’enfance, je connais bien les chevaux. Pourtant, j’ai fait des études de droit jusqu’à la maîtrise. Mais au bout de 5 ans, j’ai ressenti le besoin d’être mon propre patron et d’avoir une activité de terrain. Le cœur de ce métier, ce qui m’a plu, c’est de soulager l’animal, lui apporter un bien-être.
Quel est le rôle du dentiste équin ?
La dentisterie équine est très différente de la dentisterie humaine : l’essentiel de notre travail consiste à rectifier en permanence la mâchoire du cheval qui bouge beaucoup. Un bon équilibre de la bouche apporte l’équilibre global du cheval. Or, être monté par l’homme n’est pas naturel pour le cheval. Le but de mon métier est de rendre la mâchoire la plus libre possible afin qu’elle supporte bien le mors et que le pincement des nerfs soit évité. J’ajoute que nous ne travaillons que sur l’émail, on n’attaque jamais la pulpe dentaire.
Comment vous êtes-vous formé à cette spécialité ?
Quand j’ai fait mes études, il n’existait aucune école en Europe. On pouvait simplement apprendre sur le terrain auprès d’un dentiste équin. Je suis donc parti pour 6 mois en Virginie, aux États-Unis. Dans ma discipline, la recherche et la technique sont bien plus avancées dans le monde anglo-saxon. Aujourd’hui, en Europe, il existe une école en Belgique et une autre en Angleterre. En France, il y a seulement une association de vétérinaires équins, qui ne sont pas spécialisés en dentaire. Ils n’ont pas toujours de très bonnes relations avec les chirurgien-dentistes, alors que nous aurions intérêt à travailler ensemble.
Y a-t-il beaucoup de dentistes équins en France ?
Nous sommes environ 70. Si je devais caricaturer le tableau, je dirais que dans notre profession, aujourd’hui en France, il y a les arracheurs de dents, ceux qui se contentent de soigner les caries et ceux qui ont évolué vers une spécialisation précise. Par exemple, parmi les dentistes équins, nous ne sommes qu’une dizaine à travailler aussi sur les incisives, ce qui nécessite une formation plus pointue. C’est essentiel car ça apporte un bien-être au cheval. Par ailleurs, beaucoup de vétérinaires et quelques maréchaux-ferrants soignent aussi les dents des chevaux, mais ils ne sont pas spécialisés.
Quelles sont les qualités requises ?
Le plus important est de bien connaître les chevaux. L’expérience se forge sur le terrain, à leur contact. La plus grande partie d’entre eux est adorable mais, une fois sur dix, le cheval souffre beaucoup et le travail à effectuer est important. Et puis, il y a parfois des chevaux dominants qui ne supportent pas de garder la bouche ouverte. Dans ce cas, nous faisons appel à un vétérinaire pour le tranquilliser.
Comment s’organise votre travail ?
L’été, les chevaux sont occupés par les concours et les compétitions. C’est donc essentiellement l’hiver que je me déplace dans les écuries. Je travaille debout devant le cheval, et le plus souvent à la main. J’utilise peu de matériel électrique. Avant les concours, je m’occupe des jeunes chevaux dès l’âge de 4 ans. Lorsqu’ils entrent dans les écuries, ils ont des dents très aiguisées. Le traitement va rendre le port du mors plus confortable et améliorer leur nutrition. Le cheval sera plus heureux de travailler sans douleur ! Et la douleur, c’est 90 % des problèmes…
Par qui les chevaux vous sont-ils adressés ?
En 4 ans dans la région, j’ai eu le temps de faire connaître mon métier. Du coup, les vétérinaires confrontés à des problèmes dentaires chez un cheval ont le réflexe de faire appel à moi. Dorénavant, les éleveurs sont aussi davantage sensibilisés au fait que le dentiste équin est une spécialité en soi et ils peuvent me contacter directement. Par exemple, si le cheval mange doucement ou renâcle à l’effort, ça peut être une indication de douleur. L’éleveur va donc prendre rendez-vous avec moi.
Comment s’organisent vos journées ?
Les grosses journées, je me lève à 5h30 et ne suis de retour qu’à minuit. Une semaine par mois, je me déplace en Provence sans rentrer chez moi. Chaque année, j’avale près de 80 000 kilomètres ! Les déplacements sont devenus la partie la plus difficile de mon métier. Au début c’était drôle, je découvrais de jolis coins mais à force, c’est fatigant. L’été est beaucoup plus calme. J’ai plus de temps pour m’occuper de mes animaux.
Vous êtes aussi éleveur ?
Comme je soigne entre 15 et 20 chevaux dans la journée, je n’ai plus vraiment le temps d’être cavalier, mais j’élève 8 pur-sang anglais. Un entraîneur s’en occupe. Sept vivent à la maison. Le dernier est à l’entraînement.
Quelles sont vos plus grandes satisfactions ?
J’ai soigné 2 vice-champions du monde, je travaille avec le cirque Gruss et avec des acteurs célèbres… Je fais toujours de très belles rencontres. Mais le plus bel aspect de mon métier, c’est de remettre sur pied un cheval que j’ai trouvé quasi mourant. Deux semaines après mon intervention, il mange à nouveau, il est en pleine forme et peut vivre encore des années ! C’est un très grand plaisir.
Avez-vous déjà eu des accidents ?
Les morsures sont assez classiques quand on débute. Puis il y en a de moins en moins. Je suis parfois confronté à des réactions un peu violentes. Il arrive qu’un cheval essaie d’envoyer son sabot sur le bout de mon nez… Avec l’expérience, je parviens à anticiper le coup et je fais tranquilliser le cheval. Finalement, je n’ai jamais eu de gros accidents. J’ai toujours du plaisir dans la relation avec l’animal.
Le site de Xavier Lamy : http ://dentiste-equin.com/