La majorité des cabinets dentaires mis en vente ne trouvant pas de successeurs, le rapport cédant/acquéreur est faussé par ce contexte et le dialogue est difficile. Proposition de méthode.
Déclaration 2035, relevés SNIR, RIAP, bail, contrats de travail… Bref, tous ces documents qui caractérisent le cabinet et qui nourriront la réflexion d’un candidat acquéreur sont, ou plutôt seront, rapidement nécessaires. C’est sur la base de ces documents que le conseil de l’acquéreur formulera ses commentaires. Seul le factuel est habituellement dans sa compétence.
Cela étant, le praticien cédant aura tout intérêt à ne pas concentrer les entretiens sur les pièces administratives. Il ne s’agira pas non plus d’exprimer des états d’âme personnels sur la profession, les patients, les pouvoirs publics, les instances professionnelles… mais de contribuer (en aîné) à l’établissement du projet de carrière de son interlocuteur. Comment voit-il ce cabinet, peut-il constituer un tremplin et, surtout, lui faire gagner du temps pour atteindre son objectif ? La motivation d’une reprise de cabinet est, pour l’essentiel, de gagner du temps et de ne pas avoir à façonner une organisation mais seulement à la parfaire en la faisant évoluer.
La première question porte sur le site de l’installation. Qu’est-ce qui motive pour cette région, pour ce type d’agglomération ? Vient ensuite la deuxième considération déterminante pour un candidat à l’installation : cabinet individuel ou cabinet de groupe. Le premier se façonne aisément et le second se bâtit avec le temps et les hommes. Le cabinet de groupe est contemporain car il autorise un rapport temps de travail/temps de vie personnelle adapté à notre société. Un trois ou quatre jours hebdomadaires et huit semaines de congé annuel constituent des facteurs valorisant un cabinet.
Si l’exercice associatif a les faveurs des acquéreurs, il faut savoir que le cadre de la SCM (société civile de moyens) leur convient, parce qu’ils veulent de l’autonomie et que la SCP (société civile professionnelle), en revanche, n’est pas appréciée malgré la sécurité matérielle qu’elle apporte à un repreneur de parts. Si tel est le cadre, autant lui proposer d’acheter une fraction du fonds, donc du cabinet qui est détenu par la SCP, ce qui ne déplaira pas aux associés préexistants qui redoutent, eux aussi, la mise en commun du chiffre et du résultat.
Au lieu d’implantation du cabinet et au statut juridique et réglementaire d’exercice, il faut ajouter le local professionnel pour compléter le futur cadre de vie. Tous trois sont empreints d’autant de subjectivité que d’objectivité. La lecture est individuelle et il ne faut pas chercher à la modifier. Cette position respectueuse n’exclut pas d’évoquer la possibilité d’aménager différemment le cabinet, voire de changer de local dans quelques années.
Le chiffre d’affaires en montant, éclairé par les tarifs d’honoraires pratiqués et par sa ventilation entre les différents types d’actes, à la nomenclature ou pas, confrontera l’acquéreur à la réalité matérielle, celle du volume de travail et de sa capacité à le satisfaire, tant en termes de compétence que de rythme.
Au regard des actes, il faut savoir qu’un acquéreur a une lecture inverse de celle du titulaire. Ce dernier est fier des actes à valeur ou rémunération ajoutée (prothèse, implant…) alors que l’acquéreur est rassuré par un plus grand nombre de patients avec un « panier moyen » (honoraires par patient) moins élevé. Il y voit, à juste raison, une meilleure sécurité pour un repreneur et une capacité de développement.
Le moment est opportun pour revenir sur un échange initial qui portait sur la situation et l’expérience du candidat. Quel type d’exercice a-t-il ? Dans quel type de cabinet ? Y a-t-il des perspectives d’intégration ? …
Ce retour dans l’expérience professionnelle (même modeste) de l’acquéreur permettra d’aborder plus aisément la situation du cabinet en ce qui concerne ses salariés. On sait que ce poste de charges est coûteux, que la contrepartie ressentie par le titulaire n’est pas toujours à hauteur de ce budget et que, de plus, l’âge moyen du personnel salarié peut constituer un obstacle pour le repreneur. Il faut en la matière dire comment on juge le travail des salariés et évoquer leur adaptabilité à une nouvelle organisation.
Pour finir, parlons du matériel, en particulier si des contrats de crédit-bail (leasing) sont en cours et doivent être repris par le successeur. Tous les commentaires sont permis mais ne seront pas déterminants sur la décision de l’acquéreur.
Il faut préparer son dossier de présentation en ayant pour règle de ne jamais remettre de documents comptables ou juridiques originaux. Le risque est de ne pas les revoir. Mieux, il ne faut remettre aucun document avant de s’être largement entretenu avec son acquéreur potentiel.
Aucun des deux interlocuteurs (cédant et acquéreur) n’étant rompu à ce genre de dialogue qui, de plus, est celui de deux générations différentes, c’est le senior qui doit guider la conversation initiale en interrogeant son vis-à-vis sur les considérations essentielles de son projet professionnel et enfin sur les éléments qui l’ont conduit jusqu’à lui. Cette démarche, préférable à celle qui consisterait à faire la présentation à sa manière de son cabinet, aura pour double effet d’une part d’identifier les curieux ou les indécis (ils sont légion) et d’autre part, de rendre plus aisée la suite de l’entretien. Cette première confrontation, qui est parfois initiée lors d’un premier entretien téléphonique, doit se conclure sur la demande du cédant d’une liste de documents qu’il convient de mettre à la disposition du candidat acquéreur. Cette étape de présentation, qui aboutira à une négociation, doit se vivre à son rythme, sans précipitation. Tout interlocuteur qui commence par vouloir savoir si le prix de cession peut être discuté ne sera pas l’acquéreur final.